En mars 2015, Total dévoilait la liste de ses 903 filiales (le groupe n’en mentionnait que 180 dans ses précédents rapports). Selon l’entreprise pétrolière, il s’agit d’une réelle opération de « transparence » pour répondre aux rumeurs selon lesquelles le groupe pratiquerait l’évasion fiscale. Total s’est d’ailleurs engagé à fermer 9 de ses 19 filiales implantées dans les paradis fiscaux dévoilés par la liste [1]. L’entreprise aurait donc décidé de faire la lumière sur l’ensemble de ses montages fiscaux. Louable. Sauf que… C’est une liste à trous ! Le site d’information Bastamag souligne que le groupe détient une trentaine de filiales aux Pays-Bas et que celles-ci n’apparaissent pas dans la liste publiée. De véritables filiales « fantômes » qui semblent n’avoir aucun lien avec les activités de production du groupe. L’ONG CCFD-Terre solidaire rappelle que les paradis fiscaux intra-européens (le Luxembourg, la Suisse, la Belgique, les Pays-Bas…) sont moins connotés publiquement comme source d’évasion fiscale et donc moins à même de porter atteinte à l’image de marque du groupe.
En fait, aucune politique fiscale commune n’étant mise en œuvre en Union européenne, celle-ci devient l’épicentre de politiques agressives de dumping entre les États. Pour le plus grand profit des multinationales. Total, pour sa part, aura joué un beau coup de communication : fermer des filiales implantées dans des îles exotiques pour les délocaliser… au centre de l’Union européenne.
Sources :
Petitjean O., Mais à quoi servent les filiales fantômes que Total oublie de déclarer ?, Bastamag, 04/06/2015, http://bit.ly/1BapMXW
CCF-Terre soldaire, Publication des filiales de Total, 4/03/2015, http://bit.ly/1e7JppN
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