Des prix qui explosent, des indexations salariales qui ne parviennent pas à compenser ces hausses et un déficit budgétaire
Déficit budgétaire
Différence négative entre ce que les pouvoirs publics dépensent et ce qu’ils reçoivent comme recette durant une période déterminée (souvent un an). Ce déficit peut être compensé par des revenus supplémentaires, par une réduction des dépenses ou par un nouvel emprunt (mais qui se traduira à l’avenir par des charges financières accrues qui grèveront les comptes budgétaires des années suivantes).
(en anglais : general government imbalance, public fiscal imbalance ou deficit spending)
qui s’accroît tout en renforçant l’endettement public ; le paysage socioéconomique est préoccupant et les politiques adoptées par la Banque centrale
Banque centrale
Organe bancaire, qui peut être public, privé ou mixte et qui organise trois missions essentiellement : il gère la politique monétaire d’un pays (parfois seul, parfois sous l’autorité du ministère des Finances) ; il administre les réserves d’or et de devises du pays ; et il est le prêteur en dernier ressort pour les banques commerciales. Pour les États-Unis, la banque centrale est la Federal Reserve (ou FED) ; pour la zone euro, c’est la Banque centrale européenne (ou BCE).
(en anglais : central bank ou reserve bank ou encore monetary authority).
européenne (BCE) pour « freiner l’inflation
Inflation
Terme devenu synonyme d’une augmentation globale de prix des biens et des services de consommation. Elle est poussée par une création monétaire qui dépasse ce que la production réelle est capable d’absorber.
(en anglais : inflation)
», ou par le gouvernement belge pour « ramener le budget dans des eaux plus calmes », ne sont pas rassurantes. C’est dans ce contexte que ce numéro propose de revenir sur les causes de l’inflation ainsi que sur les politiques mises en œuvre pour faire face à la crise actuelle et ses impacts sur le capital
Capital
Ensemble d’actifs et de richesses pouvant être utilisés pour produire de nouveaux biens ou services.
(en anglais : capital, mais aussi fund ou wealth)
et le travail.
Dans le premier article, Romain Gelin apporte un éclairage sur les causes de l’inflation
Inflation
Terme devenu synonyme d’une augmentation globale de prix des biens et des services de consommation. Elle est poussée par une création monétaire qui dépasse ce que la production réelle est capable d’absorber.
(en anglais : inflation)
et comment la juguler. Il montre ainsi les limites et les risques de la politique monétaire orthodoxe, de la rigueur budgétaire, et la manière dont cette crise est ressentie par divers groupes sociaux et économiques.
En effet, face au déficit fiscal et à un endettement croissant, le gouvernement belge procède à des coupes budgétaires qui touchent notamment les services publics et la sécurité sociale. Cette politique renforce la dégradation des salaires (bruts), des pensions, des allocations de chômage et des services publics.
L’augmentation des taux d’intérêt
Taux d’intérêt
Rapport de la rémunération d’un capital emprunté. Il consiste dans le ratio entre les intérêts et les fonds prêtés.
(en anglais : interest rate)
décidée par la BCE, censée combattre l’inflation selon la doctrine monétariste, fait grimper l’endettement public, mais aussi les dettes privées, creusant le déficit public et renforçant les risques d’une récession
Récession
Crise économique, c’est-à-dire baisse du produit intérieur brut durant plusieurs mois au moins.
(en anglais : recession ou crisis)
économique, voire même, pour les moins optimistes, d’une crise financière [1]. On peut donc se demander pourquoi la BCE (tout comme la Banque centrale
Banque centrale
Organe bancaire, qui peut être public, privé ou mixte et qui organise trois missions essentiellement : il gère la politique monétaire d’un pays (parfois seul, parfois sous l’autorité du ministère des Finances) ; il administre les réserves d’or et de devises du pays ; et il est le prêteur en dernier ressort pour les banques commerciales. Pour les États-Unis, la banque centrale est la Federal Reserve (ou FED) ; pour la zone euro, c’est la Banque centrale européenne (ou BCE).
(en anglais : central bank ou reserve bank ou encore monetary authority).
américaine et les autres banques centrales) maintient cette politique monétariste. Pour Christine Lagarde, présidente de la BCE, il s’agit d’une manière de freiner la demande, mais aussi, d’augmenter le taux de chômage, ce qui permet d’affaiblir le pouvoir de négociation des travailleur·ses et de limiter ainsi la hausse des salaires. Lagarde est explicite, « il faut que les augmentations de salaire dans la zone euro soient inférieures à l’inflation. » [2] Or, comme le rappelle Romain Gelin, pour la Belgique, depuis 1993, l’indexation des salaires
Indexation des salaires
Mécanisme d’ajustement automatique des revenus des travailleurs à la hausse des prix. Chaque fois que les prix à la consommation (pondérés pour un revenu moyen) augmentent de 2%, le mois suivant les salaires croissent d’autant. Un tel mécanisme n’existe plus qu’en Belgique et au Luxembourg.
(En anglais : wage indexation)
, pensions et allocations sociales se base sur l’indice de santé, ce qui ne reflète pas l’inflation générale des prix. Lorsque, les prix des carburants (qui ne sont pas comptés dans l’indice de santé) s’envolent, le salaire réel diminue, et ceci d’autant plus pour les personnes des zones rurales mal desservies par les transports publics.
Dans le deuxième article, Romain Gelin interroge les politiques énergétiques belges et européennes des dernières décennies. Il revient sur les raisons des augmentations du prix de l’électricité et questionne les mesures mises en œuvre pour atteindre les « objectifs climatiques » fixés par l’Accord de Paris.
Dans le troisième article, Matthias Somers montre que parmi les facteurs internes (non imputables à la hausse des prix d’importations), l’augmentation des marges bénéficiaires des entreprises pèse quasi deux fois plus lourd dans l’inflation que les augmentations salariales. Contrairement au discours de la BCE et de la Fédération des entreprises de Belgique (FEB) sur la « spirale prix-salaires », nous faisons donc face à une « spirale prix-profits ».
Suite à la crise des subprimes et au sauvetage des banques par l’État belge en 2008, les politiques d’austérité
Austérité
Période de vaches maigres. On appelle politique d’austérité un ensemble de mesures qui visent à réduire le pouvoir d’achat de la population.
(en anglais : austerity)
impulsées par les gouvernements successifs ont notamment visé les services publics et la sécurité sociale. Au contraire, comme le montre Somers, les aides publiques aux entreprises privées n’ont fait que croitre. Durant la première moitié de l’année 2022, les sociétés non financières ont reçu 6 milliards de subventions, montant supérieur à celui de leurs impôts. En effet, plutôt que des économies budgétaires, on observe un transfert de richesses collectives vers les capitaux privés. Et ceci alors que la marge brute des firmes (non financières) belges atteint des sommets jamais vus. Inversement, la part de la valeur ajoutée
Valeur ajoutée
Différence entre le chiffre d’affaires d’une entreprise et les coûts des biens et des services qui ont été nécessaires pour réaliser ce chiffre d’affaires (et qui forment le chiffre d’affaires d’une autre firme) ; la somme des valeurs ajoutées de toutes les sociétés, administrations et organisations constitue le produit intérieur brut.
(en anglais : added value)
produite dans les entreprises qui sert à payer les salaires atteint un plancher historique. Ce qui désigne, en termes marxistes, une plus grande accumulation
Accumulation
Processus consistant à réinvestir les profits réalisés dans l’année dans l’agrandissement des capacités de production, de sorte à engendrer des bénéfices plus importants à l’avenir.
(en anglais : accumulation)
du capital
Capital
Ensemble d’actifs et de richesses pouvant être utilisés pour produire de nouveaux biens ou services.
(en anglais : capital, mais aussi fund ou wealth)
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Enfin, dans le dernier article, nous analysons l’inflation à la lumière de la crise multifactorielle (covid-19, sociétaire, environnementale, démocratique, guerres…) tout en essayant de dégager la manière dont celle-ci représente une occasion de concentration du capital
Capital
favorisée non seulement par une augmentation du taux de la plus-value
Plus-value
En langage marxiste, il s’agit du travail non payé aux salariés par rapport à la valeur que ceux-ci produisent ; cela forme l’exploitation capitaliste ; dans le langage comptable et boursier, c’est la différence obtenue entre l’achat et la vente d’un titre ou d’un immeuble ; si la différence est négative, on parlera de moins-value.
(en anglais : surplus value).
extorquée au travail salarié, mais aussi au travail non salarié. À travers les outils analytiques apportés par l’économie féministe, nous cherchons à visibiliser une partie immergée de l’iceberg de l’accumulation du capital : l’extorsion de la plus-value du travail gratuit de reproduction. Une analyse qui nous mène à postuler que contrairement aux thèses sur « la fin du travail », nous assistons à une intensification et un allongement du temps de travail (gratuit et rémunéré). Un processus au profit du capital et au détriment du monde vivant.
Article paru dans Gresea Échos n°114, "Inflation, travail, profit", juin 2023.
Pour citer cet article : Natalia Hirtz, "Travail, prix et profit", Gresea, juin 2023.
Source illu : Everything is allright, Jeanne Manjoulet_Paris, 2017, licence : CC BY 2.0, Flickr.