Tandis que le cirque olympique dresse ses tentes à Rio de Janeiro, la crise politique brésilienne est en passe d’atteindre un nouveau sommet. C’est en août qu’on saura clairement si la présidente Dilma Rousseff sera définitivement destituée ou non. Les juristes estiment qu’il n’y a pas de fondement juridique suffisant pour une destitution légale. Dilma et le camp progressiste parlent d’un "coup d’État parlementaire". Ce conflit a une portée beaucoup plus large que la scène politique. C’est un approfondissement de la politique néolibérale des années 1990’. Le nouveau régime a un grand objectif : transférer l’exploitation du pétrole au capital privé.
"Un coup d’État parlementaire, voilà ce qu’est la procédure d’impeachment visant à destituer la présidente Dilma". Telle est la conclusion d’un Tribunal International pour la Démocratie au Brésil, après deux jours de délibérations les 19 et 20 juillet à Rio de Janeiro. Le tribunal se composait de juristes en provenance du Mexique, de France, d’Italie, d’Espagne, du Costa Rica et des États-Unis. Il devait se prononcer sur quatre questions : la destitution est-elle contraire à la Constitution brésilienne ? Si aucun crime n’est démontré, s’agit-il alors d’un coup d’État parlementaire ? Des traités internationaux signés par le Brésil ont-ils été violés ? Et, la destitution doit-elle être invalidée ? À chaque question, le tribunal a répondu : oui ! Son jugement est maintenant envoyé au Parlement brésilien [1].
La présidente Dilma Rousseff (du Partido dos Trabalhadores/PT - Parti des Travailleurs) a été suspendue en mai. Une majorité a voté pour sa destitution (impeachment) dans les deux chambres du Parlement brésilien. On reproche à la présidente d’avoir manipulé le budget "en vue de camoufler l’ampleur réelle du déficit" [2]. Une commission sénatoriale étudie actuellement son dossier et rendra son rapport au Sénat à la fin juillet. Le verdict devrait tomber d’ici le 16 août, en plein pendant les Jeux olympiques de Rio : Dilma sera-t-elle définitivement démise de ses fonctions, oui ou non ? Dilma Rousseff et les mouvements populaires brésiliens ont immédiatement qualifié sa destitution de coup d’État parlementaire. Les opinions sont partagées, même loin du Brésil. "L’accusation de maquillage des chiffres du budget est un prétexte pour écarter une présidente impopulaire", a écrit The Economist [3]. Plus tôt en juillet, un collectif de parlementaires français a également condamné l’impeachment de Dilma et l’a taxé de coup d’État. [4]
Dilma s’est aussi rendue impopulaire auprès de sa base traditionnelle parce qu’elle a transigé dans sa politique et qu’elle a pris des "mesures orthodoxes" dans une tentative de maintenir de bonnes relations avec la bourgeoisie brésilienne. Cela a semé la confusion dans le camp progressiste. Mais maintenant que Dilma a été écartée de la tête de l’État, les syndicats et les mouvements populaires la soutiennent, ou tout au moins s’opposent au coup. [5] Ils se sont fédérés entre autres au sein du Frente Brasil Popular, une alliance de la centrale syndicale CUT, du MST (le mouvement des travailleurs ruraux sans terre) et du MAB (le réseau rural contre les barrages hydroélectriques). Des partis de gauche, comme le PT, le PSOL, le PCdoB et le PSTU ainsi que la centrale syndicale Conlutas se mobilisent également contre le coup [6].
Pendant la suspension de Dilma, c’est son vice-président Michel Temer qui assure l’intérim de la fonction la plus haute de l’État. Bien qu’il n’en ait pas la compétence, Temer (du parti de droite PMDB) gouverne comme le président de la puissante oligarchie conservatrice brésilienne, à laquelle il est d’ailleurs fortement lié par le biais de ses plus proches collaborateurs. Lorsqu’il a constitué son gouvernement de transition, Temer a envisagé de prendre Paulo Leme dans son équipe économique. Leme dirige la branche brésilienne de la banque d’affaires américaine Goldman Sachs. [7] Il a confié le portefeuille de l’Agriculture à Bruno Maggi, surnommé le "Roi du Soja" parce que sa famille règne sur un empire de plantations de soja pour lesquelles d’immenses pans de forêt ont été abattus.
Les interventions de Temer en vue de couper les ailes à la société pétrolière brésilienne Petrobras sont significatives de la direction dans laquelle il s’engage. L’État est pourtant copropriétaire de Petrobras. Michel Temer a nommé un nouvel homme à la tête de Petrobras, lequel soutient pour sa part un projet de loi qui mine les intérêts de Petrobras dans le secteur pétrolier. Le projet de loi veut réduire le rôle joué par l’entreprise dans l’exploitation de nouveaux champs pétrolifères qui contiennent des réserves considérables dans l’océan Atlantique.
Pétrole en eaux profondes
C’est pourtant Petrobras qui, en 2006 et 2007, a découvert ces nouvelles réserves. Elles sont localisées dans différents "bassins" au large de la côte brésilienne, de Santos à Espiritu Santu. Ces découvertes ont démontré les capacités techniques de Petrobras. Car les réserves se situent jusqu’à 6000 mètres en dessous du niveau de la mer, bien loin sous le plancher océanique, où elles sont couvertes d’une croûte de sel. Raison pour laquelle les Brésiliens parlent des gisements pré-sal. À titre de comparaison, d’après les normes américaines, des gisements situés à 1600 mètres sous le niveau de la mer, comme dans le golfe du Mexique, sont déjà "ultra-deep". Les nouveaux gisements brésiliens sont – paraît-il – très riches mais difficilement exploitables, notamment à cause de la profondeur. [8] En tout cas, leur exploitation nécessite de lourds investissements.
Sous la présidence d’Ignacio Lula da Silva (PT), le prédécesseur de Dilma, l’État brésilien s’est adjugé l’exploitation des gisements pré-sal. Lula avait sorti en 2009 un nouveau cadre légal qui est entré en vigueur à la fin 2010, juste avant qu’il transmette la présidence à Dilma. Ce cadre comprenait les éléments suivants : Petrobras devient l’opérateur des nouveaux champs Pré-sal, une nouvelle entreprise publique PetroSal exerce le contrôle de l’ensemble de ce nouveau secteur, une partie des recettes va à un Fonds public destiné aux services sociaux et à l’enseignement et, par le biais d’une augmentation du capital de Petrobras, l’État se réserve un droit exclusif sur l’exploration et la production de 5 milliards de barils de pétrole dans six zones pré-sal du bassin de Santos. [9]
Lula a également abandonné le système des concessions et a opté pour le régime du Production Sharing. Les concessions sont des territoires que l’État accorde à des entreprises qui exploitent les zones en question pour leur propre compte et remettent une partie de la recette à l’État sous forme de royalties. Or, les concessions sont gérées comme des enclaves, ce qui veut dire qu’elles n’entretiennent pas de relations avec l’économie qui les entoure et qu’elles y contribuent peu. D’où le choix par Lula du Production Sharing. Les champs pré-sal seraient dorénavant octroyés à des consortiums d’entreprises qui se répartiraient la production entre elles, avec Petrobras comme opérateur qui détiendrait une part d’au moins 30 pour-cent dans les consortiums. L’État brésilien se réservait de la sorte une part considérable de la production et des recettes des champs pré-sel et stimulait des liens avec l’économie environnante.
L’exploitation d’un premier gisement pré-sal (le champ Libra) a été mise aux enchères en octobre 2013 et octroyée à un consortium dans lequel Petrobras avait une participation de 40%. Les autres membres du consortium étaient les multinationales occidentales Shell et Total (chacune à hauteur de 20 pour-cent) et les chinoises CNOOC et CNPC (chacune à hauteur de 10%).
Les multinationales privées n’occupent donc pas explicitement les premiers rangs, même si elles ne sont pas exclues de l’accord. Le secteur privé a été scandalisé. En témoigne ce titre du magazine économique américain Forbes : "Petrobras découvre encore du pétrole, mais l’argent est pour le gouvernement, pas pour les actionnaires". [10] Des politiciens conservateurs ont réagi à leur manière. Le sénateur José Serra (PSDB) a pris d’emblée les devants contre le nouveau cadre pré-sal. En 2010, avaient lieu des élections pour la succession de Lula. Serra s’est présenté comme candidat conservateur contre Dilma Rousseff. Wikileaks devait dévoiler plus tard un télégramme diplomatique américain d’où il ressortait que José Serra avait conspiré avec les multinationales privées du pétrole. Il leur avait par exemple promis de retirer le régime préférentiel accordé à Petrobras. [11]
Le lendemain de l’attribution du champ Libra en octobre 2013, José Serra a déclaré que Petrobras ne s’en tirerait pas en tant qu’opérateur exclusif. Il trouvait que le Brésil devait collaborer avec des multinationales privées occidentales, surtout pas avec les Chinois. [12] Il a laissé entendre que le statut de Petrobras devait changer. Serra a concrétisé ce dessein dans une première proposition de loi en 2015. Il prétendait agir uniquement dans l’intérêt de la nation. Ses arguments à l’époque : Petrobras est impliquée dans un grand scandale et n’est pas en mesure de mener à bien le projet Pré-sal qui requiert d’énormes investissements, alors que le pays a grand besoin du pétrole. [13] C’est pour cette raison qu’il fallait retirer les activités pré-sal des statuts de Petrobras. Aujourd’hui, José Serra ne siège plus dans l’opposition. Il est dorénavant ministre des Affaires étrangères dans le nouveau gouvernement Temer.
La gauche et le mouvement syndical ont organisé la résistance. Selon eux, le camp conservateur veut brader Petrobras à des investisseurs privés. Or, le mouvement syndical brésilien arbore depuis des décennies (depuis les années 1940) cette devise : o petroleo é nosso, le pétrole appartient au peuple et il doit être exploité par le secteur public. En juillet 2015, les syndicats ont mené une grève de 24 heures contre la proposition de Serra et, en novembre, ils ont bloqué Petrobras pendant deux semaines. Au début juillet 2016, la FUP et la FNP, les deux fédérations syndicales des ouvriers du pétrole, ont discuté de nouvelles actions. Car, entre-temps, des signaux plus précis indiquent la manière dont le camp conservateur veut abandonner le secteur pétrolier et Petrobras au capital privé.
Les considérations climatiques ne sont certainement pas au premier plan dans les discussions concernant Petrobras. La réduction de la production de combustibles fossiles n’est pas à l’ordre du jour, c’est plutôt le contraire. Des compagnies internationales aimeraient mettre le pied dans l’exploitation des gisements en eaux profondes. Même aujourd’hui, alors que le prix du pétrole est "bas" et qu’une exploitation rentable des champs pétroliers – qui exige des investissements coûteux – n’est pas évidente, les gisements pré-sal n’en finissent pas d’attirer les intérêts étrangers. À titre d’illustration : Royal Dutch Shell a racheté la compagnie britannique BG, plus petite, pour "quelque 50 milliards de dollars" et est ainsi devenue la plus grosse compagnie étrangère dans l’industrie pétrolière offshore au Brésil, "une des plus prisées au monde", ainsi que l’écrivait encore le Wall Street Journal en février de cette année. [14] De l’autre côté, les mouvements populaires et les syndicats veulent avant tout récupérer le patrimoine national et le protéger.
Petrobras, patrimoine du Brésil
Petrobras a été créée en 1953 par le président de l’époque, Getulio Vargas, sous la forme d’entreprise publique. Vargas cédait ainsi à un mouvement populaire né en 1948 et qui exigeait la nationalisation du secteur pétrolier. Petrobras a reçu le monopole sur le secteur et l’a conservé jusque dans les années 1990. C’est alors que le président Fernando Henrique Cardoso (fondateur du PSDB) a privatisé les entreprises publiques et a ’ouvert’ le capital de Petrobras à l’actionnariat privé. Petrobras se définit elle-même comme une public-led company. C’est que la notion d’intérêt public a fluctué ces dernières années. Dans mon livre De uitverkoop van Zuid-Amerika, je me base sur les rapports annuels de l’entreprise et j’en arrive à 50,26% aux mains de l’État brésilien (y compris la société publique de développement BNDES). La fédération syndicale internationale IndustriAll, pour sa part, s’arrête à un intérêt public de 64%. [15] Une grande confusion existe à ce propos. D’après le monde associatif brésilien, l’influence qu’exercent les investisseurs privés dans l’entreprise est considérable. Et, avec le président Temer, l’avenir s’annonce encore plus rose pour ces investisseurs.
Michel Temer était à peine entré en fonction en sa qualité de vice-président en mai 2016, qu’il nommait Pedro Parente PDG de Petrobras. Parente provient du secteur privé. Il a dirigé la branche brésilienne de la multinationale américaine Bunge (un géant de l’agroalimentaire), il a été vice-ministre des Finances durant le mandat du président Cardoso, et tout récemment encore, il était président de la Bourse Bovespa à São Paulo. Dans une interview avec le quotidien économique Wall Street Journal, Parente a déclaré qu’il referait de Petrobras ’une grande compagnie sexy’ pour les investisseurs. Il veut le faire selon la méthode classique : en se délestant des non-core assets (les activités qui – d’après Parente – ne font pas partie du cœur de métier de Petrobras) et, en se débarrassant d’une "idéologie surannée" [16]. D’après ce qu’on dit, Parente négocie la vente d’un gazoduc, d’un service de distribution, de propriétés (notamment des navires) de la filiale Transpetro et de champs pétrolifères "vieux et coûteux" (les adjectifs proviennent d’IB Times). Et, pour couronner le tout, le nouveau patron de Petrobras soutient le projet de loi du ministre (actuel) José Serra visant à supprimer le statut spécial pré-sal de sa propre entreprise !
Parente met en œuvre un plan global de restructuration lancé par son prédécesseur Aldemir Bendine en juin 2015, sous la présidence de Dilma Rousseff donc. Bendine et Parente présentent les choses comme s’il fallait tailler dans le vif à cause de la lourdeur de la dette qui pèse sur Petrobras, un fardeau de quelque 126 milliards de dollars, l’endettement "le plus lourd de toutes les compagnies pétrolières".
Le plan de restructuration prévoyait l’élimination de 15 milliards de dollars de dettes en 2015 et 2016, et d’encore plus de 42 milliards de dollars les deux années suivantes, par le biais de cessions de propriétés, de mises à l’arrêt et de réorganisations. Une saine gestion, penseront certains. Mais ces interventions reposent sur la logique des entrepreneurs privés et, contrairement à ce que dit Parente, elles ont également une couleur idéologique.
Un exemple. Bendine et maintenant Parente déplacent désormais le centre de gravité des activités de Petrobras upstream, vers l’amont, et le situent dans l’exploration et la production dans les gisements pré-sal. Concernant l’aval (pensez aux raffineries), le mot d’ordre est "maintenance", que je traduirai par statu quo. Quelques chiffres éclairciront mon propos. Quand la direction de Petrobras a publié en 2013 son Business and Management Plan (BMP) pour les quatre années suivantes, elle s’intéressait encore beaucoup à l’aval. Le plan prévoyait 236,7 milliards de dollars d’investissements (jusqu’en 2017), dont 62% pour l’exploration et la production (upstream) et à peine 30% pour le downstream. Ce montant énorme se justifiait notamment par les difficultés que présentait l’exploitation des réserves pré-sal.
Une chose importante à savoir est que l’État considère Petrobras comme un pivot du développement national. Des pourcentages croissants des sommes investies doivent être consacrés au "local content". Ces sommes doivent rester dans le pays et aller à des contractants brésiliens (les chantiers navals ou la sidérurgie, par exemple) [17]. Si les contrats avec Petrobras étaient déjà toujours bénéficiaires pour les tiers, les projets pré-sal ont paru vraiment inaugurer l’âge d’or. Or, cela explique aussi l’énorme corruption : l’argent de Petrobras a été volé à grande échelle.
Petrobras était effectivement endettée. Mais entre-temps, la conjoncture économique s’est inversée. Le choc de la crise financière de 2007-2008 a été difficile à encaisser pour l’économie mondiale. Le commerce des matières premières en a ressenti le contrecoup. Il y a maintenant surproduction, y compris dans le domaine de l’énergie, et les prix ont fortement baissé. Avec le nouveau Business and Management Plan (de 2015 à 2019), la direction de Petrobras s’est adaptée à cette modification de la conjoncture. Mais elle a aussi opté pour une autre stratégie.
Dans ce BMP, des investissements à hauteur de 130,3 milliards de dollars sont encore prévus mais 83% de ce montant vont à l’upstream (l’amont) et 10% à peine au downstream (l’aval). En chiffres absolus, le downstream se réduit à un cinquième : 12,8 milliards de dollars (pour la période 2014-2018) contre 64,8 milliards de dollars (dans le plan précédent, pour la période 2013-2017). [18]
En résumé, cela veut dire qu’il est mis fin au basculement du Brésil vers une économie nationale, tout au moins dans le secteur de l’énergie. Ce basculement concernait aussi la construction de raffineries. Car, imaginez : le Brésil pompe du pétrole depuis le tout début du siècle passé mais n’a toujours pas une capacité suffisante pour transformer lui-même son pétrole en combustible (entre autres parce que le pays produit un brut lourd difficile à craquer). Le Brésil exporte du crude oil et importe des produits raffinés, ce qui grève lourdement sa balance commerciale, puisque le pays est encore toujours importateur net de pétrole. C’est afin de rééquilibrer la balance qu’avait notamment été prise, sous la présidence de Lula, la décision de construire cinq nouvelles raffineries. Mais cette orientation est en train de mourir de sa belle mort, si bien que Petrobras doit se concentrer sur le travail banal : le pompage.
Le prix à la pompe est encore une option "idéologique" qui pèse sur l’endettement. "Petrobras a dépensé des milliards de dollars," écrivait récemment le Wall Street Journal, "pour subventionner le combustible importé" (et donc maintenir un prix abordable pour le consommateur) [19]. Il s’agissait là aussi d’un choix délibéré des gouvernements précédents, qui ne voulaient pas que le consommateur paie le prix fort pour du carburant importé. Mais il n’y a pas de tabous pour Parente, le nouveau CEO de Petrobras mis en place par Temer. Parente : "Est-il interdit de gérer activement notre portefeuille ? Non. Les restrictions financières nous imposent d’être sélectifs dans le choix des domaines où nous voulons investir" [20]. En d’autres termes : le consommateur paiera plus cher à la pompe.
Investir moins et de manière plus sélective, et comprimer les coûts, cela a un impact direct sur l’emploi. Le nombre d’emplois avait augmenté chez Petrobras avec le plan pré-sel, mais il connaît un net recul depuis 2014. C’est, pour les syndicats, le principal motif de mobiliser les petroleiros. Le monde des affaires et ses analystes exigent en effet que l’on réduise "le coût salarial global afin de rendre le Brésil à nouveau concurrentiel". L’appel est entendu. On en lira davantage à ce sujet à la fin de l’article.
L’Emploi chez Petrobras
2008 | 2010 | 2012 | 2013 | 2014 | 2015 |
74.240 | 80.492 | 85.065 | 86.111 | 80.908 | 78.470 |
Source : rapports annuels de Petrobras.
Les travaillistes louvoient
Il ressort de ces éléments que les travaillistes, Lula et Dilma Roussef, préconisaient une orientation nationale et sociale pour Petrobras. Une orientation dont ils ont également fait preuve dans d’autres secteurs. Ils ont introduit le salaire minimum et l’ont relevé chaque année, si bien qu’il a augmenté de 72% en termes réels entre 2003 et 2014. Ils ont introduit la Bolsa Familia, un système d’allocations qui a touché près de 14 millions de familles. Ces mesures ont contribué à réduire l’extrême pauvreté de plus d’un quart en dix ans, et induisent une hausse de la consommation intérieure. Le gouvernement a instauré des contrôles de prix et a lancé un vaste programme de construction de logements sociaux. Ces mesures ont participé à un recul du chômage année après année, tout au moins jusqu’en 2013. Une réduction du chômage pousse les salaires moyens vers le haut.
Mais tout progressistes qu’aient été les travaillistes dans certains domaines, ils n’ont pas mené une politique socialiste sur le plan macro-économique. Lula et Dilma ont fait des économies à certains moments critiques, à l’instar de gouvernements néolibéraux. Dilma Rousseff l’a encore fait à la fin 2014. Alors qu’une majorité des électeurs lui avait renouvelé sa confiance et l’avait réélue, elle a quand même nommé au poste de ministre des Finances le banquier Joaquim Levy, de l’école de Chicago, "dont on sait à quel point il peut couper dans les dépenses publiques". Les mois suivants, près de 20 milliards de dollars allaient être épargnés, en gelant les salaires, en supprimant des ministères et en licenciant des fonctionnaires [21]. Rousseff a ainsi remis le pays "sur la voie de l’orthodoxie économique". [22]
Lula et Dilma ont donc pris, eux aussi, des mesures antisociales. La raison en est que le Parti des Travailleurs n’a jamais eu la majorité absolue et que les présidents ont donc été dans l’obligation de conclure des coalitions avec les conservateurs (comme Eduardo Cunha, président de la Chambre, et Michel Temer, vice-président) qui leur donnent maintenant un coup de poignard dans le dos. Mais Lula et Dilma ont aussi été contaminés par les maladies du système politique brésilien et se sont alignés sur "la manière traditionnelle de faire de la politique" [23]. Un de ces maux est le clientélisme (ou patrimonialismo) : un mandataire se comporte en "parrain", il distribue postes et faveurs et sait toujours bien goupiller quelque chose pour ses partisans.
Lula a encore réussi à s’en tirer, il était resté très populaire à la fin de son mandat présidentiel. Mais Dilma s’est éloignée de sa base. En 2013, elle a eu affaire à des manifestations de rue massives. Si les premières manifestations se contentaient d’exiger des transports publics abordables à São Paulo, le mouvement s’est amplifié autour d’une gamme de revendications qui n’a cessé de s’élargir. Les syndicats des petroleiros, par exemple, voulaient empêcher le vote d’une nouvelle loi qui facilitait l’octroi de contrats à des sous-traitants (et à des marchands de main d’œuvre), et protéger Petrobras contre la privatisation.
Mais le second mandat de Dilma était à peine entamé en 2015, que le camp conservateur lançait une attaque frontale contre la présidente. Des politiciens de l’opposition mais aussi du PMDB, partenaire de la coalition, ont commencé à se mobiliser en masse, à répandre une propagande qui liait Dilma à la corruption au sein de Petrobras et lui imputait la détérioration rapide de la situation économique. De grands pans de la population ont été sensibles à cette propagande. Les groupes de médias dominants ont joué un rôle particulièrement détestable. Ces groupes (O Globo en tête) monopolisent l’opinion publique. Ils ont pris de l’essor pendant la dictature militaire (1984-1985) et grâce à cette dernière, mais ils ont aussi joué la carte de la droite à des moments décisifs, notamment au début des années 1990, au profit du président ultra-corrompu Collor de Mello. Ils mènent actuellement une campagne d’une rare violence contre Dilma Rousseff et Lula da Silva. Les très conservatrices sectes évangéliques se sont également démenées pour amplifier le mouvement anti-Dilma. Si Dilma est destituée, cette alliance remportera une victoire importante.
Petrobras joue à nouveau un rôle dans la campagne anti-Dilma. Au début 2014, les premières informations concernant des pots-de-vin versés par Petrobras commencent à circuler. Elles seront utilisées contre Dilma pendant sa campagne électorale. Les fuites de l’enquête judiciaire sont sélectivement à charge de Dilma et Lula. Aujourd’hui, après une enquête dont les cercles ne cessent de s’élargir (l’Opération Lavo Jato, ou Car Wash), on voit quel genre de méga-poule aux œufs d’or est Petrobras. On estime à 2,5 milliards de dollars le montant volé ces dernières années dans les caisses de l’entreprise par une collusion entre politiciens, managers de Petrobras et grandes entreprises. Ce hold-up a contribué à la perte record de 8,5 milliards de dollars subie par Petrobras en 2015 [24]. Les entreprises sous-traitantes ont graissé la patte aux politiciens et aux managers pour s’assurer des contrats dont le prix a été gonflé artificiellement pour dissimuler les commissions versées aux comploteurs. Des dizaines de parlementaires de dizaines de partis se sont sali les mains. En mars 2015, la liste Odebrecht (du nom de la plus grosse multinationale du bâtiment du Brésil) a fuité : y figurent les noms ou les noms de code de 316 politiciens qui ont touché des pots-de-vin d’Odebrecht.
Si Dilma n’a pas participé à l’escroquerie, la chose n’est pas aussi sûre pour Lula. De tous les partis politiques, c’est incontestablement le PMDB qui s’est le plus sali les mains. Le président de la chambre Cunha (PMDB) avait parqué des millions sur des comptes secrets en Suisse (mais a déclaré le contraire sous serment). Le nom de Temer est lui aussi tombé. En 2012, il aurait fait verser près d’un demi-million de dollars dans la caisse du PMDB par une entreprise de construction [25]. L’ordre des avocats brésiliens a accusé pas moins de sept excellences de son gouvernement d’avoir été impliquées dans le scandale des pots-de-vin.
Soit dit en passant : dans un commentaire paru dans le Volkskrant néerlandais, un lecteur qualifiait ce gouvernement de "cabinet d’affaires" [26]. En tout cas, cette connexion triangulaire en a fait, des affaires. Et les poursuites ne visent pas seulement les politiciens. Marcelo Odebrecht, patron de la société homonyme, a été condamné à 19 ans d’incarcération pour sa participation à ce hold-up. Andre Esteves, de BTG Pactual, l’une des plus grandes banques d’investissement du Brésil, a été arrêté. Tout récemment encore, la police a fait irruption chez Joesley Batista, un milliardaire copropriétaire de la plus grosse entreprise de conditionnement de viande du monde, JBS. Il ne s’agit pas là de petits poissons. Pas plus que les entreprises étrangères de Lava Jato, comme le constructeur de moteurs Rolls Royce ou le néerlandais SBM, l’un des plus importants affréteurs de navires destinés à l’industrie pétrolière. Des enquêtes pour corruption sont d’ailleurs aussi en cours contre Rolls et SBM dans d’autres pays (en Afrique).
Au Brésil, personne ne s’étonne du nom des entreprises. Odebrecht, OAS et JBS sont parmi les plus gros "investisseurs en politique". Politiciens et partis peuvent se faire financer par des entreprises privées. Cela va tellement loin qu’au Parlement, les journaux brésiliens ne distinguent pas des fractions de partis, mais des bancadas, des fractions d’élus (de différents partis) qui défendent les intérêts de leurs sponsors privés. Il apparaît ainsi qu’après les élections de la fin 2014, JBS avait pas moins de 160 représentants au Parlement, tandis qu’Odebrecht en avait 141 [27]. Cette situation entraîne un enchevêtrement entre argent et politique, disons un système politique clientéliste où celui qui a de l’argent s’achète tout simplement une influence politique. L’une des principales revendications des manifestations de rue de 2013 était la réforme radicale de ce système. La présidente Rousseff y avait accédé et avait proposé d’organiser une consultation populaire et de mettre sur pied une commission de réforme où ne siégerait aucun politicien. Mais il n’en a rien été. Le plan a été torpillé par le PMDB d’Eduardo Cunha, membre de la coalition gouvernementale. En outre, le Parlement brésilien a connu une poussée vers la droite après les élections de 2014. Le "bloc rural" des méga-fermiers et l’industrie agroalimentaire ont fait un bond de 33%, et le "Bloc évangélique" a obtenu 53 sièges soit 10% des élus. [28]
Qui a assassiné l’économie ?
Dilma Rousseff s’est donc trouvée acculée par des manifestations de rue enflammées et une majorité de la droite à la Chambre et au Sénat qui a voté pour sa destitution. Selon certains médias, l’économie devait rebondir rapidement. Il suffit de voir comment Joe Leahy (un récidiviste de la propagande) crée cette illusion dans le Financial Times au début mai. Sous le titre "Au milieu du chaos, le pouls économique du Brésil reprend faiblement", il écrit (dès la quatrième ligne de son article) : "La plupart des analystes croient pourtant qu’aux yeux des marchés, de l’industrie et des électeurs, le véritable crime [de Dilma] est d’avoir assassiné une des histoires de croissance les plus prometteuses au monde." Le Times mettait ensuite en exergue ce passage du texte : If you resolve the political crisis, the economic recovery can happen, Ricardo Mendes, Prospectiva [29]. Que vois-je quand je décortique cet article ? Je vois une accusation grave : Dilma a assassiné une histoire de croissance.
La réalité est évidemment un tantinet plus complexe. Le Brésil a été un pays en croissance, c’est vrai, mais la croissance a commencé à hoqueter dès 2010-2011. "Sous les yeux de Dilma", s’étale Leahy, "la croissance du Produit Intérieur Brut a chuté de 7,5% en 2010 à moins de 3,8% l’an dernier". Comme si Dilma Rousseff y avait elle-même mis la main. En fait, elle n’avait pas, ou si peu, de prise sur une série de facteurs externes [30].
Tout d’abord sur les marchés internationaux des matières premières et les multinationales qui dominent ces marchés. Obnubilées par des prix élevés, elles ont produit de plus en plus. Conséquence : une surproduction et l’effondrement des prix ainsi que des recettes des pays qui vivent de l’exportation de matières premières. Car pendant que la capacité de production augmentait, la crise financière de Wall Street a éclaté et a d’abord paralysé les anciennes économies industrielles, après quoi ses ondes de choc ont frappé les régions qui avaient résisté à la crise dans un premier temps, comme le Brésil.
Le "supercycle" des matières premières est terminé dans tous les secteurs, dans les métaux et les minéraux, mais aussi dans le pétrole, le gaz et l’agriculture. À cela s’ajoute le fait que la Chine donne une autre tournure à son économie. Beijing transforme un atelier des multinationales occidentales en une économie qui accorde progressivement la priorité à la consommation intérieure. C’est ce qui explique pourquoi l’économie de la Chine connaît un recul de sa croissance par rapport aux pourcentages phénoménaux des années 1980-1990 et même 2000, et que la demande chinoise de matières premières est elle aussi à la baisse. La Chine était la principale destination des exportations brésiliennes, dont elle représentait 18% en 2014 [31]. Le ralentissement de la demande chinoise (et la chute des prix) ont frappé le Brésil de plein fouet.
Les flux financiers mondiaux sont un autre facteur. "L’histoire de croissance du Brésil" a attiré de grands flux de capitaux après le crash de Wall Street. Autour de 2010, ils ont représenté jusqu’à 9 % de l’économie brésilienne [32]. Les capitaux avaient été libérés par la politique d’incitants de la Banque centrale américaine qui a injecté des milliards dans l’économie américaine (et surtout dans les banques). Or, l’industrie financière n’a pas investi aux États-Unis, elle a orienté ses capitaux vers des placements spéculatifs dans les marchés émergents, dont le Brésil [33]. Cet afflux y a entraîné une forte revalorisation du real, la monnaie brésilienne. À partir de 2013, quand l’économie des États-Unis a commencé à reprendre, le gouvernement américain a annoncé la fin des programmes d’incitants. L’industrie financière allait à nouveau déplacer ses capitaux, cette fois vers les États-Unis, bien loin du Brésil et d’autres pays en développement. Le real a alors subi une forte chute de sa valeur. Le Brésil a essayé d’endiguer la fuite en relevant le taux d’intérêt. Mais il était impossible d’inverser la situation [34]. Le ministre des Finances de l’époque, Mantega, n’a pas hésité à qualifier ces flux de capitaux entrant et sortant librement de Currency War, d’attentat contre le système monétaire brésilien.
Encore un facteur, mais interne cette fois : le Brésil a historiquement les taux d’intérêt à long terme les plus élevés du monde. Le secteur bancaire en profite pleinement. Il est plus puissant que l’industrie. La capitalisation (nombre d’actions x prix par action) d’Itau et Bradesco réunies, deux des plus grandes banques, est supérieure à la somme de la capitalisation de Petrobras et de Vale, les deux plus grandes entreprises d’exploitation pétrolière et minière. Les banques s’enrichissent des dettes contractées par le secteur privé, les ménages et les pouvoirs publics [35]. Malgré tout, la (mauvaise) gestion de la dette publique est imputée intégralement au compte de la présidente Dilma Rousseff.
Celui qui croit qu’avec le nouveau régime du président Temer, tous ces problèmes appartiennent au passé, en est pour sa peine. "Même si l’impeachment passe", prédisaient des économistes en avril, "le Brésil peut certainement s’attendre encore à deux années de récession" [36]. La récession va encore se creuser en raison de l’instabilité créée par la campagne anti-Dilma, et parce que Temer se met d’emblée à démanteler la sécurité sociale et les équipements publics et surtout à appauvrir à nouveau les couches les plus faibles de la population. Raison pour laquelle Michel Temer veut maintenant modifier la Constitution. La Constitution brésilienne fixe les pourcentages du budget qui doivent être alloués notamment à l’enseignement et à la santé. Mais avec son amendement PEC 241-16 à la Constitution, Temer veut plafonner les dépenses publiques. Les dépenses réelles ne pourront pas augmenter pendant vingt ans, alors que la population va s’accroître (de 9%) et que les besoins sont énormes dans l’enseignement, les soins de santé, la sécurité sociale et le logement mais aussi dans l’infrastructure de base. Les Brésiliens les plus pauvres bénéficieront donc moins de l’argent public.
D’après l’expert en développement Fernando Alcoforado, cette politique repose sur la prémisse que le problème des finances de l’État est causé par des dépenses trop élevées. Cette prémisse est erronée, affirme Alcoforado. Le problème réside dans la charge de la dette (et les banques). En 2015, écrit Alcoforado, l’État a dépensé 500 milliards de reals (environ 150 milliards d’euros) pour rembourser ses dettes. Le budget fédéral part pour 47% en intérêts et remboursements, mais les postes enseignement, santé et emploi se voient allouer chacun 4% seulement, tandis que la culture et les droits civiques ne représentent respectivement que 0,04% et 0,03%. Ces nouvelles coupes dans les dépenses signifient un appauvrissement supplémentaire de la population et, dit Alcoforado, la garantie que les transferts de richesse vers l’industrie financière vont se poursuivre. [37]
Le monde (international) des affaires émet une proposition après l’autre sur ce que doit faire le président "faisant fonction" Temer. "Le Brésil peut tirer la leçon de l’Espagne", écrivent deux chercheurs du think tank bruxellois Bruegel. L’un est chef économiste de la banque d’affaires française Natixis, l’autre travaille pour la Deutsche Bank. Ces "banquiers" conseillent à Temer de mener un programme d’ajustement crédible, surtout dans le marché du travail et le système bancaire, et de demander un soutien extérieur au Fonds Monétaire International, "tout impopulaire que ce soit". No Time To Lose ! [38] Joe Leahy ne peut pas être à la traîne dans le Financial Times : "une des autres réformes essentielles est une chute (a fall) du coût du travail" [39]. Hans Wansink conclut dans le Volkskrant : "Il serait bon pour l’économie brésilienne que le cabinet d’affaires de Temer ait l’opportunité, sans être dérangé pendant un moment, d’imposer des mesures impopulaires, notamment la flexibilisation du marché du travail et la levée d’un impôt supplémentaire." [40]. Sa prière est déjà entendue en partie. Maintenant que le Brésil prend la crise économique et politique de plein fouet, le chômage est en hausse (de plus de 8% dans les grandes villes en février) et les salaires sont à la baisse. Le Brésil redevient ainsi compétitif pour le patronat.
Un avenir sombre
Il y a peu de chances que les choses s’arrangent pour Dilma Rousseff e. Non qu’elle ait commis des actes répréhensibles, mais parce que le camp de la droite s’est renforcé. Il est probable que Michel Temer ira jusqu’au bout des 2 années et demie restantes du mandat présidentiel de Dilma. Une perspective bien sombre pour les classes populaires brésiliennes. Elles sont descendues dans la rue pour que la corruption soit éradiquée. Certains croient que la justice nettoiera le mal jusqu’à l’os. "Lava Jato a poursuivi des politiciens de tous les grands partis devant les tribunaux et fait condamner des magnats des entreprises de construction. C’est un signe annonciateur de changement dans la culture de l’impunité". En tout cas, c’est ce que dit le journaliste Alex Cuadros, qui vient de publier le livre Brazillionnaires [41]. Cuadro est-il naïf ? Le procureur général Rodrigo Janot se plaint de ce que des politiciens mettent des bâtons dans les roues de l’enquête judiciaire. Janot : "politiciens et entrepreneurs ont fait de l’État leur club privé". Pour Janot, il s’impose de briser "les chaînes du patrimonialisme", mais c’est aussi difficile que la lutte pour l’abolition de l’esclavage en son temps [42]. Le gouvernement Temer est en train de conclure des deals avec des entreprises impliquées dans le scandale de corruption, afin qu’elles puissent se racheter.
Temer bénéficie du soutien du monde des affaires et des grands médias, ainsi que de la conjoncture politique internationale en Amérique Latine. Dilma Rousseff avait encore fulminé contre les États-Unis en 2013, dont la National Security Agency qui avait intercepté ses communications et piraté l’expertise de la géologie pré-sal en eaux profondes chez Petrobras. Mais Temer fraternise avec l’establishment américain. Pendant le scrutin sur l’impeachment à la Chambre, il a envoyé le sénateur Aloysio Nunes (PSDB) en mission à Washington pour y discuter avec les officiels et les lobbyistes [43]. Une fois bien installé au pouvoir, Temer s’insurge contre la solidarité latino-américaine. Tant l’Unasur, l’Union des Nations d’Amérique du Sud, que l’Organisation des États américains avaient jugé la campagne pour la destitution de la présidente Dilma Rousseff extrêmement préoccupante pour la sécurité juridique au Brésil et dans la région. Maintenant Temer prend sa revanche. Dans le groupe de pays du Mercosur, il empêche le Venezuela d’assurer la présidence les six prochains mois tel que le prévoit pourtant le tour de rôle. Le Venezuela a (encore toujours) un gouvernement nettement progressiste. Temer voudrait que le Mercosur joue de manière beaucoup plus active la carte du libre-échange. Il complote ici avec le Paraguay (qui a un gouvernement illégal, depuis le putsch parlementaire de 2012). Avec Michel Temer au pouvoir, le néolibéralisme se renforce donc aussi sur son axe sud-américain.
Texte traduit du néerlandais par Geneviève Prumont.
Custers, Raf, "Brésil : Petrobras et le coup d’État contre Dilma ", Gresea, août 2016, texte disponible à l’adresse : www.mirador-multinationales.be/divers/a-la-une/article/bresil-petrobras-et-le-coup-d-etat-contre-dilma