À l’heure de sa sortie de presse, nous ne pouvions savoir si ce Gresea Échos serait toujours d’actualité. La présidence de Donald Trump, tantôt chancelante, tantôt va-t’en guerre, s’accorde mal avec le travail d’analyse de long terme. Sauf à mettre de côté les pseudo-psychanalyses de Donald pour s’intéresser aux évolutions socio-économiques que rencontre depuis plusieurs années le pays de l’oncle Sam ainsi que le système économique international. Derrière la figure de Donald, ce sont bien les atermoiements de l’élite américaine devant ces rééquilibrages géoéconomiques qui doivent poser question. C’est ce à quoi Jean-Christophe Defraigne, économiste à l’Université Saint-Louis, s’attache dans cette livraison du Gresea Échos.
Les nuages du capitalisme à l’ère de Trump
Quelle surprise quand, en novembre 2016, Donald Trump, candidat républicain atypique, a remporté les élections à la présidence américaine ! Comme l’a signalé dans un récent ouvrage incendiaire Michael Wolf [1], la victoire a même pris de court le milliardaire newyorkais et sa famille.
Un an après l’accession au trône du nouveau venu, quel bilan en tirer ? Durant la campagne, le candidat a lancé beaucoup de promesses. Les a-t-il tenues ? Et quels intérêts fondamentaux défend-il véritablement ?
Il est clair qu’il n’est en aucun cas le porte-parole des petites gens, en particulier des Américains blancs salariés et malmenés par la mondialisation, comme on l’a souvent présenté. Ses principales mesures ont tout d’abord consisté en une réforme fiscale généreuse pour les grandes entreprises et pour les plus fortunés des citoyens américains. Son gouvernement a ensuite relevé fortement les budgets de la Défense et de la Sécurité intérieure, tout en baissant ou démantelant toutes les dispositions sociales laissées par ses prédécesseurs. Enfin, il a décidé de mener une guerre commerciale sans pitié ni scrupules contre les autres États de la planète.
En quoi, les électeurs qui ne font pas partie de l’élite américaine pourraient-ils être satisfaits d’un tel programme ? Rappelons-nous que, le jour suivant son élection, des milliers d’Américains ont défilé dans les rues des grandes villes au slogan : « ce n’est pas notre président ».
Comme le présente Jean-Christophe Defraigne dans un long article que nous avons décidé de publier d’un trait pour en laisser la cohérence, Donald Trump est un autre représentant de l’establishment américain. Pas le même que celui des Clinton ou de Barack Obama, mais un défenseur de la bourgeoisie contre les travailleurs et contre les États étrangers. À la différence de ses prédécesseurs, les incohérences, les propos à l’emporte-pièce et les voltefaces de Donald Trump montrent une classe dominante indécise et divisée sur la marche à suivre. Les clans se livrent une bataille à l’intérieur même de la Maison Blanche, comme le souligne Jean-Christophe Defraigne. Le récent limogeage du secrétaire d’État [2] Rex Tillerson, ancien président du groupe ExxonMobil, en est l’illustration.
Cette guerre des clans n’est pas une bataille d’égo mais bien le reflet des contradictions d’une économie américaine en déclin. Alors que celle-ci représentait près de 30% du PIB réel mondial [3] dans les années 1960, elle ne pèse plus que 22% aujourd’hui. En outre, la montée des puissances dites émergentes, à commencer par la Chine, vient progressivement rabattre les cartes sur la scène internationale. Cette dernière assurait un peu plus d’1% de la production mondiale en 1980 ; elle atteint plus de 12% actuellement [4].
Comment la bourgeoisie américaine peut-elle dès lors conserver son hégémonie sur la planète, face à des tendances qui paraissent irréversibles ? Comment peut-elle construire un avenir où ses multinationales pourront continuer à prospérer, voire à dominer le marché mondial ? Une voie est de poursuivre le progrès technologique et de permettre aux firmes de ces secteurs de vendre partout, au gré de l’ouverture des frontières. C’est la politique prioritairement suivie par les démocrates et par une partie des républicains.
Donald Trump représente une alternative plus militaire, plus guerrière, plus agressive vis-à-vis des autres États. Celle-ci insiste davantage sur la protection des intérêts
Intérêts
Revenus d’une obligation ou d’un crédit. Ils peuvent être fixes ou variables, mais toujours déterminés à l’avance.
(en anglais : interest)
américains et, pour ce faire, est prête à utiliser les armes, ainsi qu’à recourir en permanence à la menace pour imposer son point de vue. Les deux chemins ne sont pas complètement antagoniques et les différents présidents américains ont toujours employé ces deux moyens à des degrés divers. Mais, à l’heure actuelle, il faut faire des choix parce que les ressources financières sont limitées. L’endettement public dépasse les 100% du PIB
PIB
Produit intérieur brut : richesse marchande créée durant une période déterminée (souvent un an) sur un territoire précisé (généralement un pays ; mais, en additionnant le PIB de tous les pays, on obtient le PIB mondial).
(en anglais : Gross Domestic Product ou GDP)
, dont 40% sont détenus par l’étranger, en particulier par les banques centrales de Chine et du Japon.
Le problème réside dans le fait que soutenir l’option militariste va accroître davantage ce déficit étatique, car la hausse des budgets militaires ne sera pas compensée par la baisse des dépenses sociales et environnementales. Cela risque d’augmenter, par le biais financier, la dépendance extérieure qu’elle est censée réduire. En 2009, il a fallu l’élection du candidat démocrate, Barack Obama, pour arrêter partiellement les agressions militaires hasardeuses de l’administration Bush Jr..
En ira-t-il de même cette fois-ci ? La guerre commerciale lancée par la nouvelle présidence à propos de l’acier et de l’aluminium n’augure rien de bon. Elle pourrait être le prélude de conflits beaucoup plus intenses et violents.
Sommaire Grésea Échos N°93 ; mars 2018 ; 24 pages
Edito : Les nuages du capitalisme à l’ère de Trump
Henri Houben
Les contradictions de l’administration Trump et l’avenir du commerce mondial
Jean-Christophe Defraigne
Libre-échange ou protectionnisme : les termes du débat
Ons Bouslama
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