Le champ d’étude des firmes transnationales a été largement réduit depuis la fin des années 1980. Entre temps, non seulement elles se sont imposées comme les acteurs majeurs de l’économie mondialisée mais en plus, elles ont connu de fortes transformations. Pour faire le point sur ces firmes et les enjeux qu’elles soulèvent le Gresea a organisé, le 24 novembre 2016, un colloque international intitulé « Entreprises multinationales et mouvements sociaux. Les formes de résistance dans l’entreprise éclatée ». Cette livraison du Gresea Échos permet d’approfondir trois expériences particulières de lutte.
Les firmes sont de plus en plus caractérisées par l’éclatement de la production (dispersion et coordination à distance des lieux de production) et par la concentration du capital et du pouvoir de décision entre les mains de quelques propriétaires. Cette évolution, qui s’est accentuée au cours des quatre dernières décennies n’efface pas les contradictions dérivant de l’exploitation des travailleurs, des ressources naturelles et de la vie en général. Avec la transnationalisation de la chaîne de production et face à l’accentuation de la mobilité du capital, la résistance aux différentes formes d’exploitation conserve évidemment toute sa légitimité. Cependant, l’éloignement ou la disparition d’une figure patronale contre qui s’opposer semble souvent naturaliser les choix du capital. Cette gestion de l’entreprise par « l’absence » – le propriétaire et ses décisions ne se trouvent jamais confrontés aux salariés et à leurs revendications – débouche alors nécessairement sur une disqualification du conflit social. Pourquoi lutter pour l’emploi, pour de meilleures salaires ou conditions de travail, si, au terme du conflit, le choix des propriétaires se révèle irrévocable ?
Ce numéro du Gresea Echos démontre le contraire. Même dans la phase actuelle de la mondialisation, la conflictualité sociale continue à faire sens pour les travailleurs.
Juan Montes Cató revient ainsi sur la lutte des travailleurs de la multinationale Praxair en Argentine. Benoît Borrits, auteur de l’ouvrage « Coopératives contre capitalisme » [1], analyse les 1336 jours durant lesquels les travailleurs de Fralib se sont opposés au géant de l’agroalimentaire Unilever [2]. Enfin, les travaux d’Aurélie Decoene pointent les facteurs qui ont permis aux Dockers européens de résister au patronat et à la Commission européenne.
La question des niveaux de lutte est un des fils conducteurs de ce numéro, et on arrive à la conclusion que l’éclatement de la chaîne de production appelle à la pluralité des formes de résistance et à la convergence des luttes. Les luttes locales deviennent rapidement des luttes territoriales, en impliquant des acteurs extérieurs dans les lieux de production. La coordination transnationale des luttes locales soutient et renforce l’action au niveau international dans le cas de conflits sectoriels.
Pour une médiatisation des luttes transnationales
Les conflits et les luttes des travailleurs souffrent cependant souvent d’un manque de visibilité, contrairement aux campagnes de sensibilisation des consommateurs, ou aux actions en faveur de la protection de l’environnement ou sur les migrations qui obtiennent une plus grande exposition médiatique et une plus grande adhésion des citoyens. Pourtant, ces différentes crises ont comme dénominateur commun la montée des inégalités nourries par le processus de mondialisation actuelle.
Ce numéro du GRESEA Échos répond donc à notre volonté de redonner de la visibilité aux luttes des travailleurs, et d’analyser les raisons de leurs victoires et de leurs défaites. L’histoire et la médiatisation des luttes sociales est une condition de leur convergence.
Sommaire
Gresea Echos N°89, 1er trimestre 2017 : Travailleurs en lutte dans l’économie mondialisée
Edito : Luttes sociales et multinationales. Mario Bucci (Gresea)
Multinationales du 21e siècle : espaces de lutte ? Bruno Bauraind et Mario Bucci (Gresea)
Résister au capital : pratiques militantes chez Praxair en Argentine. Juan Montes Cató et Maxi Arecco
Les fralib : de la multinationale à l’autogestion. Benoît Borrits
La libéralisation des services portuaires européens et la grève des dockers. Aurélie Decoene
Quelle riposte ouvrière face au capitalisme transnational ? Natalia Hirtz (Gresea)
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Petit rappel
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