Contribution à la Treizième Conférence de la World Association for Political Economy (WAPE [1]), “ Karl Marx and Rosa Luxemburg : Thought Legacy and Contemporary Value ” [2]
Berlin, 16-18 juillet 2018

La finance est partout, elle imprègne tout, elle domine tout. Difficile de lui échapper. Pour caractériser ce phénomène, nombre d’économistes utilisent le terme de financiarisation. Si elle est désormais très répandue, cette notion pose, en vérité, beaucoup de problèmes.

Ce concept est mal défini, il désigne un processus dont on ne sait s’il est révocable ou non. Il y aurait eu un capitalisme industriel « d’avant », jusque dans les années 1970. Depuis, c’est la finance qui dominerait tout. Si des changements ont bel et bien été constatés dans les statistiques, il nous semble important de ne pas nous limiter à une description de ce qui s’est passé, mais d’essayer de répondre à la question : pourquoi la finance est-elle aussi importante aujourd’hui ?

En réalité, on assiste à l’avènement du capital financier, inauguré au XIXe siècle, mais qui atteint sa pleine puissance aujourd’hui. Et ce développement n’a rien à voir avec une dérive, un excès du capitalisme. C’est son essence même.

Les premières formes de capital financier ont été des banques qui ont pris des participations, et donc le contrôle de groupes industriels. Dans des cas plus rares, cela a été le contraire : des fortunes industrielles ont considéré qu’elles devaient avoir un bras financier et l’ont construit à travers des banques. Il en est résulté une fusion entre les deux formes de capital, comme Rudolf Hilferding puis Lénine l’ont justement décrit et défini.

Aujourd’hui, on peut avoir l’impression que cette forme a disparu. Certes, les banques sont toujours aussi puissantes, mais elles ne possèdent plus de fortes participations dans l’industrie. Elles ne sont plus les grandes actionnaires des principales multinationales du monde.

En fait, ce sont d’autres acteurs qui se sont imposés progressivement à ce titre. En particulier, aujourd’hui, ce sont des sociétés de gestion d’actifs, qui dominent l’actionnariat des plus importantes entreprises de la planète. Cela a un effet essentiel sur la manière dont ce nouveau capital financier prélève sa rente sur l’infrastructure productive, et donc sur les travailleurs. On vise le profit plus immédiat, le plus élevé possible, éventuellement en détruisant l’équipement industriel, car une telle société de gestion d’actifs peut tout simplement se désengager dans une firme qui ne génère plus assez de bénéfices et en choisir d’autres, jusqu’à l’épuisement de ces dernières. Et ainsi de suite.

Ce nouveau capital financier est donc encore plus parasitaire que le précédent. Et surtout, il est en train de manger l’avenir encore possible du capitalisme. D’où une certaine incompréhension chez les travailleurs, les syndicalistes, à qui on ne cesse de raconter que le marché est le système le plus performant, mais qui constatent à leur détriment que cela n’est pas vrai du tout. D’où leur colère justifiée qui se manifeste à l’une ou l’autre occasion à travers des grèves prolongées, des occupations d’usines en restructuration, des luttes contre des fermetures, des mouvements contre les gouvernements qui soutiennent les politiques du capital financier, une versatilité électorale, etc.

L’avantage de la banque dans l’accumulation capitaliste

Pour Karl Marx, le fondement essentiel du progrès capitaliste est l’accumulation du capital. C’est la production d’une plus-value par les salariés, la plus grande possible, et son incorporation dans le processus productif pour accroître davantage à l’avenir cette plus-value créée.

Marx distingue trois catégories de capital dont le but reste le même, à savoir l’accumulation du capital. Mais les moyens pour y arriver seront différents : capital industriel [3], capital commercial et capital porteur d’intérêts (ou capital bancaire) [4]. Il définit ainsi un circuit de production particulier pour chacun d’eux. Si on attribue la lettre A pour le capital-argent, M pour le capital-marchandise et P pour le capital productif, le circuit du capital industriel se compose de la sorte :

A - M… P… M’ - A’

En revanche, le capital commercial se limite normalement à vendre une marchandise. En d’autres termes, son circuit se définit de la sorte : A - M – A’. Et le capital bancaire se contente de prêter de l’argent, soit : A – A’ [5].

Pour Marx, la formule du capital industriel est la plus fondamentale, parce qu’il comprend une phase de production avec la création de la plus-value. Seul le travail pendant la production (soit au stade P) permet de créer cette plus-value. Et les bénéfices obtenus par le capital commercial et le capital bancaire le sont par l’intermédiaire d’un transfert de plus-value. En effet, leur fonction dans le capitalisme est d’abord d’accélérer la rotation du capital, c’est-à-dire de raccourcir les moments où le capital n’est pas « productif ». Cela facilite ainsi l’accumulation du capital industriel et, en échange, celui-ci rétrocède une partie de sa plus-value au capital commercial et au capital bancaire.

À la fin du Moyen-Âge, ce sont pourtant le capital commercial et le capital bancaire qui se développent essentiellement. C’est l’époque des grandes compagnies commerciales comme les Compagnies des Indes orientales et occidentales. Ces sociétés réalisent des bénéfices souvent plantureux en achetant des marchandises de contrées très lointaines qu’elles revendent très cher en Europe.

Mais ce n’est qu’à partir du moment où il y a une modification du mode de production, des rapports sociaux dans la production même, avec l’engagement de salariés qui créent une plus-value, que le capitalisme prend son essor et devient la forme prépondérante (ce qui commence réellement en Angleterre au XVIIe siècle [6]). À ce moment, le capital industriel supplante les deux autres formes de capital. C’est le réel début du capitalisme et de son règne : le capital industriel est au centre du développement capitaliste et le capital commercial et bancaire lui sont subordonnés.

Dans le développement capitaliste, un autre basculement va se manifester. Les différentes entreprises tentent de réaliser le plus de bénéfice possible pour pouvoir le réinvestir et grandir plus rapidement que les firmes rivales. L’effet le plus important de l’économie de marché est qu’il élimine petit à petit les compagnies les moins solides. De ce fait, la concurrence tue les concurrents.

Chaque entreprise tente d’accumuler plus vite et davantage que les autres, utilisant tous les stratagèmes pour y parvenir. Rapidement, une firme (parfois plusieurs) va imposer un rythme d’accumulation que les autres devront suivre sous peine de disparaître. C’est l’entreprise leader. Les autres sont, à ce moment, sous pression. Ces compagnies subissent des pertes et, bientôt, quand les crises surviennent (ce qui est inévitable sous le capitalisme), c’est la faillite.

Ces situations embarrassent les banques qui ont prêté à ces sociétés en difficultés. Si ces dernières sont éliminées, elles risquent de perdre leurs crédits. Elles se trouvent devant un choix : ou elles accélèrent la procédure de faillite, en espérant récupérer leur argent avant tous les autres (autres banques, fournisseurs, salariés…) ; ou elles transforment les créances en parts de capital, deviennent actionnaires majeurs de l’entreprise et la rationalisent, en injectant des capitaux supplémentaires, de sorte à rattraper la firme leader. Progressivement au XIXe siècle, c’est cette seconde solution qui va s’imposer.

L’apport de capital bancaire va propulser les entreprises qui en bénéficient à la tête des différents secteurs productifs. Subitement, ces dernières reçoivent un supplément de capital qu’elles peuvent investir pour disposer des meilleures machines, pour étudier les méthodes des concurrents… Le processus d’accumulation est accéléré. Dans cette concurrence effrénée, les besoins en capitaux deviennent de plus en plus importants. Les compagnies leaders vont se demander si elles aussi ne devraient pas s’adosser à un établissement de crédit.

Le renversement s’opère. Alors qu’au départ le capital industriel était dominant et le capital commercial et bancaire se développaient dans son ombre, à son service, la bataille pour l’accumulation change complètement la donne. Soudainement, le capital bancaire devient prépondérant, parce qu’il concentre l’élément le plus important de l’accumulation, à savoir le capital.

La généralisation du capital financier

C’est en Belgique que se développe en premier et à grande échelle cette mainmise de la banque sur le reste de l’économie. Dès 1835, deux établissements, la Société Générale de Belgique (SGB) et la Banque de Belgique prennent un nombre incroyable de participations dans diverses sociétés houillères, métallurgiques, de transport et autres. Ainsi, la SGB prend possession d’environ 40% des mines de charbon du Borinage [7], qui produisaient à l’époque quelque 60% du charbon belge.

Par la suite, alors que la Banque de Belgique va péricliter [8], la SGB va construire un empire industriel basé durant l’essentiel du XIXe siècle sur trois secteurs : la houille, la métallurgie puis la sidérurgie, les chemins de fer. Elle entame quasiment une sorte d’intégration verticale où les mines approvisionnent la fabrication du fer, puis de l’acier qui, eux-mêmes, permettent la production de rails et autres équipements pour les sociétés ferroviaires. Ainsi, lors des crises, le groupe de la SGB bénéficie d’un marché interne protégé. De toute façon, la banque peut accorder des crédits aux firmes qui connaissent des difficultés, le temps de se renflouer avec une meilleure conjoncture.

La réussite est telle que l’exemple de la SGB inspire plusieurs banquiers français : Henri Germain fonde le Crédit lyonnais (1863) et Paulin Talabot participe à la création de la Société Générale (française) avec les Rothschild (1864) pour concurrencer le Crédit mobilier des frères Pereire [9]. Ce nom de Société Générale est d‘ailleurs choisi en l’honneur de la firme belge.

De même, en Allemagne, les grandes banques, créées dans la foulée du développement économique après 1850, prennent comme modèle la Belgique. Ainsi, le neveu de Werner Siemens participe à la création de la Deutsche Bank en 1870. C’est le règne des quatre banques D, du nom de la première lettre des sociétés financières qui dominent le pays : la Deutsche Bank, la Dresdner Bank, la Disconto-Gesellschaft et la Darmstädter-und-Nationalbank. Elles participent à la création et au développement des principaux groupes industriels allemands. Elles en deviennent de puissants actionnaires, en partenariat ou non avec les familles fondatrices.

C’est le règne des banques universelles, car elles opèrent dans tous les domaines : elles récoltent les dépôts d’une clientèle (qui n’est pas encore populaire à cette époque) ; elles prêtent aux firmes, que ce soit à court terme pour fournir les liquidités ou à long terme pour financer les investissements ; elles gèrent des fortunes ; elles prennent des participations dans les entreprises commerciales et industrielles.

Ce changement qualitatif où la banque reprend la place centrale dans l’économie au détriment de l’entreprise industrielle, productrice de richesses et de valeur, est, pour l’économiste marxiste autrichien Rudolf Hilferding (1877-1941), caractéristique de l’apparition et du développement d’une nouvelle forme de capital, le capital financier.

Dans son ouvrage qu’il titre d’ailleurs Le capital financier (1910), il écrit : « La dépendance de l’industrie à l’égard des banques est donc la conséquence des rapports de propriété. Une partie de plus en plus grande du capital de l’industrie n’appartient pas aux industriels qui l’emploient. Ils n’en obtiennent la disposition que par la banque, qui représente à leur égard le propriétaire. En outre, la banque doit fixer une part de plus en plus grande de ses capitaux dans l’industrie. Elle devient ainsi dans une mesure croissante capitaliste industrielle. J’appelle le capital bancaire - par conséquent capital sous forme d’argent, qui est de cette manière transformé en réalité en capital industriel - le capital financier. » [10]

Il ajoute avec des accents qui pourraient être très actuels : « La mobilisation du capital et l’expansion de plus en plus grande du crédit changent peu à peu complètement la position du capitaliste prêteur d’argent. La puissance des banques s’accroît, elles deviennent les fondateurs et finalement les maîtres de l’industrie, dont elles tirent les profits à elles en tant que capital financier, tout comme autrefois le vieil usurier, avec son intérêt, le revenu du travail du paysan et la rente du seigneur. » [11]

Lénine va reprendre en grande partie cette analyse. Il en donne une définition plus large que Hilferding : « Concentration de la production avec, comme conséquence, les monopoles ; fusion ou interpénétration des banques et de l’industrie, voilà l’histoire de la formation du capital financier et le contenu de cette notion » [12]. Pour Hilferding, en effet, le capital financier est essentiellement du capital bancaire qui s’empare de la production. Lénine explique qu’il s’agit davantage d’une fusion, d’une interpénétration des deux capitaux, ce qui semble plus correct. En effet, nous avons montré à partir de l’exemple de la SGB un cas d’emprise de l’industrie par une banque. Mais l’inverse existe aussi.

Ainsi, John Rockefeller (1839-1937) fait fortune dans le secteur du pétrole américain dès la fin du XIXe siècle à partir duquel il investit notamment dans la banque Equitable Trust Company. En 1930, celle-ci fusionne avec la Chase National Bank, faisant de la nouvelle entité le plus grand établissement de crédit du pays, voire du monde. Aujourd’hui, la Chase a fusionné avec la Morgan pour devenir la JP MorganChase, un des établissements financiers les plus influents de la planète.

Tout comme Hilferding, Lénine associe cet avènement du capital financier à la constitution de monopoles. La bataille pour l’accumulation entraîne la centralisation de la production au sein d’entreprises géantes, qui s’apparentent à des monopoles [13]. Ces derniers changent les conditions de la concurrence. En effet, auparavant, une firme était subordonnée aux aléas du marché sur lequel elle se trouvait. Maintenant, ayant atteint une dimension au moins nationale, elle peut en contourner ses lois, elle peut imposer ses tarifs et conditions de vente.

Auparavant, si elle était en difficulté, elle était mise en faillite. Maintenant, elle dispose de moyens pour échapper à la banqueroute, notamment grâce à des apports bancaires. Auparavant, une compagnie ne recevait aucune aide spécifique de la part des pouvoirs publics. Maintenant, une de ses firmes géantes en péril sera probablement sauvée par un soutien massif des autorités, parce qu’elle est justement to big to fail (trop grande pour faire faillite).

De ce fait, l’État se met au service direct de grands groupes pour réserver des commandes publiques à leurs firmes « championnes nationales », pour leur ouvrir des marchés à l’étranger, pour les aider à s’organiser, notamment à travers des trusts ou des cartels (qui étaient permis à l’époque)… La connivence entre le personnel de l’État et les dirigeants de ces firmes augmente fortement, comme les passages fréquents d’un poste ministériel à une carrière d’administrateur, et inversement, le montrent. Cette domination du capital financier se répand au-delà du continent européen, que ce soit aux États-Unis ou au Japon, les économies émergentes de l’époque. En 1959, Victor Perlo [14] dresse le tableau d’un capitalisme dominé encore par les banques. La banque Morgan est l’actionnaire de référence d’une série de firmes comme General Electric, IBM, US Steel, Procter & Gamble, et Philip Morris. Le groupe Rockefeller contrôle la Chase Manhattan et détient des parts dans Exxon Mobil et Chevron… Au Japon, quatre grands zaibatsu contrôlent l’activité économique de l’archipel dans les années 20 : Mitsui, Mitsubishi, Sumitomo et Yasuda. La théorie du capital financier se dévoile dans le vocabulaire : zaibatsu en japonais veut dire littéralement « cliques financières » [15]. Après la guerre, l’archipel restera sous la coupe de six conglomérats financiers.

Le krach de 1929 et ses conséquences sur le capital financier

Le grand krach de Wall Street démarre réellement le jeudi 24 octobre 1929 et va entraîner la plus grave crise de l’histoire de l’humanité jusqu’à ce jour. Les banques sont mal prises. Impossible de vendre les participations dont les cours chutent subitement. Elles n’ont pas les liquidités qui leur permettraient de faire face à des retraits massifs. Les faillites se multiplient.

En mars 1933, le président fraîchement élu aux États-Unis, Franklin Roosevelt, ferme toutes les banques américaines. En juin est voté le Glass-Steagall Act. Celui-ci établit une distinction nette entre une banque d’investissement (ou d’affaires) et, d’autre part, des banques commerciales ou de dépôt. Ainsi, la principale banque américaine de l’époque JP Morgan doit se séparer de ses activités d’investissement et se concentrer sur le commercial. En revanche, Lehman Brothers se centra sur ses activités d’investissement. Séparation similaire dans la plupart des autres pays avancés, à l’exception notable de l’Allemagne qui conserve sa confiance dans les banques universelles.

La crise des années 30 marque la limite du pouvoir des banques universelles comme capital financier. Celles-ci peuvent prendre le contrôle d’entreprises industrielles. Mais il leur est difficile de gérer des actifs à long terme, alors que les fonds qui financent ces opérations peuvent leur être retirés à tout moment, surtout en période de crise. C’est pourquoi beaucoup d’entre elles sont au cœur de la tourmente dans les années 30.

Mais d’autres éléments interviennent pour expliquer que les banques universelles comme investisseurs dans le commerce et l’industrie pour compte propre, telles que les ont décrites Hilferding et Lénine, ont disparu. Lesquels ?

D’abord, les grandes firmes deviennent de plus en plus gigantesques, investissent à l’étranger, deviennent les multinationales que nous connaissons. Les sommes consacrées à ces dépenses augmentent de plus en plus. Il faut maintenant un pool bancaire pour satisfaire cette expansion. Les liens entre les grandes firmes « industrielles » et les banques se distendent. Certaines multinationales peuvent autofinancer en bonne partie leurs investissements.

Ensuite, les banques sont surtout actives dans leur pays d’origine. Ailleurs, elles devraient batailler ferme et longtemps pour déloger les acteurs dominants. Pour des firmes qui s’internationalisent, l’établissement de crédit lié ne leur est plus d’une grande utilité. Au contraire, il vaut mieux s’acoquiner avec des acteurs locaux. Les liens entre le groupe industriel et « sa » banque sont desserrés.

Enfin, pour une compagnie financière, les gains qu’elle peut obtenir sont généralement plus importants sur l’évolution des cours des titres qu’elle achète que sur les dividendes que ces actions ou obligations pourraient procurer (voir tableau 1).

Tableau 1. Évolution de la rémunération annuelle moyenne des actionnaires aux États-Unis par type de gain et par période 1950-2015 (en milliards de dollars courants)

50-6060-7373-8181-9090-0000-0707-15
Dividendes 9,0 17,4 40,4 94,4 245,8 461,7 652,2
Gains capital 24,4 64,3 21,6 218,7 1211,3 662,3 1105,0
Total 33,3 81,7 62,0 313,0 1457,2 1124,1 1757,3

Sources : Calculs sur base de Federal Reserve, Financial Accounts of the United States, Market value of domestic corporations et Net dividends of domestic corporations.

Notes : Le calcul s’établit de la façon suivante. Les gains sont établis par année. Ensuite, nous additionnons tous ceux-ci sur la période. Enfin, nous divisons par le nombre d’années, de sorte à avoir une moyenne annuelle.

Nous avons repris dans le tableau 2 les mêmes données, mais exprimées en pourcentage du total.

Tableau 2. Évolution de la rémunération annuelle moyenne des actionnaires aux États-Unis par type de gain et par période 1950-2015 (en % du total)

50-6060-7373-8181-9090-0000-0707-15
Dividendes 26,9 21,3 65,2 30,1 16,9 41,1 37,1
Gains capital 73,1 78,7 34,8 69,9 83,1 58,9 62,9
Total 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0

Sources : voir tableau 1.

On observe qu’en général, les gains en capital sont supérieurs à ceux engrangés grâce à la perception des dividendes. C’est particulièrement le cas entre 1990 et 2000, avec le boom des valeurs technologiques et d’Internet. La seule période où ce n’est pas le cas est celle entre 1973 et 1981.

Or, la banque universelle achète des parts pour acquérir le contrôle sur une firme. Elle est rémunérée essentiellement par les dividendes que celle-ci lui verse. Une société qui fonde ses revenus uniquement sur les dividendes ne gagne globalement pas grand-chose : au maximum 5%. Dans le monde actuel, c’est vraiment jouer « petit ».

Des fonds sans fin

Ce sont des fonds financiers qui remplacent progressivement les banques et les particuliers comme actionnaires des firmes : d’abord les fonds de pension et puis les autres types.

Nous avons repris dans une base de données des plus grandes sociétés mondiales l’actionnariat principal de celles-ci. Normalement, dans la plupart des législations, aujourd’hui, les firmes doivent dévoiler tout actionnaire qui possède au moins 5% de leur capital. Sur cette base, nous avons éliminé les entreprises asiatiques dont l’actionnariat est stable et souvent ancré nationalement. Nous avons également retiré les compagnies toujours dirigées par des familles, comme Ford, Robert Bosch, BMW, Michelin, Walmart…

Il nous est resté 76 multinationales parmi les plus importantes du monde [16]. Nous avons calculé le nombre de fois où chaque société actionnaire était reprise. Cela permet d’établir le tableau 3, en nous concentrant sur les firmes les plus souvent citées.

Tableau 3. Nombre de fois où chaque société se retrouve actionnaire des 76 multinationales

1er actionnaire2e actionnaire3e actionnaireTotal
BlackRock 23 27 14 64
Vanguard Group 9 22 13 44
State Street 6 1 11 18
The Capital Group 3 2 4 9
Norges Bank Investment 1 4 2 7
Berkshire Hathaway 6 0 0 6
Qatar Holding 1 1 2 4
Wellington Management 1 1 2 4
Legal & General Group 0 1 3 4
Fidelity 1 0 2 3
Lyxor International 1 0 2 3
Massachusetts Financial 0 1 2 3
T.Rowe Price 0 1 2 3
JP MorganChase 2 0 0 2
Harris Associates 1 0 1 2

Sources : Calculs sur base de différentes firmes, rappors annuels ou proxy statements, 2015.

Note : Nous n’avons pas repris CDC, la Caisse de Dépôts et Consignations, qui sert à l’État français pour prendre des participations dans les firmes, mais essentiellement françaises. CDC est mentionné cinq fois : deux comme premier actionnaire, une comme second et deux comme troisième.

On peut remarquer que, pour la plupart, ce sont des sociétés de gestion d’actifs qui forment leurs principaux actionnaires. Leurs fondateurs forment une compagnie de nature privée ou cotée en bourse. Mais celle-ci crée à son tour une série de fonds d’investissement avec l’épargne de particuliers ou d’autres acteurs économiques. C’est cet argent qui est placé dans les plus grandes multinationales. Le fonds est géré par la compagnie, qui se rémunère par des commissions pour le service de gestion rendu. Il peut investir dans d’autres entreprises, se spécialiser dans les obligations, se concentrer sur les opérations financières de court terme ou même faire un mixte de ces opérations.

Le schéma 1 reprend de façon synthétique la structure de ce nouveau capital financier.
Schéma 1. Relation entre les nouvelles sociétés d’investissement et les groupes industriels

Quinze firmes constituent le « noyau dur » de l’actionnariat des grandes firmes mondiales. Nous pouvons mettre de côté le holding qatari et la filiale investissement de la Banque de Norvège (Norges Bank Investment), qui ne nous intéresse pas trop ici [17].
Trois firmes sont des filiales ou agissent pour le compte de banques. C’est le cas de JP MorganChase, mais également Lyxor International et Harris Associates. On peut placer le Massachusetts Financial Services Company (MSF), qui fonctionne pour le compte des grandes banques canadiennes.

Berkshire Hathaway est la société holding de Warren Buffett, le deuxième homme le plus riche de la planète [18]. Il place son patrimoine dans de puissantes entreprises comme Coca, Heinz, Bank of America, American Express, Procter & Gamble, Dow Chemical, Wells Fargo, Moody’s, Goldman Sachs et IBM. Il en est souvent le premier actionnaire.

The Capital Group est l’un des trois plus grands organismes de gestion de fonds de pension au monde, avec The Vanguard Group et Fidelity Investments. Elle occupe plus de 7.500 salariés ou collaborateurs dans 28 bureaux répartis dans le monde. Au 30 juin 2017, elle gérait un montant de 1.600 milliards de dollars.

The Vanguard Group fondé en 1974 dispose de plus de 5.100 milliards de dollars d’actifs fin 2017 à travers 180 fonds. Elle est présente auprès de véritables géants comme Apple, Microsoft, General Electric, ExxonMobil, Johnson & Johnson dont elle est le premier actionnaire. Elle détient également 2,5% de Foxconn.

State Street Corporation est une très ancienne banque dépositaire. Elle a été fondée en 1792 à Boston. Fin 2017, elle administre quelque 2.782 milliards de dollars d’actifs. Sur ce montant, environ 1.500 milliards sont détenus par des fonds domiciliés au Luxembourg, en Irlande et aux îles Caïmans.

BlackRock est la société de gestion d’actifs leader par excellence. Elle possède au moins 5% du capital de quatre firmes cotées sur dix aux États-Unis. Elle est considérée comme l’institution financière la plus influente du monde. En effet, elle gère des actifs pour 6.288 milliards de dollars fin 2017. C’est davantage d’argent que la plus grande banque, l’Industrial and Commercial Bank of China, qui ne dispose que de 4.010 milliards. BlackRock a été introduite en Bourse en 1999.

Il y a des liens entre ces tenants du nouveau capital financier. Nous avons établi le tableau suivant en identifiant les principaux actionnaires des sociétés financières qui publient cette information (tableau 4).

Tableau 4. Actionnariat des principales sociétés d’investissement cotées fin 2015 (en %)

Compagnie Pays 1er actionnaire % 2e actionnaire % 3e actionnaire %
BlackRock USA PNC Financial 21,2 Wellington Man. 5,8 Norges Bank 5,7
PNC Financial USA Wellington Man. 8,2 Vanguard Group 6,0 BlackRock 5,1
State Street Bank USA Massachusetts Fin. 9,2 T. Rowe Price 7,1 Vanguard Group 5,4
T. Rowe Price USA Vanguard Group 6,5 BlackRock 5,9 State Street 5,3
Legal & General GBR The Capital Group 5,9 Schroders 5,0 Invesco 5,0

Sources : BlackRock, PNC Financial Services, State Street Bank et T. Rowe Price, Proxy Statements, 2016 et Legal & General Group, Annual Report 2015.

On observe un élégant chassé-croisé de participations dans ces organes. Ainsi, PNC Financial Services est le premier actionnaire de BlackRock, qui est lui-même troisième détenteur de part de PNC. PNC est une banque holding.

Si ces sociétés font appel à un capital qui ne leur appartient pas – c’est celui de l’épargne « populaire » -, elles n’en contrôlent pas moins tous les fonds créés par celles-ci. Elles en désignent les administrateurs et décident généralement des investissements à opérer. Ainsi, en 2010, les treize conseillers de Fidelity (FMR) sont les dirigeants des 360 fonds que la compagnie gère. Les huit conseillers de Vanguard siègent au conseil d’administration des 70 fonds initiés par la société financière [19].

Les banques (au sens strict) ne sont plus les principaux actionnaires des grandes entreprises. Elles ne sont plus le moteur quasi exclusif de l’accumulation du capital. D’autres sociétés financières sont venues les relayer. Ce sont ces dernières qui ont mis la main sur la plus grande quantité de capital-argent dans le monde, supplantant progressivement les banques.

Le vrai basculement des années 1980

Un véritable retournement s’opère et c’est cela qui caractérise réellement notre époque. Dans l’ancienne forme de capital financier, la banque prélevait une rente sur les profits réalisés par l’entreprise industrielle affiliée. Mais il était rare qu’elle prenne davantage que ce que la firme productive pouvait offrir. Il ne fallait pas tuer la poule aux œufs d’or.

En revanche, par leur faculté de déplacer leurs capitaux d’une firme à l’autre, le nouveau capital financier n’est plus attaché à l’une ou l’autre entité. Alors que la banque universelle exerçait un contrôle souvent sans partage sur la direction des entreprises, les sociétés de gestion d’actifs ont généralement un comportement plus « passif ». Les fonds ne disposent pas du personnel pour installer des dirigeants à la tête des multinationales. Ils doivent donc faire confiance en grande part aux managements en place. Mais si ceux-ci ne satisfont pas la rentabilité, ils vont se dégager de la firme et investir ailleurs. Ce qui peut déstabiliser l’entreprise, car vendre un gros paquet d’actions va en faire baisser le cours et la rendre reprenable (opéable) par un concurrent. D’où la cour assidue que peuvent mener les dirigeants de grandes firmes vis-à-vis des fonds actionnaires.

Ceux-ci peuvent exiger un rendement maximum et, s’ils ne sont pas satisfaits, retirer leurs billes pour investir ailleurs. Ils peuvent se rémunérer largement sur une compagnie et, une fois rassasiés, passer à la suivante. Ils peuvent donc les dépecer les unes après les autres et, une fois la proie vidée complètement de son sang, se jeter sur une nouvelle source « intarissable » de profit.

De ce fait, la situation nouvelle implique que le capital financier d’aujourd’hui devient doublement parasitaire. Non seulement il prélève toujours une part de la production pour rémunérer des secteurs improductifs comme la finance, mais, en outre, il le fait préventivement, avant même toute activité économique, obligeant les compagnies industrielles à tenir la norme de rentabilité imposée sous peine de disparaître.

Ainsi, on constate une très nette augmentation du versement de dividendes des grandes firmes vers leurs actionnaires, se rapprochant dangereusement des bénéfices réalisés. Aux États-Unis, cette part des dividendes par rapport aux bénéfices nets des entreprises était passée de 44,1% entre 1950 et 1973 à 37,1% de 1973 à 1980, puis à 65,6% dans les années 80, à 75,1% la décennie suivante pour retomber quelque peu à 66,6% entre 2000 et 2007 [20]. On voit le tournant de 1980 : avant, la majeure partie des profits étaient réinvestis ; après, ils sont distribués principalement aux actionnaires, quitte à ceux-ci éventuellement de les remettre dans le capital des entreprises.

Certains auteurs comme Gérard Duménil et Dominique Lévy [21] insistent sur un saut qualitatif qui aurait surgi avec l’avènement du néolibéralisme pour caractériser l’actuelle prédominance financière dans l’économie et le retour de la rentabilité élevée pour le capital. D’autres, comme Robert Boyer [22] ou Michel Aglietta [23] de l’école de la régulation [24] suggèrent l’arrivée d’un nouveau régime d’accumulation, qu’ils dénomment « à caractère financier » pour décrire des activités de plus en plus financées par des emprunts.

Même s’il y a des changements, ceux-ci ne justifient pas des modifications qualitatives dans la logique. Le caractère de la finance est de plus en plus parasitaire. Il menace clairement l’avenir du monde, avec une captation plus grande des bénéfices vers les sociétés financières et les responsables qui les administrent. Et il ne peut y avoir d’accumulation durable à partir de l’endettement. Comme Marx l’explique dans le Livre III du Capital, il s’agit de la création d’un capital fictif, qui peut donner à un moment donné l’illusion d’un développement parce que des fonds supplémentaires sont injectés dans l’économie. Mais comme ils ne correspondent à rien dans la production, ils créent des bulles qui explosent nécessairement un jour ou l’autre, déclenchant une crise d’envergure.

François Chesnais [25] est celui qui a popularisé à nouveau ces notions de finance à travers ses ouvrages. Il a remis en avant cette notion de capital fictif, en mettant sans doute celle de capital financier en retrait. À sa suite, Cédric Durand [26] a tenté d’analyser la situation économique mondiale et la domination financière qui s’exerce à travers ce concept de capital fictif. Mais, à plusieurs reprises, il confond ce dernier avec le capital financier. Le capital fictif est important pour décrire les récessions et l’éclatement des bulles financières. Mais, pour montrer la prégnance financière sur l’économie mondiale, il faut utiliser le terme de capital financier [27]. Évidemment ce dernier est producteur de capital fictif. Il en est le principal architecte.

Conclusions

Il y a une financiarisation de l’économie au sens très général. Mais il n’y a pas de transformation majeure du capitalisme. Les mécanismes propres à l’accumulation du capital sont toujours à l’œuvre. Ils poussent continuellement à éliminer la concurrence, à établir des monopoles [28] et à asseoir la domination du capital financier sur l’ensemble du système productif. C’est l’essence même du développement capitaliste.

Une première fois, à partir du XIXe siècle, ce processus a incité à la création de banques universelles, qui ont conquis une bonne partie des économies nationales avancées. Cela a conduit aux guerres mondiales et à la crise des années 1930, bref des catastrophes encore vivaces dans les mémoires.

Aujourd’hui, avec l’impact de l’internationalisation de la production, d’autres formes plus diverses de capital financier sont apparues, même si les banques conservent un rôle central en allouant des fonds importants à travers leurs prêts (aussi bien aux États qu’aux multinationales ou aux nouvelles sociétés d’investissement). Il n’y a pas de changement dans la logique de fonctionnement de l’économie. En revanche, les exigences financières se sont accrues et cela hypothèque gravement le futur. Avec des crises sans doute plus aiguës et des conflits toujours plus durs et insurmontables en perspectives.

 


Pour citer cet article :

Henri Houben, "Le nouveau capital financier" septembre 2018, texte disponible à l’adresse :
[http://www.gresea.be/Le-nouveau-capital-financier]

Notes

[1L’association mondiale pour l’économie politique a été créée en 2006 et est basée à Hong Kong. Elle regroupe une bonne centaine d’économistes marxistes et progressistes, venus de tous les continents.

[2Karl Marx et Rosa Luxembourg : l’héritage de leur pensée et leur valeur contemporaine.

[3Le terme industriel doit se comprendre au sens très large. Il s’agit de toute activité productive, que ce soit pour un bien ou un service.

[4Nous préférons utiliser dans la suite du texte le terme « capital bancaire », par simplicité.

[5L’apostrophe (le prime) désigne un capital accru de la plus-value dans le cas du capital industriel et d’un bénéfice pour le capital commercial ou bancaire.

[6Ce que montre très bien Ellen Meiksins Wood, L’Origine du Capitalisme, Lux éditeur, Montréal, 2009.

[7La région de Mons dans le Hainaut.

[8Elle fera faillite en 1876.

[9Hubert Bonin, La banque et les banquiers en France, du Moyen-Âge à nos jours, éditions Larousse, Paris, 1992, p.95-96.

[10Rudolf Hilferding, Le capital financier, éditions de Minuit, Paris, 1970, p.317-318.

[11Rudolf Hilferding, op. cit., p.319.

[12Lénine, L’impérialisme, stade suprême du capitalisme, in Lénine, Œuvres complètes, tome 22, p.245.

[13Normalement, on appelle monopole une entreprise qui dispose de l’exclusivité de la vente d’un produit. Comme, dans la plupart des secteurs, il n’existe pas une seule firme, mais plusieurs, on devrait appeler ces firmes des oligopoles.

[14Victor Perlo, L’Empire de la Haute Finance. La genèse du capitalisme monopoliste d’État, éditions sociales, Paris, 1974.

[15Nakamura Takafusa, Economic Growth in Prewar Japan, Yale University Press, New Haven and London, 1983, p.208.

[16Philips affirme n’avoir aucun actionnaire ayant plus de 5% du capital, seuil à partir duquel on est obligé à le divulguer. D’après d’autres sources, les principaux possesseurs de parts de la multinationale néerlandaise sont Southeastern Asset Management pour 3,3%, Dodge & Cox pour 3% et Harris Associates pour 3% aussi. Nokia n’aurait aucun actionnaire majeur, le premier serait Franklin Resources avec seulement 1,2% du capital. Unilever a une structure bicéphale que nous avons jugée trop complexe à détailler.

[17D’une part, ce sont des fonds liés à un État. D’autre part, ils agissent en suivant d’autres règles. Le fonds qatari reste plus longtemps actionnaire dans une entreprise dans laquelle il investit. Son compère norvégien a aussi une stratégie de plus long terme et intègre une dimension « éthique » dans la gestion de son portefeuille.

[18Derrière Bill Gates.

[19Geoffrey Geuens, La finance imaginaire, éditions Aden, Bruxelles, 2011, p.91.

[20Henri Houben, La crise de trente ans, op. cit., p.273, tableau 7.4.

[21Il y a de nombreux ouvrages de Gérard Duménil et Dominique Lévy comme La dynamique du capital : Un siècle d’économie américaine, éditions PUF, 1996, Au-delà du capitalisme ?, éditions PUF, 1998, Le Triangle infernal : Crise, mondialisation, financiarisation, éditions PUF, 1999, Une nouvelle phase du capitalisme ?, éditions Syllepse, 2001 et Capital Resurgent : Roots of the Neoliberal Revolution, Harvard University Press, 2004.

[22Robert Boyer, Les financiers détruiront-ils le capitalisme ?, éditions Economica, 2011.

[23Michel Aglietta, La crise : Pourquoi en est-on arrivé là ? Comment en sortir ?, éditions Michalon, 2008, et La crise : Les voies de sortie, éditions Michalon, 2010.

[24L’école de la régulation est un courant d’économistes surtout français d’obédience marxiste ou keynésienne né dans les années 1970. Ils ont une approche historique découpant le capitalisme en plusieurs régimes d’accumulation basés sur une logique particulière, associant de nouvelles formes de hausse de la productivité avec des institutions appropriées permettant notamment une certaine adhésion populaire à ce développement. Ils sont les promoteurs de la notion de fordisme apparu après la guerre et basé sur la production et consommation de masse et des hausses salariales continuelles fondées sur le partage des gains de productivité.

[25François Chesnais, La mondialisation du capital, éditions Syros, 1994.

[26Cédric Durand, Le capital fictif : Comment la finance s’approprie notre avenir, éditions Les Prairies Ordinaires, 2014.

[27Pour une critique plus détaillée du livre de Cédric Durand, voir Henri Houben, Le capital fictif de M. Durand, Gresea, décembre 2015 : http://www.gresea.be/spip.php?article1470, ou Études marxistes, n° 114, avril-juin 2016 : http://www.marx.be/fr/content/le-capital-fictif-de-m%C2%A0durand.

[28Au sens de Lénine, c’est-à-dire des entreprises géantes qui échappent partiellement ou momentanément aux lois strictes du marché.{}