Dans la bouche de la plupart du personnel politique, le terme « relancer » prend progressivement le pas sur celui de « confiner ». Du Green deal européen au plan de relance belge en passant par Get up Wallonia et le plan de transition en Wallonie, le printemps est à la redynamisation de l’économie. La Belgique n’est évidemment pas un cas particulier. Mais, il faut bien le reconnaître, ce chevauchement de plans, de programmes, de facilités d’emprunts ou de paiements laisse l’observateur lambda, et l’auteur de ces lignes, un peu dans le vague. Une logique semble néanmoins se dégager : l’impulsion. En d’autres termes, les investissements publics doivent mécaniquement susciter l’investissement Investissement Transaction consistant à acquérir des actifs fixes, des avoirs financiers ou des biens immatériels (une marque, un logo, des brevets…).
(en anglais : investment)
privé. Gageons que les premiers soient attractifs, car ce ne sont pas les 7,8 milliards d’euros de prêts obtenus par la Belgique auprès de l’Union européenne Union Européenne Ou UE : Organisation politique régionale issue du traité de Maastricht (Pays-Bas) en février 1992 et entré en vigueur en novembre 1993. Elle repose sur trois piliers : les fondements socio-économiques instituant les Communautés européennes et existant depuis 1957 ; les nouveaux dispositifs relatifs à la politique étrangère et de sécurité commune ; la coopération dans les domaines de la justice et des affaires intérieures. L’Union compte actuellement 27 membres : Allemagne, Belgique, France, Italie, Luxembourg, Pays-Bas (1957), Danemark, Irlande, Royaume-Uni (1973), Grèce (1981), Espagne, Portugal (1986), Autriche, Finlande, Suède (1995), Chypre, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Malte, Pologne, Slovaquie, Slovénie, Tchéquie (2004), Bulgarie, Roumanie (2007).
(En anglais : European Union)
et les 5,9 milliards d’euros du plan de relance fédéral qui vont pouvoir, à eux seuls, redynamiser une économie en profonde dépression. En outre, il ne s’agit pas seulement de « relancer », mais également de « redéployer » l’économie afin de rencontrer l’urgence environnementale et, bien sûr, de créer de l’emploi.

Si les contours du plan de relance européen sont connus, il est encore un peu tôt pour tirer une analyse fine des divers plans de relance nationaux ou régionaux. On peut cependant d’ores et déjà s’étonner d’une certaine forme de recyclage. Faire financer par les fonds Fonds (de placement, d’investissement, d’épargne…) : société financière qui récolte l’épargne de ménages pour l’investir ou le placer dans des produits financiers plus ou moins précis, parfois définis à l’avance. Il existe des fonds de pension, des fonds de placement, des fonds de fonds qui sont proposés à tout un chacun. En revanche, les hedge funds (fonds spéculatifs) et les private equity funds sont réservés à une riche clientèle.
(en anglais : fund)
destinés à la relance des mesures prévues avant le confinement, est-ce toujours de la relance ? Par contre, et même si la Belgique est le pays du surréalisme, ces discours sur la relance économique s’accordent mal avec le blocage des salaires (une norme de 0,4% après des mois de chômage économique, c’est au minimum un blocage !).

Et là, ceux qui louaient le retour de Keynes aux affaires et la fin des contradictions néolibérales en sont pour leurs frais. La Belgique, comme l’Union européenne Union Européenne Ou UE : Organisation politique régionale issue du traité de Maastricht (Pays-Bas) en février 1992 et entré en vigueur en novembre 1993. Elle repose sur trois piliers : les fondements socio-économiques instituant les Communautés européennes et existant depuis 1957 ; les nouveaux dispositifs relatifs à la politique étrangère et de sécurité commune ; la coopération dans les domaines de la justice et des affaires intérieures. L’Union compte actuellement 27 membres : Allemagne, Belgique, France, Italie, Luxembourg, Pays-Bas (1957), Danemark, Irlande, Royaume-Uni (1973), Grèce (1981), Espagne, Portugal (1986), Autriche, Finlande, Suède (1995), Chypre, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Malte, Pologne, Slovaquie, Slovénie, Tchéquie (2004), Bulgarie, Roumanie (2007).
(En anglais : European Union)
d’ailleurs, fait donc le pari, pour le moins audacieux, de relancer l’économie en baissant les salaires. Tout le problème de ce pari est qu’il repose d’une part sur un présupposé – les entreprises créent l’emploi – qui relève de la magie et d’autre part, que c’est toujours les mêmes qui remportent la mise.

Le récit magique tout d’abord. Une des victoires du récit néolibéral a été de déconnecter l’entreprise de son carnet de commandes. Il est rare, en effet, qu’un chef d’entreprise engage un salarié en lui enjoignant fermement de ne surtout rien faire ! À partir de là, on comprend aisément que ce n’est pas l’entreprise qui crée l’emploi, mais bien son carnet de commandes. Et pour que ce dernier se remplisse, il faut des consommateurs individuels ou collectifs. Or, malgré certains assouplissements des règles budgétaires, les fonds européens destinés à la relance s’accompagnent, eux aussi, de réformes structurelles comme le budget base 0 qui vont nécessairement corseter la dépense publique. Dans ce contexte, sans le relais du consommateur, l’impulsion publique risque bien de se résumer à un feu de paille de court terme. Certains férus du modèle allemand argueront que la Belgique, petite économie ouverte, produit surtout pour exporter vers les consommateurs étrangers. Dans ce cas, il faudra faire le deuil de la relocalisation de l’économie et des enjeux environnementaux.

Les dés pipés ensuite. La « relance par l’austérité », que les différentes autorités politiques nous préparent, a très peu de chance de se matérialiser dans un redéploiement de l’économie. Le passé récent a montré que lorsqu’elles ne savent pas quoi faire avec de l’argent, les entreprises le distribuent en dividende Dividende Revenu de la part de capital appelé action. Il est versé généralement en fonction du bénéfice réalisé par l’entreprise.
(en anglais : dividend)
ou l’utilise pour réaliser des plus-values boursières. Or, l’essentiel de ces revenus du capital Capital Ensemble d’actifs et de richesses pouvant être utilisés pour produire de nouveaux biens ou services.
(en anglais : capital, mais aussi fund ou wealth)
n’est pas destiné à la consommation, mais bien à nourrir un nouveau cycle de spéculation Spéculation Action qui consiste à évaluer les variations futures de marchandises ou de produits financiers et à miser son capital en conséquence ; la spéculation consiste à repérer avant tous les autres des situations où des prix doivent monter ou descendre et d’acheter quand les cours sont bas et de vendre quand les cours sont élevés.
(en anglais : speculation)
. Par contre, le blocage des salaires va continuer à produire des inégalités économiques et surtout, à définancer la sécurité sociale. Or, c’est là, la principale leçon de la crise du Covid19. Les mécanismes de sécurité sociale n’ont pas seulement permis d’amortir la crise, ils présentent également des perspectives d’investissement Investissement Transaction consistant à acquérir des actifs fixes, des avoirs financiers ou des biens immatériels (une marque, un logo, des brevets…).
(en anglais : investment)
et de création d’emploi. Si on veut des lits en plus aux soins intensifs, il faudra des infirmiers et des infirmières supplémentaires. Sans nier l’importance de l’initiative privée, une relance par le salaire socialisé permettrait un véritable redéploiement de l’économie, pas seulement en fonction des intérêts Intérêts Revenus d’une obligation ou d’un crédit. Ils peuvent être fixes ou variables, mais toujours déterminés à l’avance.
(en anglais : interest)
particuliers, mais aussi en tenant compte des besoins collectifs.

 


Carte blanche de Bruno Bauraind parue dans le journal L’Echo le 6 mai 2021