Les relations entre Walmart et ses fournisseurs n’ont pas toujours été au beau fixe, et risquent encore de se dégrader. Le premier distributeur au monde, dans le but de faire croître ses marges, vient en effet de demander à ses fournisseurs de réaliser de nouveaux efforts.
Walmart a envoyé un courrier au mois de juin, à 10.000 de ses fournisseurs américains, pour leur faire part de sa nouvelle politique. La missive impose désormais aux fabricants de régler une compensation pour la mise en rayon des produits ainsi que pour l’usage des supermarchés et des entrepôts de l’enseigne. Une pratique déjà en œuvre avec une partie des fournisseurs. Il sera désormais obligatoire de s’acquitter d’une taxe pour voir ses produits figurer en bonne place sur les étals du groupe américain.
Les nouvelles règles prévoient également que la fréquence à laquelle Walmart paie ses fournisseurs soit fonction de la vitesse à laquelle les stocks évoluent au sein des magasins du groupe (le délai de paiement pouvant passer de 30 à 90 jours). Autrement dit : Walmart règlera désormais plus rapidement les fournisseurs dont les produits ont une rotation rapide, c’est-à-dire ceux qui se vendent le mieux.
Cette décision intervient quelques mois après la décision de Walmart d’augmenter, à la surprise générale, les salaires de 500.000 de ses employés [1]. La nouvelle politique peut être vue comme un moyen de récupérer une partie des sommes dépensées dans ce cadre.
Au cours de l’année 2015, Walmart avait déjà demandé à ses fournisseurs de réduire le marketing et la promotion autour de leurs produits et d’utiliser les gains pour baisser leurs prix de vente, selon Leon Nicholas, analyste pour Kantar Retail, dont Bloomberg relate les propos [2].
La menace de retirer les produits des fabricants ne souhaitant pas adhérer à la nouvelle politique de Walmart est à peine voilée. Ceci risque de toucher les petits fournisseurs en premier lieu. Les grandes marques vendant certains produits phares – dont les distributeurs ont également besoin pour attirer les clients - ne verront certainement pas leurs produits retirés des rayons, mais ceux-ci pourraient par exemple se voir moins bien placés sur les étalages.
Walmart risque ainsi mettre en danger de nombreux fournisseurs qui ne voudraient pas se conformer à la nouvelle politique, y compris des entreprises de grande taille dont le géant de la distribution est souvent le premier client (pouvant représenter plus de 20% des ventes [3]), à l’instar de Kellogg, General Mills (agroalimentaire) ou Hanesbrand (habillement), comme le signale le journal économique.
Walmart dispose, de par ses volumes d’achat, d’un puissant levier pour revoir les prix de ses marchandises à la baisse. Les pratiques consistant à s’immiscer dans la comptabilité des fournisseurs ou leur demander d’aller installer leurs productions dans des pays à bas coûts ne sont pas une nouveauté pour le groupe [4].
Certaines grandes enseignes ne semblent cependant pas apprécier la nouvelle politique de Walmart. Plusieurs d’entre elles auraient déjà engagé des avocats en réaction à la lettre envoyée par le géant de l’Arkansas. Deux grandes marques (qui ne souhaitent pas révéler leur identité par peur de nuire à leurs relations avec Walmart) ont même refusé les nouvelles exigences du distributeur. Elles comptent, selon la revue spécialisée ESM [5], utiliser leur taille comme levier de négociation pour parvenir à un meilleur accord.
Le risque est désormais, par une réaction en chaîne, que les surcoûts engendrés par Walmart soient répercutés sur les sous-traitants et les salariés des fournisseurs en question, ce que prévoient déjà certains. Un petit fournisseur déclarait à ce propos à Bloomberg que le seul moyen de gagner de l’argent avec Walmart dans de telles conditions serait de licencier ou de tailler dans les salaires…