Raymond était technicien au Technocentre de Renault à Guyancourt (Yvelines, près de Versailles, au sud-ouest de Paris). Il avait 38 ans et ses enfants ne le verront plus jamais. Il s’est pendu à son domicile. Il a laissé derrière lui une lettre donnant les motifs de son acte désespéré : conditions de travail inhumaines. Cas isolé ? A peine. C’est le troisième travailleur de ce site ultramoderne (12.000 salariés, dont 9.500 seulement sous statut Renault) qui se donne la mort depuis octobre 2006. Selon le délégué CGT, Vincent Neveu, les trois avaient le même profil. La quarantaine, très compétents, très dévoués à l’entreprise mais, donc, totalement, démolis par un système de production infernal. Au Technocentre, les techniciens travaillent sur 26 projets de véhicule différents tout en participant – subissant – debriefings et réunions imbéciles (pour causer avec le chef d’équipe, dont le bureau est distant de trois mètres, dit le délégué CFDT Denis Dedieu, "je dois prendre rendez-vous") en sus d’un système de notation qui permet un "flicage" de tous les instants. L’article qui relate ces faits rapporte également – une brève – qu’un autre salarié, de la fonderie PSA Peugeot-Citroën à Charleville-Mézières, cette fois, a été poussé aux mêmes extrêmes et, lettre d’adieu faisant foi, pour les mêmes raisons. Système de production inhumain. Il était père de deux enfants. Avant, on appelait cela des "camps de travail". A l’époque, ils ont été libérés par les forces alliées.
Source : l’Humanité du 23 février 2007.
Sur les mêmes thèmes
Autres articles de Erik Rydberg
Que faire ! - 25/01/2017
Que faire ? L’interrogation n’est pas neuve. Elle obéit au moment historique qui est le sien. Aujourd’hui, en fil rouge, une énième proclamation de la "mort annoncée" du Système (capitaliste) avec, depuis Seattle, 1999, mettons, voire Porto Alegre, 2001, une salutaire repolitisation des esprits. Elle trouve son expression la plus radicale, et binaire, dans l’opposition entre l’élite du 1% et la masse des 99%. La contestation est cependant plus que jamais désunie et fragmentée, c’est presque sa marque (...)
Lire la suite »
Cela se présente plutôt mal - 30/05/2016
Dans son tour d’horizon des fondamentaux de l’économie occidentale, titré "Quatre raisons pour craindre que les bons temps touchent à leur fin", John Authers colore les perspectives pour le secteur des pensions d’assez sombres couleurs. Un jeune battant dans la trentaine qui commence à cotiser à un fonds de pension, dit-il, peut s’attendre à travailler sept années de plus pour obtenir la pension attendue. Un exemple parmi d’autres. Et conclut : "Le risque que beaucoup n’arriveront pas, devenus vieux, à (...)
Lire la suite »
La réduction du temps de travail : essai d’abécédaire - 18/05/2016
Retour de flamme (petit point d’actu). On ne mettra pas sur le compte du hasard que des projets de loi en France socialiste et en Belgique libérale (lois dites El Khomri et Peeters, respectivement, du nom de leur agent ministériel), se soient fait jour quasi de concert. Elles sont parfaitement en phase avec la ligne politique patronale "compétitive" de l’Union européenne, dont la préoccupation majeure, pour ne pas dire obsessionnelle, est de "réformer le marché du travail". Faire travailler plus (...)
Lire la suite »
Volkswagen, un crash en ralenti - 26/04/2016
La publication des résultats 2015 de Volkswagen n’a pas manqué de faire du bruit. Perte nette sèche de 1,6 milliards d’euros, soit quelque 64 milliards de nos anciens francs belges – et son premier déficit depuis 1993, sa plus grosse perte en 79 années d’existence. C’est comme on dit "suite et pas fin" de la saga du logiciel truqueur (installé sur 11 millions de véhicules, pour mémoire), dont les tracas judiciaires ont obligé le constructeur allemand à provisionner 16,2 milliards d’euros pour débours et (...)
Lire la suite »