Du dossier exemplaire des travailleurs marseillais d’Unilever, il a déjà été question sur cet observatoire. Pour mémoire : des ouvriers qui refusent de courber l’échine lorsque le big boss, la multinationale
Multinationale
Entreprise, généralement assez grande, qui opère et qui a des activités productives et commerciales dans plusieurs pays. Elle est composée habituellement d’une maison mère, où se trouve le siège social, et plusieurs filiales étrangères.
(en anglais : multinational)
Unilever (siège à Rotterdam et Londres, plus de 170.000 employés dans le monde entier) décide de fermer le site marseillais – l’usine Fralib – pour délocaliser la production en Pologne (l’Europe low-cost). La suite ? Pas prévu au programme : front de refus et occupation d’usine record, plus de quatre ans. Les "Fralibiens", comme ces irréductibles viendront à être connus, sortiront comme on sait vainqueurs du bras de fer en 2015 en relançant l’usine sous forme de coopérative. Que vient alors faire ici Jaurès ? Il y apporte comme un fil rouge, ainsi que le met en évidence Charles Silvestre dans sa belle biographie du grand tribun socialiste. Plus d’un siècle auparavant, le 25 octobre 1896, Jaurès inaugurait la verrerie ouvrière d’Albi à Carmaux (dans le Tarn, dont il était député), consécration d’un combat similaire : là, ce sont des "ouvriers très qualifiés, très syndiqués, très solidaires" qui, confrontés au licenciement de deux délégués syndicaux et, le patron acceptant mal la grève qui s’ensuit, à la fermeture pure et simple de l’usine, uniront leurs forces pour, raconte Silvestre, matérialiser le "rêve d’une usine qui ne soit plus celle d’un patron, qui soit une usine « aux ouvriers », à une époque où l’idée trotte dans pas mal de têtes". Ce sera chose faite mais – et la leçon garde toute son actualité pour le mouvement coopératif aujourd’hui – en suivant les vœux de Jaurès, pour qui la verrerie ouvrière "ne pouvait appartenir à ses seuls salariés" et devait "être placée sous le contrôle d’un ensemble syndical et coopératif national". La "souveraineté économique" n’était pas un vain mot chez Jaurès. Voir son discours de député de 26 ans à la Chambre le 8 avril 1886 : "Nous devons réaliser par la République l’abolition du salariat, l’affranchissement des cœurs et des bras, la remise graduelle des moyens de production aux mains des travailleurs pour la constitution d’un patrimoine
Patrimoine
Ensemble des avoirs d’un acteur économique. Il peut être brut (ensemble des actifs) ou net (total des actifs moins les dettes).
(en anglais : wealth)
collectif. Si vous n’avez pas un but élevé, si vous ne poursuivez pas une haute pensée de justice sociale, d’égalité sociale, vos petites réformes iront grossir le poids de vos lois stériles." Jaurès, il faut relire.
Sources : Charles Silvestre, La victoire de Jaurès, éditions Privat, Toulouse, 2013 (à commander dans toutes les bonnes librairies et faire acheter par la bibliothèque publique).
Voir aussi : l’historique des 1.336 jours de lutte des Fralibiens sur mediapar : http://www.mediapart.fr/portfolios/les-larmes-de-joie-des-fralib
Le lancement de la coopérative sur le site de l’Observatoire des multinationales :
http://multinationales.org/Les-anciens-de-Fralib-lancent-leur-cooperative-et-leurs-nouveaux-thes