En 2019, des mobilisations historiques dans le secteur de la santé belge donnent naissance à un mouvement interprofessionnel et intersyndical, regroupant du personnel et des usager·es pour la défense de la santé, qui se poursuit en 2020. En réponse, le gouvernement convoque les organisations patronales et syndicales afin de proposer la signature d’accords sociaux pour la période 2021-2024. La négociation des accords collectifs sectoriels devient le centre des tensions, la convergence des luttes cédant la place à des conflits locaux ou sectoriels plus défensifs.

En 2019, le secteur de la santé connaît une forte conflictualité sociale en Wallonie et à Bruxelles. Ces mobilisations historiques [1] donnent naissance au mouvement « La Santé en Lutte » (SeL), un collectif formé par du personnel de santé et des usager·es. Sous le slogan « Plus d’effectifs, plus de salaire, plus d’humanité », la SeL élabore un cahier de revendications visant autant une amélioration des conditions de travail, des salaires et de la norme d’encadrement qu’une démocratisation des soins de santé et une remise en cause du management par les chiffres (voir annexe). Cette convergence des luttes autour de la santé apporte une nouvelle dynamique au conflit. Ce qui était au départ un conflit capital Capital Ensemble d’actifs et de richesses pouvant être utilisés pour produire de nouveaux biens ou services.
(en anglais : capital, mais aussi fund ou wealth)
-travail, focalisé sur les conditions de travail du personnel, devient un conflit capital Capital -vie (Pérez Orozco, 2014) [2], élargi à une lutte pour la défense de la santé publique. En réponse, le gouvernement crée le Fonds Fonds (de placement, d’investissement, d’épargne…) : société financière qui récolte l’épargne de ménages pour l’investir ou le placer dans des produits financiers plus ou moins précis, parfois définis à l’avance. Il existe des fonds de pension, des fonds de placement, des fonds de fonds qui sont proposés à tout un chacun. En revanche, les hedge funds (fonds spéculatifs) et les private equity funds sont réservés à une riche clientèle.
(en anglais : fund)
blouses blanches (FBB) en 2019, destiné à améliorer les conditions de travail du personnel soignant des hôpitaux [3], des services de soins infirmiers à domicile et des maisons médicales [4]. En 2020, il propose aux organisations syndicales et patronales la signature d’« accords sociaux pour le secteur non marchand [5] ». Ces accords ouvrent une période de négociation d’accords collectifs sectoriels de quatre ans (2021-2024). Dans ce contexte, le conflit capital-travail redevient central et les convergences des luttes cèdent la place à des combats au niveau local et/ou sectoriels, portant des revendications plus défensives par un personnel qui, malgré l’acquis obtenu à la suite des conflits entamés en 2019, est « à bout de souffle ».


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Natalia Hirtz et Maria Cecilia Trionfetti, " Retour sur les dynamiques sociales de la conflictualité dans le secteur de la santé" Chronique internationale de l’Ires, N° 189, Mars 2025.


Photo : La santé en lutte, 12 mai 2020, Facebook.

Notes

[1Le mouvement n’atteint pas la région flamande.

[2Pérez Orozco propose une analyse écoféministe du capitalisme et constate que ce modèle ne s’attaque pas uniquement au travail, mais à l’ensemble du monde vivant.

[3Sur les 103 hôpitaux que compte la Belgique, 30 % sont publics et gérés soit par les communes, les intercommunalités, ou les provinces, etc. et 70 % sont privés et organisés en associations sans but lucratif (ASBL). Données phares dans les soins de santé. Hôpitaux généraux, SPF Santé publique, Sécurité de la Chaîne alimentaire et Environnement Direction générale Soins de Santé, 2023, https://bit.ly/4aPDfrL.

[4Autrement dit, le FBB concerne le personnel soignant des services, publics et privés, de santé fédéraux.

[5En Belgique, le secteur non marchand désigne l’ensemble des institutions de services bénéficiant de ressources non marchandes (en particulier de financements publics) et poursuivant une finalité non lucrative. Il s’agit notamment des institutions publiques et des ASBL. Un des traits marquants du secteur est le caractère tripartite des négociations sectorielles, tributaires des marges budgétaires concédées par l’État (Bingen, Martinez, 2012). Depuis la signature des premiers accords spécifiques pour le secteur non marchand (dits « accords du non marchand ») dans les années 2000, ce processus complexe de négociation – impliquant à chaque fois les pouvoirs publics compétents selon le principe de subsidiarité, les organisations syndicales et les fédérations patronales – se réalise régulièrement de manière spécifique au niveau fédéral et régional (Région wallonne, Région flamande et Région de Bruxelles Capitale) pour définir les conditions de travail dans les secteurs et sous-secteurs structurés par des commissions paritaires. Comme il s’agit d’un accord intersectoriel, une fois l’accord conclu entre les trois parties, les interlocuteurs sociaux doivent concrétiser leurs engagements repris dans l’accord en concluant des conventions collectives de travail (CCT) sectorielles.