Planification : histoire d’un hold-up
"À l’époque actuelle, l’importance capitale de la planification pour l’évolution socio-économique des États contemporains apparaît dans toute son évidence." À souligner trois fois, à gros traits épais, au crayon rouge. Car c’est clair comme eau de roche ! L’évidence même ! À ne pas en douter, un seul instant !
Il y a juste un petit problème. La citation ci-dessus est datée de 1969. Idem pour son "évidence", s’imposant à tout honnête homme normalement constitué. La citation figure en tête de l’introduction au fascicule édité avec l’appui de l’UNESCO dans la collection Confluence (volume XIII) publiée par le Comité international pour la documentation des sciences sociales (CIDSS). Son titre : "La planification en URSS et dans les autres pays socialistes". Son auteur : Aleksander D. Kurskij, de l’Institut d’Économie de l’Académie des Sciences de l’URSS à Moscou. La traductrice : Jacqueline Portier. L’éditeur : Éditions Mouton, Paris – La Haye. Le colophon informe encore : "Printed in Belgium". Une main invisible l’a aimablement déposée aux archives du Gresea.
Kurskij poursuit en rappelant que, pour étudier la planification dans les pays socialistes, "il faut tout d’abord souligner la liaison directe et immédiate qui existe entre la planification à l’échelle de l’économie nationale tout entière et la propriété collective des moyens de production." Ah ! mais voilà un rappel utile. La planification n’a de sens que dans ce cadre-là, celui qui, depuis Marx et longtemps proclamé par tous les partis de gauche, fait de tous les travailleurs des "producteurs associés", collectivement propriétaires des fruits de leur travail, fruits dont seule la valeur d’usage prime, tout étant organisé – planifié – à cet effet. Longtemps proclamé : en 1969, encore, sans doute. En 2015, cela paraît bien lointain.
Aleksander Kurskij, il vit toujours ? Et Jacqueline Portier, la traductrice, encore de ce monde ? Se retrouveraient-ils dans le schéma du monde actuel ? Le voici :
Le schéma rend bien les choses. L’économie mondiale est, plus que jamais, planifiée. Mais planifiée par les entreprises multinationales, planifiée en vue d’un dumping fiscal optimal, planifiée par chaînes d’approvisionnement écrasant au plus bas les salaires partout, planifiée pour échapper au droit des peuples et des nations, planifiée au seul bénéfice des investisseurs-actionnaires, etc. Un pur hold-up de l’idée sociale de planification.
D’une certaine manière, cela simplifie. Un monde à l’envers, il suffit de le remettre à l’endroit.
Sommaire
Gresea Echos N°84, 4e trimestre 2015 : Privée, publique, quelle planification économique ? Les cas de l’Éthiopie et du Brésil.
- Edito : Planification : histoire d’un hold-up. Erik Rydberg
- La science-fiction n‘est pas dans les choses. Raf Custers
- À qui profite la planification économique éthiopienne ? Tristan Coloma
- Brésil : entre dirigisme et realpolitik. Raf Custers
- Quelles alternatives à la mondialisation pour le sud ? Samir Amin
- A lire
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