Wal-mart, le géant américain de la grande distribution qui a souvent brillé dans le passé par son mépris du droit du travail [1] et de l’égalité salariale, des conditions déplorables accordées à ses « associés » (ses employés, comme le groupe se plait à les nommer), de la pression exercée sur ses fournisseurs ou encore du fait de ses activités de lobbying (quand il ne s’agit pas de pots-de-vin [2]) vient de nous offrir un nouvel aperçu de ses pratiques.
Wal-mart est aussi réputé pour son mépris pour les associations de travailleurs et les syndicats. Et à quelques exceptions près - la Chine (à travers l’ACTFU, All-China Federation of Trade Unions, le syndicat « officiel » proche du pouvoir) et le Canada [3] - les employés du groupe ne disposent pas du droit de se syndiquer.
Il faut dire que la législation aux États-Unis est nettement à l’avantage du patronat sur la question du droit pour les travailleurs à s’associer. Élément que l’entreprise de l’Arkansas, une des premières entreprises à avoir eu recours à des cabinets de conseil pour prévenir la formation de syndicats, n’aura pas négligé.
La loi sur les faillites permet par exemple à une entreprise de se réorganiser et de remettre en cause les accords passés avec les syndicats. L’entreprise dispose également en son sein d’une « boite à outils » pour résister à l’implantation des organisations de travailleurs : si la demande de syndicalisation de la part des salariés approche du seuil des 30% (à partir duquel l’entreprise est contrainte d’organiser une élection syndicale), l’entreprise va tout simplement embaucher massivement pour faire descendre ce taux à 20%.
La loi américaine autorise par ailleurs les entreprises à organiser des séances de formation, à diffuser des vidéos ou à utiliser d’autres moyens pour endoctriner ses salariés et les empêcher de s’affilier à une organisation syndicale. Une de ces vidéos, à destination des employés du groupe américain, a récemment été divulguée sur la toile [4].
Le procédé et les arguments utilisés sont tout à fait éloquents. Des acteurs (déguisés en employés du groupe) nous expliquent pourquoi ils ne souhaitent pas se syndiquer.
Les syndicats en s’exprimant au nom des salariés leur enlèveraient une partie de leur liberté de parole, alors qu’ils préfèreraient s’exprimer librement. Une autre employée se pose la question : « quel intérêt aurait un associé à se syndiquer alors que ces organisations nuisent à notre réputation ? ». Tandis qu’un autre déclare encore : « aujourd’hui, si j’ai une idée ou un problème, je parle directement avec mon supérieur, et je préfère que cela se déroule ainsi, d’égal à égal ».
Pour Wal-Mart, les syndicats seraient des organisations qui font du business et qui voudraient gagner de l’argent sur le dos de ses salariés ! Fascinante argumentation venant d’une entreprise qui a bâti son histoire sur l’exploitation des travailleurs et de ses sous-traitants, dont les salariés gagnent environ 31% de moins que ceux des autres grandes enseignes du secteur et sont les premiers récipiendaires de l’assistance publique et des services sociaux aux Etats-Unis [5].