Carte d'identité

Secteur Agro-alimentaire
Naissance 1898
Siège central Purchase, New-York (Etats-Unis)
Chiffre d'affaires 67,2 milliards d’euros
Bénéfice net 6,4 milliards d’euros
Production Boissons et snacks
Effectifs 309.000 personnes
Site web http://www.pepsico.com
Président Ramon Laguarta
Actionnaires principaux (août 2022): Capital Group (8, 83%), The Vanguard Group (8, 8%), State Street (4, 3%), BlackRock (2, 21%)
Marques Pepsi-Cola, 7 Up, Tropicana, Lipton Ice Tea, Quaker, Lay's, Benenuts, Doritos, Frito-Lay, Mountain Dew, Gatorade, KAS, Alvalle, Fruit'vita, Looza et Sodastream
Comité d'entreprise européen oui

Ratios 2021

 
Marge opérationnelle % 14,7
Taux de profit % 44, 43
Taux de solvabilité % 224, 56
Taux de dividende % 76, 33
Fonds roulement net (€) -3, 8 milliards d’euros

Observatoire des Comptes

Bilan

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Actionnariat du groupe 2022

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 Nombre de salariés dans le groupe Pepsi en Belgique en 2014 par site (en unités)

FirmeSiteActivitéEmploi
Pepsico Belux Zaventem commercialisation 151
Pepsico Belux Furnes chips 489
Pepsico Belux Zeebrugge jus de fruit 200
GROUPE PEPSI Etats-Unis 840

Source : BNB, Centrale des bilans, 2014.

Historique

À l’origine créée par un pharmacien désireux de concurrencer Coca-Cola, Pepsi est aujourd’hui une entreprise incontournable de l’industrie agroalimentaire. Ses innombrables acquisitions et ses campagnes promotionnelles exubérantes ont jalonné son histoire régulièrement entachée de scandales sociaux et environnementaux.

Boris Fronteddu*

Un pharmacien sur la paille

Aux États-Unis, à la fin du 19e siècle, des centaines d’entrepreneurs tentent de réaliser leur propre soda pour concurrencer le Coca-Cola qui séduit de plus en plus de ménages dans l’ensemble du pays. Parmi eux, le jeune pharmacien Caleb Bradham, originaire de Caroline du Nord. Arrivé à un résultat qu’il considère concluant, il commence à commercialiser son soda sous le nom de Brad’s Drink qu’il change en 1898 pour Pepsi-Cola. À cette époque, il prépare la boisson et l’embouteille dans sa pharmacie où il la vend [1].

Dès 1902, Bradham quitte son poste de pharmacien dans le but de se concentrer uniquement sur le développement de son nouveau produit. En vue d’augmenter ses capacités de production, il s’associe avec des entreprises d’embouteillage qui s’engagent à ne travailler qu’avec la marque Pepsi. Celles-ci réceptionnent le sirop, y ajoutent de l’eau pétillante et embouteillent le soda. En parallèle, Bradham développe un réseau de transport en vue de fournir un nombre toujours croissant d’embouteilleurs. Pepsi connait alors une croissance fulgurante. L’entreprise se met à produire près de 76 000 litres de soda par an. En 1907, le groupe détient des contrats avec 40 franchises d’embouteillage contre 250 trois ans plus tard.

Cependant, la Première Guerre mondiale va brutalement freiner la production du Pepsi. Le gouvernement américain rationne le sucre et son prix atteint des sommets. Pour y faire face, Bradham commence alors à en acheter en grande quantité dans le but de le stocker, croyant que le prix du sucre continuerait à grimper. Or, c’est tout l’inverse : à la fin de la guerre, les prix s’écroulent [2]. Ce mauvais calcul se révèle fatal pour l’entreprise. Pepsi-Cola fait faillite en 1923 et ses avoirs sont liquidés.

Marketing et mondialisation

Roy Megargel, un banquier d’affaires de Wall Street, pense flairer une bonne affaire. Il rachète le brevet Pepsi-Cola et récupère la formule du soda. Il renomme l’entreprise National Pepsi-Cola Company et investit massivement dans la production et la distribution. Cependant, il n’arrive pas à faire renaître la notoriété que la marque avait acquise avant la guerre. Après trois années consécutives de pertes, Pepsi-Cola est à nouveau en faillite.

Néanmoins, Roy Megargel, habitué du « monde des affaires », sait comment bien s’entourer. Il propose à Charles Guth, le PDG de l’entreprise agroalimentaire américaine Loft, Inc., de s’associer avec lui.

Loft, Inc. était embouteilleur pour Coca-Cola. Cependant les deux entreprises sont en conflit à cause d’une mésentente sur les prix. C’est pourquoi, Loft, Inc. recherche un nouveau soda à embouteiller. Megargel lui propose donc une aubaine, reprendre Pepsi-Cola. Charles Guth accepte et en acquiert 80% du capital (il en détiendra 91% à partir de 1933). Cependant, la rupture de contrat avec Coca-Cola ne se fait pas sans douleur : en le remplaçant par Pepsi dans son portfolio, les bénéfices de Loft, Inc. diminuent d’un tiers en un an.

Pour populariser la marque, Loft, Inc. décide de baisser drastiquement son prix à la vente. L’entreprise vend 12 bouteilles de Pepsi pour le prix de 6 bouteilles de Coca-Cola. Avec la précarisation grandissante des ménages américains due à la Grande Dépression de 1929, cette initiative va permettre à Pepsi de rentrer dans les habitudes de consommation états-uniennes.

Dès 1934, Pepsi commence à s’internationaliser et installe sa première filiale à l’étranger, au Canada. Il s’implante l’année suivante à Cuba et, enfin, en Angleterre.

Le développement des réseaux de distribution de Pepsi commence à inquiéter Coca-Cola, jusque-là le leader incontesté du secteur. Bien que simple filiale de Loft, Inc., Pepsi agit comme une entreprise indépendante et dispose de son propre conseil d’administration. De plus, pour porter sa popularité grandissante, Pepsi investit massivement dans le marketing. Il lance une grande campagne promotionnelle sur les ondes radio. Il s’agit de la première publicité radiophonique qui dispose de son propre jingle. Coca riposte et se lance, avec Pepsi, dans une véritable course aux coups publicitaires les plus exubérants.

À la fin des années 30, Loft, Inc. fusionne avec sa propre filiale Pepsi-Cola pour donner naissance à Pepsi-Cola Company. Le but est de mettre en avant la marque « Pepsi » et de profiter de sa croissance pour populariser ses autres produits.

Lorsque les États-Unis entrent en guerre, le sucre est à nouveau rationné. Pour s’y préparer, Pepsi acquiert des champs de sucre à Cuba pour assurer son approvisionnement [3]. Un avantage qui lui permet de continuer à augmenter le volume de ses ventes partout aux États-Unis. Cependant, dès 1945, les États-Unis font face à une montée incontrôlable de l’inflation. Une situation qui rend impossible la politique appliquée jusque-là par Pepsi c’est-à-dire maintenir des prix de vente très bas pour concurrencer Coca-Cola. L’augmentation des prix fait drastiquement chuter ses ventes. À tel point qu’en 1948, le groupe encaisse une perte de 3,6 millions de dollars. En effet, toutes ses campagnes promotionnelles et son identité publicitaire s’étaient forgées à travers ce côté « bon marché ».

Pour relancer ses ventes, le groupe décide d’investir dans le conditionnement. Pepsi commence à commercialiser son soda en cannette pour être en première ligne lors de l’émergence de machines automatiques. Un repositionnement stratégique qui a un bilan social très lourd. Il entraîne la fermeture de centaines de franchises d’embouteillage alors que celles-ci avaient investi massivement pour moderniser leur équipement.

Parallèlement à ce premier grand plan de restructuration, Pepsi intègre un nouveau PDG, Alfred Steele, qui n’est autre que l’ancien vice-président de Coca-Cola [4]. Sa connaissance du concurrent va permettre à Pepsi de développer de nouvelles stratégies industrielles. Plus anecdotique, il va faire profiter l’entreprise de ses relations amoureuses. En effet, il est marié à Joan Crawford, une star du cinéma, qui devient la nouvelle égérie de la marque.

L’émergence d’un géant de l’agroalimentaire

Pour organiser son expansion internationale, Pepsi décentralise sa direction et laisse une plus grande autonomie à ses filiales régionales. Le but est qu’elles puissent se positionner individuellement en fonction de la demande régionale.

Pour soutenir son arrivée sur les marchés étrangers, Pepsi réalise son plus grand coup d’éclat promotionnel en surfant sur le contexte géopolitique de la guerre froide. Dans le cadre d’une stratégie marketing bien huilée, la direction générale de l’entreprise invite le président américain Richard Nixon et Nikita Khrouchtchev, le Premier ministre de l’URSS, à visiter l’exposition Pepsi à l’American National Exhibition établie à Moscou. Les journalistes se pressent aux portillons. Il en ressort une photo qui s’étalera partout dans la presse le jour suivant : Richard Nixon aux côtés de Khrouchtchev qui sirote un Pepsi. Cette mise en scène s’est révélée être un coup de communication efficace à la fois pour Richard Nixon « faisant boire » une boisson capitaliste à Khrouchtchev et à la fois pour Pepsi qui a récupéré la photo en y ajoutant le slogan « soyez sociable, buvez un Pepsi » [5]. Quelques années plus tard, Pepsi sera le seul bien de consommation américain à être produit et vendu en URSS. Cette position de force permettra à Pepsi d’empêcher l’entrée de Coca-Cola sur le marché soviétique jusqu’en 1991 [6].

À la même époque, les grandes surfaces commencent à prendre de plus en plus d’importance aux États-Unis et, dans une moindre mesure, en Europe. Leur avènement permet à Pepsi d’écouler sa production et de faire grimper ses bénéfices à 14,5 millions de dollars. Ce bouleversement amené par la grande distribution pousse le groupe à développer une nouvelle stratégie industrielle. Elle s’articule autour de cinq axes : lancer de larges campagnes promotionnelles et marketing, introduire de nouvelles marques de soda sur le marché, investir dans la recherche pour le conditionnement, continuer son internationalisation et acquérir de nouvelles marques à fort potentiel de croissance.

Dans ce cadre, le groupe lance successivement ses marques de soda Patio soft drinks, Teem, Topic surf et Pepsi Light. Le groupe acquiert également la marque de soda Mountain Dew qui connait une croissance fulgurante aux USA. Cependant, c’est en 1965 que Pepsi réalise l’un de ses plus grands coups de force : l’entreprise acquiert la multinationale américaine Frito-Lay (les chips Fritos, Lay’s, Cheetos,…). La fusion-acquisition donne naissance à Pepsico, Inc.

Via cette nouvelle filiale de taille, Pepsi lance la marque de chips Doritos avec l’ambition d’en faire l’un des snacks les plus vendus aux États-Unis. En parallèle, le groupe renforce les relais internationaux et développe ses nouvelles marques. La multinationale se diversifie et acquiert les sociétés américaines de transport American Van Lines et Lee Way Motor Freight ainsi que la marque d’équipement sportif Wilson Sporting Goods [7].

Cependant, Pepisco continue de concentrer ses investissements sur ses activités de snacks et développe les capacités de production de Frito-Lay. À la même époque, le groupe investit également dans le conditionnement et le marketing. Il en résulte la mise en vente des premières bouteilles de soda de deux litres.

À partir de 1977, Pepsico met au point une nouvelle stratégie industrielle pour écouler massivement sa production. Le groupe jette son dévolu sur la chaîne de restaurants Pizza Hut Inc. Le fast-food détient 2.000 restaurants dans le monde et génère un chiffre d’affaires de 600 millions de dollars par an. Pizza Hut est en pleine croissance et prévoit un chiffre d’affaires de 1 milliard de dollars d’ici 1990. Et Pepsi ne s’arrête pas là. Un an plus tard, l’entreprise met le grappin sur la chaîne de restaurants Taco Bell et quelques années plus tard sur les fast-foods Kentucky Friend Chicken (la quatrième plus grande chaîne de restaurants au monde en termes de chiffre d’affaires) [8]. À la même époque, Pepsi signe un contrat commercial avec le fast-food Burger King.

Ces acquisitions en séries permettent au groupe de devenir l’un des plus grands groupes agroalimentaires au monde avec une présence dans 150 pays. Cette expansion internationale est en grande partie portée par les investissements massifs en campagnes publicitaires. À titre d’exemple, en 1988, le groupe lance une vaste campagne promotionnelle qui se décline en quatre épisodes et qui met en scène Michael Jackson (pour un contrat de 5 millions de dollars) [9]. L’évènement est tellement relayé que la publicité devient l’une des plus regardée au monde.

La fièvre acheteuse

À la fin des années 80 et jusqu’au début des années 90, le groupe continue sa politique effrénée d’acquisitions ou de joint-ventures et lance 9 nouvelles marques de boissons. Les deux plus importantes acquisitions de l’époque sont Walker et Smith Crisps, deux leaders de l’industrie du snack en Angleterre qui se voient intégrés à la filiale Frito-Lay. Toujours aux prises de la fièvre acheteuse, entre 1990 et 1993, Pepsico acquiert successivement cinq chaines de restaurants américaines : Hot’n Now, California Pizza Kitchen, Chevys, East Side Mario’s et D’Angelo Sandwich Shops.

Quant à l’Est, Pepsico signe le plus grand accord commercial de l’histoire entre l’URSS et une firme privée étrangère. D’une valeur de 3 milliards de dollars, ce contrat va permettre à Pepsico de booster sa capacité de production et d’embouteillage [10]. En contrepartie, Pepsico gère l’intensification de l’export soviétique de vodka, de pétroliers et de conteneurs aux États-Unis.

En parallèle, le groupe lance donc un vaste plan d’investissement à hauteur de 1 milliard de dollars destiné à sa branche internationale. Le but est d’augmenter le volume des ventes à l’étranger de 150% en 5 ans.

Pour percer là où Coca-Cola reste largement dominant, Pepsi décide de se concentrer sur d’autres produits que ses sodas.

C’est dans ce cadre que Pepsi s’associe avec la multinationale agroalimentaire américaine General Mills pour créer la coentreprise Snack Ventures Europe (Lay’s, Doritos, Cheetos,…) Ce nouveau géant devient la plus grande entreprise de snacks en Europe.

En parallèle, Pepsi-Cola créée une autre coentreprise avec Unilever pour développer et commercialiser une nouvelle marque de boisson : les thés Lipton. Trois ans plus tard, c’est avec la multinationale Starbucks que Pepsi s’associe. Ils lancent ensemble une gamme de boissons au café destinée à la vente en grande surface.

Cependant, la même année, Pepsi encaisse de lourdes pertes en Amérique latine dues à la rupture d’un de ses contrats majeurs au Venezuela. D’ailleurs, deux ans plus tard et malgré son plan d’investissement de 1 milliard de dollars, la branche internationale de Pepsi enregistre une perte de 846 millions de dollars [11]. Pepsi décide donc de recentrer ses investissements dans les marchés émergents en particulier l’Inde, la Chine, les pays d’Europe de l’Est et la Russie où Coca-Cola n’a pas encore réussi à imposer sa domination sur le marché du soda.

Outre ses pertes financières, ce sont ses méthodes de dialogue social qui vont être remises en cause. En effet, en 1996, l’UITA (le syndicat Union internationale des travailleurs de l’alimentation) dénonce des tentatives de pressions et d’intimidations à l’égard des travailleurs européens de Pepsico. À partir du 22 septembre 1996, l’Union européenne oblige les entreprises (d’au moins 1000 travailleurs dont 150 dans, au minimum, deux États Membres) qui ne l’ont pas encore fait à créer un Comité d’entreprise européen [12]. C’est-à-dire à créer un espace de dialogue social à l’échelle européenne. La législation de l’Union impose aux entreprises des accords-cadres prédéfinis sur des sujets comme les licenciements de masse ou les fermetures d’usines. Pepsi entame donc une course contre la montre en vue de faire adopter ses propres lois sociales avant la date butoir. L’objectif est de ne pas devoir se soumettre à celles définies par les accords-cadres de l’Union européenne que Pepsi considère trop contraignants.

Pour faire voter ces accords-cadres, la direction réunit, dans un luxueux hôtel à Dublin, 25 représentants de ses travailleurs européens. Parmi eux, seuls six sont des délégués syndicaux. Les autres sont des employés pris « au hasard » sans que l’entreprise n’explique ses critères de sélection. Le syndicat UITA, de son côté, est complètement exclu des négociations et se voit refuser l’entrée. Quant aux délégués syndicaux sélectionnés par Pepsi, ils sont dépossédés de tout contact avec leurs centrales syndicales. Enfin, le vote des accords-cadres se fait à main levée devant les représentants de la direction. Dans ces conditions, ne pas accepter un accord, c’est prendre le risque de se voir exclu du comité d’entreprise. Sans surprise, tous les accords ont été acceptés… à l’unanimité [13].

« Vous leur donnez soif ensuite, nous leur donnons à boire »

Entre 1992 et 1997, les résultats des trois plus grandes chaînes de restaurants détenues par Pepsico ne progressent plus. C’est pourquoi le groupe décide de s’en séparer et vend Pizza Hut, KFC et Taco Bell. Ceux-ci sont réunis en un conglomérat, Tricon Global Restaurants, Inc. [14] et cédés pour 4,5 milliards de dollars en cash. [15]

Cette opération permet à Pepsi d’élargir sa présence dans d’autres fast-foods. Auparavant, ceux-ci étaient réticents à signer un contrat avec la concurrence. Pepsi avait donc un retard considérable comparé à Coca-Cola sur ce terrain. C’est dans ce cadre que le groupe signe, à la fin de la décennie, un contrat de 10 ans avec la chaîne de restaurants Subway.

Toujours en vue de booster ses ventes de soda, Pepsi veut surfer sur la vague de croissance que connaissent ses produits Frito-Lay. Pour ce faire, il pratique un lobbying intense auprès des grandes marques de distribution pour qu’ils placent les sodas à côté des snacks dans les rayons de supermarchés. II s’agit de la stratégie « Power of One » : « Vous leur donnez soif, ensuite on leur donne à boire », résumera la PDG de Pepsi-Cola à l’intention de celui de Frito-Lay [16].

En parallèle, Pepsico réalise, en 1998, la plus grosse acquisition de son histoire. Le groupe s’empare des jus de fruits Tropicana Products pour 3,3 milliards de dollars cash. Il s’agit du leader mondial du secteur et du plus grand concurrent de Minute Maid, détenu par…Coca-Cola.

Quant à l’alimentaire, le groupe réalise un autre tour de force. Sa filiale Frito-Lay réalise une coentreprise avec la firme agroalimentaire vénézuélienne Empreseas Polar SA. Cette opération lui permet de devenir le plus grand producteur de snacks en Amérique centrale et latine.

Le vernis craque

Au début des années 2000, Pepsico continue d’acquérir massivement de nouvelles marques. Il met la main sur des entreprises telles que The Quacker Oats Company (Gatorade, les céréales Quacker,…), IZZE Beverage Company ou encore Sandora (l’un des plus grands fabricants de jus de fruits en Ukraine).

Avec ces nouvelles acquisitions, Pepsi entend modifier un peu son image inévitablement associée à la « malbouffe ». C’est à ce titre qu’en 2007, Pepsi lance sa campagne « Performance with purpose ». Il s’agit d’une charte d’ « engagements » sanitaires, humains et écologiques [17]. Pourtant, à peine un an plus tard, Pepsi annonce un large plan de restructuration qui se solde par la suppression de 1.300 emplois et la fermeture de six usines [18]. Selon la direction du groupe, ces licenciements doivent permettre de réaliser 350 à 400 millions de dollars d’économie en un an. Le plan est destiné à réaliser de nouveaux investissements dans le marketing et la recherche [19].

À la même époque, Pepsi se voit épinglée par les autorités publiques de Beijing, en Chine. L’entreprise se retrouve parmi les pires entreprises en matière de pollution de l’eau (Coca-Cola y figure également) [20]. Une casserole bien embarrassante alors que le groupe investit 2,5 milliards de dollars en Chine et prévoit d’en devenir le plus grand producteur de pommes de terre. Selon Pepsi, un quart de ses ventes mondiales se situera en Chine dans le courant des cinq prochaines années [21]. C’est pourquoi Pepsico et Tingyi Holding (l’une des principales compagnies agroalimentaires chinoises) forment une « alliance stratégique » pour donner naissance au plus grand marché de boissons au monde d’ici la fin 2015 [22].

Pepsi confirme donc son ambition de concentrer ses activités dans les pays « émergents ». À ce titre, il acquiert Mabel, l’un des plus grands fabricants de confiseries au Brésil, et rentre dans le capital du fabricant de produits laitiers Will Bill Damm en Russie (il s’agit aujourd’hui une filiale 100% détenue par Pepsi) [23]. Une stratégie qui pousse le chiffre d’affaires du groupe au-dessus de la barre des 50 milliards de dollars.

Un an plus tard, Pepsi dépense 330 millions de dollars pour s’offrir de nouvelles égéries publicitaires [24]. Une « broutille » alors que le groupe annonce le licenciement de 8.700 travailleurs, l’équivalent de 3% de ses effectifs mondiaux. Ce nouveau plan de restructuration devrait permettre, selon la direction, d’économiser 1,5 milliard de dollars en deux ans. Couplé à des investissements dans ses marques phares, le groupe table sur un taux de croissance de 10% l’année qui suit [25]. La multinationale entend également profiter du fort potentiel de croissance des produits dits « sains » et lance les yaourts Müller Quaker Dairy (en s’associant avec l’entreprise allemande Müller) [26]. Pourtant, malgré ses coups de marketing destinés à polir son image, Pepsi fait à nouveau face à une série de scandales en termes de droits humains et écologiques.

Une enquête d’Oxfam révèle que de nombreux sous-traitants du groupe, principalement au Brésil et au Cambodge, sont coupables de violents accaparements des terres [27]. En parallèle, une grande filiale indienne du groupe, à l’ouest du Bengale, est accusée d’avoir brutalement licencié 162 travailleurs sur 170 pour avoir voulu se syndiquer. La direction de la filiale a intimidé et menacé les travailleurs s’ils persistaient à vouloir créer un syndicat [28]. La direction générale de Pepsico, quant à elle, se dédouane de toute responsabilité. De plus, le groupe annonce que la grève entamée par les travailleurs indiens était « illégale », car ceux-ci n’avaient pas déposé de préavis conformément à la loi du pays [29].

Ce scandale aura valu à Pepsi d’être la cible d’une large campagne internationale nommée « Pepsi Smash » lancée par les syndicats membres de l’IUF (Uniting Food, Farm and Hotel workers worldwide).
Un an plus tard, en 2014, Pepsico est dénoncée par Greenpeace pour le retard que le groupe a pris par rapport à ses concurrents concernant son approvisionnement en huile de palme. L’entreprise peine toujours à établir l’origine de celle-ci et à prouver qu’elle ne provient pas de cultures issues de déforestations sauvages [30].

Au même moment, la plateforme « Just Label It » lance une campagne contre Pepsi et particulièrement sa marque Quacker Oats. Le groupe se retrouve dans le collimateur de l’ONG, car il a récemment dépensé 8,8 millions de dollars en lobbying pour réduire au maximum les contraintes d’étiquetage concernant l’utilisation d’OGM [31].

*Chercheur Gresea

Fronteddu, Boris, "Pepsico", Gresea, juin 2015, texte disponible à l’adresse : http://www.mirador-multinationales.be/secteurs/agro-alimentaire/article/pepsico


[1Jusqu’au début du 20e siècle, le cola était encore considéré comme un sirop à prendre en cas de maux de ventre ou de fatigue chronique.

[2North Carolina Museum of History, Caleb Bradham and the invention of Pepsi-Cola, 2007, http://www.ncdcr.gov/Portals/7/Collateral/database/f06.caleb.bradham.and.the.invention.of.pepsicola.pdf

[3William H. Young et Nancy K. Young, World War II and the post war years in America, p. 107, Ed. ABC-CLIO, 2010.

[4Encyclopaedia Britannica, Pepsico, Inc., https://www.britannica.com/EBchecked/topic/450868/PepsiCo-Inc

[5The New-York Times du 1/07/2009, Pepsi : official soda of the Cold War, http://mediadecoder.blogs.nytimes.com/2009/07/01/pepsi-official-soda-of-the-cold-war/?_r=0

[6Graduate School of the University of Oregon, American fast food as culture and politics : the introduction of Pepsi and Mc Donald’s in the USSR, Alexander R., 2013 https://scholarsbank.uoregon.edu/xmlui/bitstream/handle/1794/13299/Alexander_oregon_0171N_10732.pdf?sequence=1

[7Elles seront toutes trois revendues quelques années plus tard.

[8The Chicago Tribune du 27/05/1977, Pepsi and Pizza Hut to talk of marriage, http://archives.chicagotribune.com/1977/05/27/page/66/article/pepsi-and-pizza-hut-to-talk-of-marriage

[9Les Inrocks du 27/09/2014, Le jour où Michael Jackson a inventé le marketing pop du futur, http://www.lesinrocks.com/2014/09/27/actualite/pepsi-jour-michael-jackson-invente-marketing-pop-du-futur-11526560/

[10The New-York Times du 9/04/1990, International report : Pepsi will be bartered for ships and vodka in deal with Soviets, http://www.nytimes.com/1990/04/09/business/international-report-pepsi-will-be-bartered-for-ships-vodka-deal-with-soviets.html

[11The Wall Street Journal du 8/08/1997, Mr. Enrico’s new generation slows turnover and spending, http://www.wsj.com/articles/SB870987861849584000

[12Sur l’histoire des comités d’entreprise européens, voir : Gresea (2009), « Comité d’entreprise européens. Lenteurs européennes ». http://www.gresea.be/spip.php?article121

[13Libération du 10/06/1996, Pepsi met un syndicat en ébullition. L’UITA dénonce la création rocambolesque du comité d’entreprise européen, http://www.liberation.fr/economie/1996/06/10/pepsi-met-un-syndicat-en-ebullitionl-uita-denonce-la-creation-rocambolesque-du-comite-d-entreprise-e_174898

[14Le conglomérat prendra ensuite le nom de YUM ! Brands, Inc.

[15The New-York Times du 15/08/1997, Pepsico to get .5 billion in spinoff of restaurant units, http://www.nytimes.com/1997/08/15/business/pepsico-to-get-4.5-billion-in-spinoff-of-restaurant-units.html

[16Piercy N., Market-led strategic change. Transforming the process of going to market, p. 287, Ed. BH, 2002.

[17Pepsico, Performance with purpose, 2007, http://www.pepsico.com/Purpose/Performance-with-Purpose/Goals

[18Gresea, Belwatch (2008), « Pepsi fermera 6 usines pour améliorer ses marges ».

[19L’Usine nouvelle de 15/10/2008, PepsiCo va supprimer 3.300 emplois,
http://www.usinenouvelle.com/article/pepsico-va-supprimer-3-300-emplois.N26410

[20China Daily du 21/08/2009, Beijing explains why Coke, Pepsi made top polluters list, http://www.chinadaily.com.cn/business/2009-08/21/content_8600011.htm

[21L’Usine Nouvelle du 25/05/2010, Pepsico investit en Chine pour rattraper Coca-Cola,
http://www.usinenouvelle.com/article/pepsico-investit-en-chine-pour-rattraper-coca-cola.N132327

[22Pepsico, Tingyi Holding and PepsiCo Finalize Strategic Alliance in China, 2012, http://www.pepsico.com/live/pressrelease/Tingyi-Holding-and-PepsiCo-Finalize-Strategic-Alliance-in-China03312012

[23Reference for business, Pepsico, Inc. history, http://www.referenceforbusiness.com/history2/40/PepsiCo-Inc.html

[24IUF, Pepsico signs m deal with Beyonce and orders plants closure for its workers, 2012, http://www.iuf.org/w/?q=node/2168

[25L’Usine Nouvelle du 9/02/2012, PepsiCo investira dans ses marques, supprime des emplois, 2012,
http://www.usinenouvelle.com/article/pepsico-investira-dans-ses-marques-supprime-des-emplois.N168444

[27Oxfam International, Oxfam files shareholder resolution urging PepsiCo to address land grabs, 2013, https://www.oxfam.org/en/pressroom/pressreleases/2013-11-22/oxfam-files-shareholder-resolution-urging-pepsico-address-land

[28IUF, India : stop Pepsico’s brutal attack on fundamental human rights !, 2013, http://cms.iuf.org/?q=node/2570

[29U.S. Department of State, International Union of Food, Agricultural, Hotel, Restaurant, Catering, Tobacco and Allied Workers’ Associations (IUF) and PepsiCo, Inc. (India), 2014,
http://www.state.gov/e/eb/oecd/usncp/links/rls/226283.htm

[30Greenpeace, Pepsico’s low palm oil standards, 2014, http://greenpeaceblogs.org/2014/05/22/pepsicos-low-standards/

[31Reuters du 29/04/2015, In U.S. GMO labeling battle, Pepsico latest target, http://www.reuters.com/article/2015/04/29/us-usa-food-gmo-idUSKBN0NK18920150429

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