La tenue du Salon européen des centres d’appel, à Paris, à été l’occasion, le 3 avril 2007, pour les travailleurs du secteur (ils sont 250.000 en France), de rappeler à coups de calicots leurs conditions de travail esclavagistes. Téléphone vissé sur la tête du matin au soir. Objectifs de rendement inhumains. Chez France Télécom (ex-PTT), c’est un minimum de sept appels par heure avec, en pression supplémentaire, l’obligation de chercher à vendre au client des produits promotionnels. Telle travailleuse, trente ans de maison chez France Télécom, a été mutée de force au centre d’appel Orange, un "plateau" comptant 500 "agents d’accueil clientèle", et elle dit, désabusée : "Nous sommes devenus les seuls fonctionnaires au monde à travailler pour une multinationale Multinationale Entreprise, généralement assez grande, qui opère et qui a des activités productives et commerciales dans plusieurs pays. Elle est composée habituellement d’une maison mère, où se trouve le siège social, et plusieurs filiales étrangères.
(en anglais : multinational)
." Un de ses collègues, "fonctionnaire" lui aussi, 25 ans de maison, travaille au service Service Fourniture d’un bien immatériel, avantage ou satisfaction d’un besoin, fourni par un prestataire (entreprise ou l’État) au public. Il s’oppose au terme de bien, qui désigne un produit matériel échangeable.
(en anglais : service)
recouvrement. Lui, il a trois minutes "pour raisonner les mauvais payeurs et, si possible, leur vendre dans le même temps une offre commerciale". Et c’est pire chez Téléperformance, un des plus gros opérateurs français, qui sous-traite pour Bouygues, SFR, Cegetel. Là, il y a un grand tableau d’affichage électronique qui, façon Big Brother, indique pas à pas le taux d’activité des travailleurs casqués : c’est, de préférence, 16 appels par heure... Parfois, cependant, la résistance est payante. Chez ING Direct, la banque-sans-âme-ni-guichet, des délégués syndicaux ont été licenciés au motif qu’ils ont été lents – cela se mesure en secondes – à décrocher un appel. Une manifestation, le 31 mars 2007, a eu raison de la direction car,comme précise un des délégués, "quand une dynamique collective se met en place dans un centre d’appel, le rapport de forces change." C’est encourageant. Mais c’est un curieux monde. Les technologies ont permis de rationaliser le travail à l’extrême et, donc, potentiellement, de libérer le travailleur d’autant – c’est le contraire qui s’est produit, plus écrasé que jamais.

Source : L’Humanité du 6 avril 2007.