Lois Travail : autodafé des codes du travail en Europe
Quelques mois après la France, la Belgique tient son projet de « loi travail » ! Le 14 octobre 2016, les composantes du gouvernement Michel (MR, CD&V, OpenVLD et NVA) ont trouvé un accord sur le « travail maniable et faisable ». Malgré les mobilisations sociales, le gouvernement propose un texte de loi au parlement. Si l’annualisation automatique de la durée du travail est abandonnée, ce texte imposera, sous le couvert d’une prétendue « modernisation » du droit du travail, une flexibilité plus forte et une augmentation de la durée hebdomadaire du travail, en passant pour certains travailleurs de 38 à 42 heures !
Pour mieux comprendre cette tendance à revenir près d’un demi-siècle en arrière, nous faisons un tour d’horizon des projets de Loi qui attaquent nos codes du travail, partout en Europe. Nous verrons comment les gouvernements y ont mené successivement une politique allant « contre notre histoire », en s’attaquant à l’existence même du salariat.
En effet, c’est sur la base de l’exemple allemand du vaste plan de réforme du marché du travail lancé par le gouvernement Schröder (rouge-vert) en 2003, que les autres États-membres ont, à partir de 2010, fait de même pour gagner en flexibilité et en compétitivité. En plus de la Belgique, nous nous focalisons dans ce Gresea Echos sur trois pays : la Grèce, l’Espagne et la France, chaque cas révélant un des symptômes de cette épidémie des lois Travail.
La Grèce est le cas extrême des pays dits « de la périphérie » [1] qui se sont vus imposer, par la Troïka (BCE, Commission et/ou FMI), des plans d’austérité draconiens appelés mémorandums. Les réformes du droit du travail y sont planifiées et implémentées "mécaniquement" à partir de Bruxelles. La restructuration du système de négociation collective grec, lancée en 2010, a ainsi conduit très rapidement à une décentralisation radicale et à une érosion considérable des négociations collectives. Si Syriza et l’OIT ont demandé le rétablissement du système de négociation et du salaire minimum d’avant les réformes, la Troïka a pour le moment eu raison de cette résistance.
Les autres États-membres sous surveillance de Bruxelles [2] ont tout d’abord connu une période de rigueur budgétaire plus « souple ». Mais, depuis quelques années, c’est un choc néolibéral, sur le modèle de ceux testés dans les pays de la périphérie, qui leur est administré. L’Espagne est un cas exemplaire. L’article qui le traite s’attarde ici spécifiquement sur la vaste offensive anti-syndicale provoquée par les réformes du travail menées entre 2010 et 2013. Ici comme ailleurs, l’insécurité et la précarisation grandissantes de l’emploi suscitent une atomisation croissante de la classe ouvrière et un affaiblissement du syndicat. Celui-ci, en peine de mobilisation, se trouve alors devant le défi de représenter les intérêts d’une partie élargie de la société.
En France également, le mouvement lancé par la désormais fameuse loi El Khomri, les quatre mois de « Nuits debout » dans tout le pays, a ouvert le débat sur la réappropriation de l’espace public et de la parole politique. Les syndicats, engagés dans la confrontation avec le gouvernement, n’ont toutefois pas pu construire un rapport de force suffisant pour obtenir un retrait du projet de loi. Et c’est ainsi que le gouvernement Hollande a, lui aussi, tourné le dos à l’histoire des luttes sociales et aux valeurs de la gauche, en « adaptant le droit du travail aux besoins des entreprises », aux dépens de ceux des travailleurs.
Mais pourquoi cette volonté de brûler le code du travail ?
Pourquoi cet engouement de tous les dirigeants européens à continuer à détruire le droit du travail ? Alors même que depuis quarante ans, leurs politiques précarisent les travailleurs, ne créent pas d’emplois stables et accroissent les inégalités.
Serait-ce une folie belge, française, grecque ou espagnole ?
Ou bien, assiste-t-on en Europe à une nouvelle attaque ? Après l’offensive directe contre les rémunérations, l’augmentation du temps de travail ne serait-elle pas l’arme aujourd’hui brandie pour continuer à imposer la pression à la baisse sur ledit « coût du travail », et le triomphe du capital sur le travail ?
Sommaire
Gresea Echos N°88, 4e trimestre 2016 : Loi travail : Attention danger !
Edito : Lois Travail : autodafé des codes du travail en Europe.Anne Dufresne (Gresea)
Le projet de loi “Peeters” et la marchandisation du temps. Bruno Bauraind et Anne Dufresne (Gresea)
La loi “El Khomri” : jusqu’au bout de la déchéance ! Laurent Mauduit (Mediapart). Entretien de Sophie Béroud (Université Lyon 2)
Offensive contre le droit du travail en Espagne : le syndicalisme en (dans la) crise. Francisco Trillo (Université de Castilla-La Mancha), Adoración Guamán et Raul Lorente (Université de Valence)
Le dynamitage de la négociation collective en Grèce. Thorsten Schulten (Wirtschafts- und Sozial Institut-WSI)
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