Les temps changent pour le Fonds
Fonds
(de placement, d’investissement, d’épargne…) : société financière qui récolte l’épargne de ménages pour l’investir ou le placer dans des produits financiers plus ou moins précis, parfois définis à l’avance. Il existe des fonds de pension, des fonds de placement, des fonds de fonds qui sont proposés à tout un chacun. En revanche, les hedge funds (fonds spéculatifs) et les private equity funds sont réservés à une riche clientèle.
(en anglais : fund)
Monétaire International (FMI
FMI
Fonds Monétaire International : Institution intergouvernementale, créée en 1944 à la conférence de Bretton Woods et chargée initialement de surveiller l’évolution des comptes extérieurs des pays pour éviter qu’ils ne dévaluent (dans un système de taux de change fixes). Avec le changement de système (taux de change flexibles) et la crise économique, le FMI s’est petit à petit changé en prêteur en dernier ressort des États endettés et en sauveur des réserves des banques centrales. Il a commencé à intervenir essentiellement dans les pays du Tiers-monde pour leur imposer des plans d’ajustement structurel extrêmement sévères, impliquant généralement une dévaluation drastique de la monnaie, une réduction des dépenses publiques notamment dans les domaines de l’enseignement et de la santé, des baisses de salaire et d’allocations en tous genres. Le FMI compte 188 États membres. Mais chaque gouvernement a un droit de vote selon son apport de capital, comme dans une société par actions. Les décisions sont prises à une majorité de 85% et Washington dispose d’une part d’environ 17%, ce qui lui donne de facto un droit de veto. Selon un accord datant de l’après-guerre, le secrétaire général du FMI est automatiquement un Européen.
(En anglais : International Monetary Fund, IMF)
). De 1994 à 2002, le FMI passait son temps à "sauver" les pays en difficulté financière par des prêts conditionnés : libéralisation
Libéralisation
Action qui consiste à ouvrir un marché à la concurrence d’autres acteurs (étrangers ou autres) autrefois interdits d’accès à ce secteur.
, privatisations et autres programmes d’austérité. Depuis, la roue a tourné. Les flux
Flux
Notion économique qui consiste à comptabiliser tout ce qui entre et ce qui sort durant une période donnée (un an par exemple) pour une catégorie économique. Pour une personne, c’est par exemple ses revenus moins ses dépenses et éventuellement ce qu’il a vendu comme avoir et ce qu’il a acquis. Le flux s’oppose au stock.
(en anglais : flow)
de capitaux ont repris d’autres routes. Lendemains qui déchantent pour le FMI. Explications.
Remboursements en série
Les temps changent pour les grands argentiers de la finance internationale. De 1994 à 2002, le Fonds
Fonds
(de placement, d’investissement, d’épargne…) : société financière qui récolte l’épargne de ménages pour l’investir ou le placer dans des produits financiers plus ou moins précis, parfois définis à l’avance. Il existe des fonds de pension, des fonds de placement, des fonds de fonds qui sont proposés à tout un chacun. En revanche, les hedge funds (fonds spéculatifs) et les private equity funds sont réservés à une riche clientèle.
(en anglais : fund)
Monétaire International (FMI
FMI
Fonds Monétaire International : Institution intergouvernementale, créée en 1944 à la conférence de Bretton Woods et chargée initialement de surveiller l’évolution des comptes extérieurs des pays pour éviter qu’ils ne dévaluent (dans un système de taux de change fixes). Avec le changement de système (taux de change flexibles) et la crise économique, le FMI s’est petit à petit changé en prêteur en dernier ressort des États endettés et en sauveur des réserves des banques centrales. Il a commencé à intervenir essentiellement dans les pays du Tiers-monde pour leur imposer des plans d’ajustement structurel extrêmement sévères, impliquant généralement une dévaluation drastique de la monnaie, une réduction des dépenses publiques notamment dans les domaines de l’enseignement et de la santé, des baisses de salaire et d’allocations en tous genres. Le FMI compte 188 États membres. Mais chaque gouvernement a un droit de vote selon son apport de capital, comme dans une société par actions. Les décisions sont prises à une majorité de 85% et Washington dispose d’une part d’environ 17%, ce qui lui donne de facto un droit de veto. Selon un accord datant de l’après-guerre, le secrétaire général du FMI est automatiquement un Européen.
(En anglais : International Monetary Fund, IMF)
) passait son temps à “sauver” les pays en difficulté financière, intervenant sous toutes les latitudes en prêtant aux nations à court de liquidités. Il s’agissait de prêts conditionnés à l’acceptation par ces pays de mesures aussi joyeuses que libéralisation
Libéralisation
Action qui consiste à ouvrir un marché à la concurrence d’autres acteurs (étrangers ou autres) autrefois interdits d’accès à ce secteur.
, privatisations et autres programmes d’austérité
Austérité
Période de vaches maigres. On appelle politique d’austérité un ensemble de mesures qui visent à réduire le pouvoir d’achat de la population.
(en anglais : austerity)
. Seulement voilà, la roue a tourné et les très capricieux flux
Flux
Notion économique qui consiste à comptabiliser tout ce qui entre et ce qui sort durant une période donnée (un an par exemple) pour une catégorie économique. Pour une personne, c’est par exemple ses revenus moins ses dépenses et éventuellement ce qu’il a vendu comme avoir et ce qu’il a acquis. Le flux s’oppose au stock.
(en anglais : flow)
de capitaux ont repris leur route vers les marchés émergents. Et ce regain d’intérêt augure de lendemains qui déchantent pour le FMI. Explications.
L’afflux de capitaux vers certains pays du Sud amène certains pays (très) endettés à rembourser une partie du capital
Capital
Ensemble d’actifs et de richesses pouvant être utilisés pour produire de nouveaux biens ou services.
(en anglais : capital, mais aussi fund ou wealth)
de leurs dettes. C’est le cas de l’Argentine et du Brésil. En Asie du Sud-Est, certains ont décidé d’aller plus loin. Huit pays (Japon, Singapour, Indonésie, Chine, Malaisie, Philippines, Thaïlande et Corée du Sud) cumulent, à eux seuls, des réserves équivalentes à dix fois celles du FMI (Sources : Financial Times, 24 et 25/04/2006).
Ces pays, par le biais de l’initiative de Chiang-Maï lancée en 2000 et révisée en 2005, ont d’ailleurs décidé de se solidariser en mettant en commun une partie des devises accumulées. Objectif : pouvoir éviter le phénomène de contagion à l’échelle régionale en cas d’éventuelle crise financière. Bien évidemment, il s’agit là d’une perte de pouvoir dans le chef du FMI qui ne pourra évidemment plus imposer ses conditions à ces pays en cas de pépins.
L’afflux de capitaux vers le Sud rendant un peu moins pressant que par le passé tout recours au FMI, le portefeuille
Portefeuille
Ensemble de titres détenus par un investisseur, normalement comme placement.
(en anglais : portfolio).
des prêts de ce dernier ne s’élève plus qu’à 35 milliards de dollars, ce qui le ramène à son niveau d’avant 1980 (soit avant les différentes crises de la dette). Et déjà, un projet de réforme du FMI émergerait. Des spécialistes (surtout états-uniens) lui verraient bien jouer un rôle dans le règlement de la question des déséquilibres commerciaux. Cette redéfinition des buts et missions du Fonds est d’ailleurs saluée par son Directeur Général. (Source : Wall Street Journal, 21/04/2006).
En lisant (à peine) entre les lignes, on voit clairement que l’excédent commercial chinois vis-à-vis des USA est visé. Problème : le gouverneur de la Banque Populaire de Chine, Zhou Xiaochuan, a déjà fait savoir qu’il n’était pas demandeur, maintenant la position chinoise qui exclut toute réévaluation
Réévaluation
Augmentation du taux de change d’une devise par rapport aux autres devises. En général, une réévaluation se passe en système de change fixe, parce que la hausse a lieu par rapport à la devise clé.
(en anglais : reevaluation ou reassesment)
du yuan afin d’alléger une partie du déficit américain. (Source : The Economist, 22/04/2006).
Devant cette quadrature du cercle, des voix s’élèvent au Sud pour revendiquer une mutation structurelle de la vénérable institution issue des accords de Bretton Woods
Bretton Woods
Ville du New Hampshire près de la côte Est des États-Unis. En juillet 1944, s’est tenue, au Mount Washington Hotel, une conférence internationale pour bâtir un système financier solide pour l’après-guerre. La délégation américaine était menée par Harry Dexter White, la britannique par l’économiste John Maynard Keynes. Ce sommet a reconfiguré le système monétaire international jusqu’en 1971. Selon les accords, toutes les devises étaient échangeables en dollars à taux fixe. Seul le dollar était convertible en or au taux fixe de 35 dollars l’once. Et un organisme est créé pour aider les pays qui ont des problèmes avec leur balance des paiements : le Fonds monétaire international (FMI).
(en anglais : Bretton Woods system)
. Très schématiquement, sont remises en cause la question de la représentation des pays du Sud dans les organes décisionnels du Fonds ainsi que l’approche néolibérale de ses interventions. En attendant, faute de crises nécessitant que des prêts soient consentis, le FMI voit ses revenus fondre comme neige au soleil. Et là, on pointe tout de suite le côté un peu piquant de la situation : le puissant FMI devra-t-il s’imposer les cures d’amaigrissement que jadis il "recommandait", non sans insistance, à autrui ? Par delà ces aspects quelque peu anecdotiques, le FMI vit une véritable crise existentielle depuis la crise financière asiatique de la fin des années 90.
Et si on laissait la parole au Sud ? Pour ce faire, commençons donc par entendre ses griefs.
La crise asiatique et l’action du FMI
En septembre 1997, alors que des tensions se manifestaient sur les marchés des changes thaïlandais, les institutions de Bretton Woods, alors réunies à Hong Kong, estimaient que ces perturbations seraient finalement sans conséquences sur la croissance
Croissance
Augmentation du produit intérieur brut (PIB) et de la production.
(en anglais : growth)
dans la région. Cette crise s’est, au contraire, propagée, entraînant au passage une sensible réduction de la croissance mondiale. Le décalage entre la réalité économique et le discours du FMI en 1997 était patent. Décoder ce type de donnée nécessite de mettre en parallèle les recommandations du FMI et les rétroactes de cette crise financière.
En Asie, les crises bancaires et monétaires présentaient une série de traits communs mis en exergue par le rapport de la CNUCED
CNUCED
Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le Développement : Institution des Nations unies créée en 1964, en vue de mieux prendre en compte les besoins et aspirations des peuples du Tiers-monde. La CNUCED édite un rapport annuel sur les investissements directs à l’étranger et les multinationales dans le monde, en anglais le World Investment Report.
(En anglais : United Nations Conference on Trade and Development, UNCTAD)
sur le commerce et le développement tel qu’exposé par l’économiste tunisien Hakim Ben Hammouda sur le site d’ATTAC-Sénégal (www.attac.org/senegal/article/hakim.html). On notera donc avec intérêt que ces crises ont été précédées, dans la majorité des cas, "d’une importante dérégulation
Dérégulation
Action gouvernementale consistant à supprimer des législations réglementaires, permettant aux pouvoirs publics d’exercer un contrôle, une surveillance des activités d’un secteur, d’un segment, voire de toute une économie.
(en anglais : deregulation).
financière et d’une libéralisation des opérations en capital
Capital
" (Hakim Ben Hammouda, www.attac.org/senegal/article/hakim.html, p.2). Ailleurs, on peut lire que "(les) politiques de libéralisation sont devenues une part intégrante de l’idéologie et de la stratégie du FMI et de la Banque Mondiale
Banque mondiale
Institution intergouvernementale créée à la conférence de Bretton Woods (1944) pour aider à la reconstruction des pays dévastés par la deuxième guerre mondiale. Forte du capital souscrit par ses membres, la Banque mondiale a désormais pour objectif de financer des projets de développement au sein des pays moins avancés en jouant le rôle d’intermédiaire entre ceux-ci et les pays détenteurs de capitaux. Elle se compose de trois institutions : la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD), l’Association internationale pour le développement (AID) et la Société financière internationale (SFI). La Banque mondiale n’agit que lorsque le FMI est parvenu à imposer ses orientations politiques et économiques aux pays demandeurs.
(En anglais : World Bank)
et chaque pays cherchant assistance auprès de ces institutions s’est vu forcé d’accepter leurs conditions" (Hakim Ben Hammouda, op.cit., p.3).
Cette politique du "laisser-aller, laisser-faire" a suscité des afflux de capitaux vers le Sud-Est asiatique et entraîné, de ce fait, la formation de bulles spéculatives. L’attrait exercé par ces pays sur les investisseurs fut pourtant de courte durée. Les entrées massives de capitaux se sont traduites par une appréciation des monnaies locales. Par effet d’enchaînement, une détérioration de la balance des opérations courantes en a résulté. Les exportations diminuaient alors que les importations étaient en hausse tant et si bien que les capitaux flottants décidèrent un beau jour d’aller flotter ailleurs. Cette fuite des capitaux a, dans un second temps, provoqué une baisse vertigineuse du cours des monnaies locales. Faisant suite à ce mouvement de dépréciation, un mécanisme d’hyperinflation est venu gripper les rouages des économies du Sud-Est asiatique.
Contrôle des changes versus marché
Marché
Lieu parfois fictif où se rencontrent une offre (pour vendre) et une demande (pour acheter) pour un bien, un service, un actif, un titre, une monnaie, etc. ; un marché financier porte sur l’achat et la vente de titres ou d’actifs financiers.
(en anglais : market)
A l’origine de la crise asiatique, Arun Gosh, économiste autrefois membre de la commission de planification
Planification
Politique économique suivie à travers la définition de plans réguliers, se succédant les uns aux autres. Elle peut être suivie par des firmes privées (comme de grandes multinationales) ou par les pouvoirs publics. Elle peut être centralisée ou décentralisée.
(en anglais : planning)
du Gouvernement indien, (Gosh. A., "L’endettement externe en Asie, les flux de capitaux et les problèmes liés à l’intégration financière" in Alternatives Sud, "Raisons et déraisons de la dette", Centre Tricontinental, L’Harmattan, Paris, 2002, pp.127-144) pointe la responsabilité des institutions financières internationales (IFI) : "Il va de soi que l’intégration financière, dans un monde inégalitaire, n’est pas dans l’intérêt des pays en voie de développement. Dès lors, comment les problèmes liés à l’intégration financière peuvent-ils être évités ? Malgré le fait que cela demande une certaine dose de courage, il est clair, premièrement, que les pays en voie de développement en tant que groupe ne devraient pas renoncer au contrôle sur les capitaux et, deuxièmement, que s’ils parviennent à s’unir, aucune pression du trio "FMI-Banque mondiale-OMC
OMC
Organisation mondiale du Commerce : Institution créée le 1er janvier 1995 pour favoriser le libre-échange et y ériger les règles fondamentales, en se substituant au GATT. Par rapport au GATT, elle élargit les accords de liberté à des domaines non traités à ce niveau jusqu’alors comme l’agriculture, les services, la propriété intellectuelle, les investissements liés au commerce… En outre, elle établit un tribunal, l’organe des règlements des différends, permettant à un pays qui se sent lésé par les pratiques commerciales d’un autre de déposer plainte contre celui-ci, puis de prendre des sanctions de représailles si son cas est reconnu valable. Il y a actuellement 157 membres (en comptant l’Union européenne) et 26 États observateurs susceptibles d’entrer dans l’association dans les prochaines années.
(En anglais : World Trade Organization, WTO)
" ne peut rencontrer de succès" (idem, p.143).
Dans le cas de la Thaïlande et l’Indonésie, le FMI s’est porté caution pour ces pays auprès de leurs débiteurs (privés) en agissant comme prêteur en dernier ressort. Naturellement, cet apport d’argent frais s’est fait aux conditions du FMI. Afin de restaurer la confiance, les prêts ont été assortis de conditions d’octroi très strictes : diminution des déficits budgétaires, accroissement du poids de la fiscalité (directe comme indirecte) et augmentation des taux d’intérêt
Taux d’intérêt
Rapport de la rémunération d’un capital emprunté. Il consiste dans le ratio entre les intérêts et les fonds prêtés.
(en anglais : interest rate)
(Source : Third World Resurgence, n°187). On notera au passage que l’ensemble de ces mesures avaient pour but essentiel sinon unique de rassurer les investisseurs étrangers. Car augmenter les taux d’intérêt en période de récession
Récession
Crise économique, c’est-à-dire baisse du produit intérieur brut durant plusieurs mois au moins.
(en anglais : recession ou crisis)
vise avant tout à assurer une meilleure rétribution du facteur capital financier
Capital financier
Ensemble d’avoirs concernant des actifs financiers (titres, prêts...). On désigne aussi les formes juridiques capitalistes qui accumulent des avoirs financiers de capital financier par opposition à un capital industriel ou capital réel. Soit toutes les sociétés financières. Dans la théorie marxiste, on identifie le capital financier à la « fusion entre le capital industriel et bancaire », c’est-à-dire les firmes qui ont des participations ou des investissements à la fois dans le domaine bancaire (ou financier) et industriel.
(en anglais : financial capital).
au détriment du secteur productif local. Et là, question : quid du contrôle par l’État des investisseurs ? A ce sujet, motus et bouche cousue. Ou plutôt ... silence révélateur.
C’est que, comme le note François Houtart (in Alternatives Sud, Vol.VI, 1999, l’Harmattan, Paris, p.28), "l’IDE
IDE
Investissement Direct à l’Étranger : Acquisition d’une entreprise ou création d’une filiale à l’étranger. Officiellement, lorsqu’une société achète 10% au moins d’une compagnie, on appelle cela un IDE (investissement direct à l’étranger). Lorsque c’est moins de 10%, c’est considéré comme un placement à l’étranger.
(en anglais : foreign direct investment)
(Investissement
Investissement
Transaction consistant à acquérir des actifs fixes, des avoirs financiers ou des biens immatériels (une marque, un logo, des brevets…).
(en anglais : investment)
Direct Etranger) fait partie du processus de mondialisation et contribue à la consolidation des entreprises multinationales. Cette structure n’a pas changé au cours des dernières années. Le groupe du FMI et de la Banque Mondiale a contribué à renforcer cette tendance". Jusqu’à présent, rares sont les pays qui ont tenté de renforcer leur contrôle sur le capital financier. En Asie du Sud-Est, ce fut pourtant le cas de la Malaisie.
Cette dernière a, pour sa part, préféré combattre les causes sur lesquelles reposait la crise asiatique, à savoir les mouvements incontrôlés de capitaux. Comment s’y est-elle prise ? Très simple : elle a fait le contraire de ce que préconisait le FMI, notamment en établissant des restrictions de change afin d’éviter les sorties de capitaux. En opérant de la sorte, la Malaisie rejoignait le Chili qui avait appliqué cette même stratégie quelques années auparavant.
L’arme du contrôle des changes a, d’ailleurs, fait l’objet de consensus politiques tant au Nord qu’au Sud. Ainsi, au Nord, l’article 73 du traité de Maastricht, avant l’adoption de l’euro, permettait “à chaque pays d’imposer un contrôle strict des changes pendant une période de six mois lorsqu’il fait l’objet d’importantes attaques spéculatives" (Hakim Ben Hammouda, op.cit., p.4). Pour ce qui est du Sud, la CNUCED a largement reflété un point de vue similaire en précisant "qu’il n’y a aucune raison de condamner le contrôle des changes (...). La libre fluctuation des taux, conjuguée à la mobilité des capitaux, serait néfaste à la stabilité de la monnaie
Monnaie
À l’origine une marchandise qui servait d’équivalent universel à l’échange des autres marchandises. Progressivement la monnaie est devenue une représentation de cette marchandise d’origine (or, argent, métaux précieux...) et peut même ne plus y être directement liée comme aujourd’hui. La monnaie se compose des billets de banques et des pièces, appelés monnaie fiduciaire, et de comptes bancaires, intitulés monnaie scripturale. Aux États-Unis et en Europe, les billets et les pièces ne représentent plus que 10% de la monnaie en circulation. Donc 90% de la monnaie est créée par des banques privées à travers les opérations de crédit.
(en anglais : currency)
, ce dont pâtiraient à la fois le commerce, l’investissement et la croissance. L’établissement du système des changes peut éliminer le problème de gestion de la dette imputable à des déséquilibres monétaires et s’est révélé utile dans certains pays pour enrayer une hyperinflation." (Rapport de la CNUCED sur le commerce et le développement cité par Hakim Ben Hammouda, p.5).
L’initiative de Chiang-Maï : sale coup pour le FMI !
L’initiative de Chiang-Maï vient à point nommé pour étayer un point de vue alternatif à la politique du FMI. A partir de 2005, "le nouveau cadre de l’initiative de Chiang-Maï combinant à la fois un renforcement des capacités de surveillance et une augmentation de la capacité de financement pourrait ainsi contribuer à éviter la réédition des crises financières de grande envergure". (Source : "Les progrès de l’intégration monétaire et financière en Asie", Sapanha Sa, Guérin Julia, Banque de France, Revue de la stabilité financière, n°8, mai 2006, p.14). On en voudra pour preuve qu’en août 2005, des attaques contre la roupie indonésienne ont pu être enrayées grâce à un mécanisme d’aide bilatérale qui a amené la Banque centrale
Banque centrale
Organe bancaire, qui peut être public, privé ou mixte et qui organise trois missions essentiellement : il gère la politique monétaire d’un pays (parfois seul, parfois sous l’autorité du ministère des Finances) ; il administre les réserves d’or et de devises du pays ; et il est le prêteur en dernier ressort pour les banques commerciales. Pour les États-Unis, la banque centrale est la Federal Reserve (ou FED) ; pour la zone euro, c’est la Banque centrale européenne (ou BCE).
(en anglais : central bank ou reserve bank ou encore monetary authority).
du Japon à débourser 6 milliards de dollars (Source : Sapanha Sa, Guérin Julia, op.cit., p.15).
Bien sûr, les montants mis en jeu par l’initiative révisée de Chiang-Maï restent encore inférieurs à ceux qui avaient dû être engagés par la communauté internationale pour venir en aide aux trois pays les plus touchés (Corée du Sud, Indonésie et Thaïlande) par la crise des années nonante. Cependant, l’action préventive exercée par les mécanismes de solidarisation financière telle qu’instituée par l’initiative de Chiang-Maï rend le FMI un peu moins incontournable dans la sous-région.
Pour l’heure, s’il est vrai, comme le soulignent Sapanha et Guérin (op.cit., pp.19-20), que “les politiques de change de ces pays sont de facto ancrées au dollar et favorisent un modèle de croissance tiré par les exportations tout en contribuant au financement des déséquilibres mondiaux, à long terme, les montants en jeu devraient augmenter, l’organisation de la production évoluer vers un modèle horizontal et la question du change être examinée avec la plus grande attention dès lors que serait introduite une plus grande flexibilité des régimes de change. A cet égard, l’expérience européenne pourrait fournir quelques enseignements, notamment sur le rôle que peuvent jouer la mise en place d’institutions supranationales et l’identification d’un groupe de pays servant d’ancre au processus d’intégration régionale".
En clair, la croissance asiatique pourrait, à l’avenir, permettre une augmentation des fonds mis au service
Service
Fourniture d’un bien immatériel, avantage ou satisfaction d’un besoin, fourni par un prestataire (entreprise ou l’État) au public. Il s’oppose au terme de bien, qui désigne un produit matériel échangeable.
(en anglais : service)
de l’initiative de Chiang-Maï. Et à moyen terme, une réorientation du surplus produit dans la région vers des objectifs nettement plus autocentrés que le financement des déficits américains pourrait fort bien voir le jour. Et forcément, le fait que l’Asie compte de plus en plus sur ses propres forces ne manque évidemment pas d’influer sur les rapports de force avec le FMI (et les USA, son principal actionnaire
Actionnaire
Détenteur d’une action ou d’une part de capital au minimum. En fait, c’est un titre de propriété. L’actionnaire qui possède une majorité ou une quantité suffisante de parts de capital est en fait le véritable propriétaire de l’entreprise qui les émet.
(en anglais : shareholder)
). Ces contradictions ne sont évidemment pas sans impact sur les projets de réforme du FMI. Et là encore (mais qui s’en étonnera !), les avis divergent. On notera donc avec intérêt les oppositions qui, sur cette question, mettent aux prises les visées du Nord et du Sud.
Nouvelle donne pour le FMI
Dans l’édition du 20/04/2006 du "International Herald Tribune", le Directeur Général du FMI, Mr Rodrigo de Rato, estimait qu’au départ de tout projet de réforme de son institution, il convenait de peser avec gravité l’existence de déséquilibres à l’échelle de la planète. De Rato pointe quelques défis pour l’avenir. Tout d’abord, pour réduire les déficits US (déficits budgétaire et commercial), il conviendrait de promouvoir, aux États-Unis, un ajustement fiscal conséquent ainsi qu’une stimulation de l’épargne des ménages (lisez une augmentation des taux d’intérêt). En Asie, il faudrait, en revanche, stimuler la demande intérieure en laissant les monnaies du crû s’apprécier sur les marchés des changes. Ce point de vue est considéré avec méfiance par bon nombre d’analystes du Sud.
Dans la revue malaise "Third World Resurgence" (n°187), le journaliste Emad Mekay liste une série de desiderata susceptibles de rallier les pays émergents d’Asie à un projet de réforme du FMI. Pour répondre à ce qu’il considère comme "une crise d’identité du FMI", l’auteur dresse un inventaire de revendications susceptibles de redorer son blason auprès des États d’Asie du Sud. Tout d’abord, le FMI devrait, selon Mekay, modifier son optique dès lors qu’une aide est octroyée. En effet, il conviendrait qu’à l’avenir, le soutien financier accordé aux régions victimes d’attaques spéculatives ne soit plus lié à des exigences politiques qui, de facto, dépriment davantage l’activité économique. Ensuite en ce qui concerne le marché des changes, l’auteur se fait le promoteur d’une réorientation des taux de change sur les marchés mondiaux qui serait compatible avec un taux d’emploi élevé. Pour ce faire, une baisse drastique du dollar devrait être organisée et les pays en voie de développement n’auraient pas à soutenir le cours du billet vert. Il en résulterait un shift de la demande mondiale des pays en déficit (en clair, les USA) vers les pays asiatiques bénéficiant de surplus. Enfin, une ligne de crédit Ligne de crédit Possibilité pour un client d’une banque de pouvoir emprunter jusqu’à un certain montant fixé par l’accord de la ligne ; cela permet pour une entreprise de payer rapidement toutes les dépenses à court terme (factures, salaires, etc.). "contracycliques" devrait voir le jour afin de soutenir la demande dans les pays du Tiers-monde. Cette ligne serait réservée aux pays aux prises, par exemple, avec une chute drastique de leurs exportations.
Conclusion
Paradoxalement, alors que les pays du Sud remboursent à vitesse grand V une partie du capital de leurs dettes au FMI, ce dernier désespère. En effet, prêter, c’est son métier. Et donc, quand les clients remboursent, c’est son portefeuille de prêts qui trinque.
Et comme un malheur ne vient jamais seul, les pays de la zone ASEAN, via l’initiative de Chiang-Maï, ont décidé de mettre en commun une partie de leurs devises afin de se protéger en cas de coup dur. Ce qui signifie qu’en cas d’attaque spéculative sur une monnaie régionale, il est désormais loisible à toute une série de pays de la région de convenir d’arrangements internes et donc de se passer des services du FMI. Il est vrai que ce dernier n’a pas vraiment bonne presse dans cette partie du monde (comme partout ailleurs dans le Sud). En effet, alors qu’une grave crise monétaire y faisait rage, le FMI est intervenu en mettant en œuvre sa politique monétariste de rigueur. C’est ainsi qu’un pays comme la Thaïlande a dû augmenter ses taux d’intérêt et se soumettre à une cure drastique d’austérité. Ce faisant, elle a plombé sa demande intérieure et précarisé davantage encore les milieux populaires.
Dans le même temps, la Malaisie a choisi de rétablir le contrôle des changes. Un Etat qui agissait comme régulateur et imposait ses limites aux spéculateurs, c’était osé, c’était nouveau. Du moins dans la région. Car lors d’une précédente crise, c’est cette même voie que le Chili avait empruntée. Et là aussi, le fait de ne pas caresser le FMI dans le sens du poil n’avait pas donné de si mauvais résultats.
Depuis, le FMI est en proie à de sérieux doutes. Comme on ne refait pas, il y a quelques mois de cela (en avril 2006), son Directeur-Général se fendait d’un joli papier dans l’International Herald Tribune et y exprimait avec enthousiasme le beau programme de son institution pour remédier aux déséquilibres structurels de l’économie mondiale. Proposition majeure de l’institution de Bretton Woods : relever les taux d’intérêt américains (afin de stimuler l’épargne nationale ... pour les ménages qui ont quelque chose épargner) et laisser, par conséquent, filer à la hausse le cours du dollar. Pour les pays connaissant des surplus en raison de leur fiévreuse activité exportatrice, le FMI, par la bouche de son DG, laissait entrevoir un redressement de leur marché intérieur par un mouvement d’appréciation de leurs monnaies locales. Ce mouvement haussier aurait également pour effet de diminuer le déficit commercial américain. On peut se poser la question de savoir qui sortira vraiment gagnant de cette nouvelle donne.
En la matière, les pays d’Asie du Sud commencent à faire connaître leurs craintes. En effet, une augmentation des taux d’intérêt aggraverait le poids de la dette et déprimerait leur demande intérieure ainsi que la dynamique d’investissement dans le secteur productif. De même, une amélioration du cours de leurs monnaies nationales handicaperait leurs exportations. Tout ça pour régler la question du déficit américain. Le sud-est asiatique a, depuis, choisi de donner de la voix. C’est ainsi qu’il réclame une baisse du dollar. Ce qui aurait pour effet d’atténuer les déficits américains en freinant le pouvoir d’achat du dollar et en relançant les exportations US. Dans un tel contexte, la hausse de cours des monnaies asiatiques permettrait d’accroître le pouvoir d’achat des populations locales. Indubitablement, c’est un son de cloche que l’on n’apprécie guère du côté de Washington.