Apparu en 1984 dans le cadre de la communauté européenne, le mot Dialogue social s’impose peu à peu dans le monde –y compris en Amérique latine– via l’Organisation internationale du travail (OIT) qui l’adopte comme concept politique. Cette notion semble avoir différentes connotations sur l’un ou l’autre continent, et même au sein du continent européen.

Il n’est pas anodin que, sur ce continent, la notion de dialogue social soit née de la volonté des autorités européennes d’impliquer les organisations syndicales dans les transformations économiques. Diffusé par la Commission européenne, réceptionné par les États membres, il suppose la diffusion de nouvelles valeurs. Dans cette étude , Anne Dufresne et Corinne Gobin analysent l’émergence et l’influence de cette nouvelle culture politique induite par le dialogue social non seulement dans le champ de la négociation collective et sur le mode d’élaboration de la norme juridique, mais aussi sur les nouvelles formes d’intervention des autorités publiques. Selon les auteures, l’ouverture croissante du dialogue à d’autres acteurs sociaux déplace peu à peu le dialogue social vers un dialogue civil. Au lieu de rendre le dialogue plus démocratique, ce sont les grands clivages sociaux de la société européenne qui s’érodent et qui font perdre aux syndicats leur statut de « parcelle d’autorité publique ».

  Introduction

La notion de « dialogue social » s’est aujourd’hui imposée en Europe et dans le monde. On oublie qu’il y a trente ans, elle demeurait marginale dans le champ des relations collectives du travail. Actuellement, l’usage de cette notion est hégémonique, il s’agit du système générique qui englobe tous les éléments des relations collectives du travail. Elle représente un changement radical de culture politique au sein des relations professionnelles telles que celles-ci s’étaient généralisées dans l’immédiate après seconde guerre mondiale, dans la plupart des pays d’Europe occidentale : on est passé de la centralité du conflit à la culture du partenariat. Il en résulte la mise en place d’un nouveau modèle de relations professionnelles où la force collective de contre-pouvoir des organisations syndicales s’étiole au fur et à mesure que s’étiole l’importance du droit social, ce dernier s’affaiblissant toujours plus depuis la crise financière de 2008.

Dans cette étude, nous revenons tout d’abord sur l’histoire de la notion du « dialogue social ». Cette première partie en offre une analyse critique partant de son émergence au sein du nouveau système politique qui prend forme au niveau de l’Union européenne (UE) dans le cadre de la mise en œuvre des projets de Marché intérieur, puis d’Union économique et monétaire (UEM).

Ensuite, nous analysons plus en détail les effets produits par la mise en place du dialogue social sur le mode d’élaboration de la norme juridique et sur l’évolution du droit social au plan communautaire. Nous détaillons alors les étapes du dialogue social européen sur les deux dernières décennies : le protocole social (1991) et les premières directives issues d’accords interprofessionnels, la déclaration de Laeken (2001) et l’autonomisation « programmée » des partenaires sociaux, et enfin la déréglementation provoquée par le programme REFIT (2013).

Enfin, nous verrons comment cette culture du « dialogue social » s’inscrit dans les nouvelles formes d’intervention des autorités publiques et de l’action publique. Nous interrogerons les notions apparues dans le même champ sémantique telles que la « gouvernance » et le « partenariat ». Nous ferons en particulier référence au lien entre dialogue social et dialogue civil, lien qui amplifie le phénomène de transformation à l’œuvre.

 L’émergence de la notion de dialogue social dans le cadre de l’union européenne

L’expression "dialogue social" apparaît pour la première fois dans le contexte institutionnel de la Communauté européenne en 1984 [1], durant le premier semestre de l’année, à l’occasion de la présidence française du Conseil de la Communauté européenne. Le ministre français des Relations extérieures, le socialiste Claude Cheysson, prononce, devant le Parlement européen, le discours de présentation du programme de la présidence française en janvier 1984 et y annonce : « Enfin, elle [la présidence française] prendra les initiatives nécessaires pour chercher, avec les partenaires sociaux, le moyen de renforcer le dialogue social au niveau européen […] ». Dès lors, les notions de « partenaires sociaux » et de « dialogue social » vont former un puissant système lexico-sémantique pour caractériser les relations socioprofessionnelles paritaires et tripartites organisées à l’échelon européen. Leur usage s’étend par la suite largement dans les États européens et dans les relations au sein des organisations internationales, dont l’Organisation internationale du travail (OIT).

L’analyse du contexte d’émergence de la notion de dialogue social est essentielle pour comprendre l’enjeu et la portée de son succès. La Confédération européenne des syndicats (CES) était alors en rupture avec les Autorités européennes depuis 1978. La CES avait en effet décidé de se retirer des conférences européennes tripartites pour l’emploi instituées au début des années 1970. Les points de vue entre les acteurs du tripartisme étaient devenus inconciliables, la CES défendant un programme néo-keynésien à dimension européenne et une réduction généralisée du temps de travail à 36 heures pour tous par décision [2] européenne tandis que le patronat européen (UNICE [3]) et la Commission européenne s’étaient orientés, à partir de 1975, vers des options monétaristes et d’aménagement du temps de travail (flexibilité, emplois à temps partiel…). Entre 1978 et 1983, la CES utilisa cette situation de rupture avec la Commission européenne pour tenter des alliances avec les États européens, mais ceux-ci, progressivement, alignaient leur programme sur les thèses néolibérales. Complètement isolée, la CES se tourna dès lors vers le gouvernement socialiste français lors de son accès à la présidence du Conseil de la CEE en espérant l’aider à insuffler une « nouvelle donne ». Étant donné l’extrême tension politique autour de la question de l’établissement de normes sociales européennes contraignantes (par le biais de directives européennes ou de conventions collectives européennes), option alors fermement rejetée par l’UNICE et une partie des États membres, dont l’Angleterre de Mme Thatcher, l’usage du terme de « dialogue social » permettait de raccommoder en douceur un processus de concertation et de relations paritaires sans que cela puisse faire penser qu’il déboucherait sur des normes contraignantes [4]. Parler, « dialoguer » n’engageait, a priori, à rien.

Alors qu’il était président du Conseil des affaires sociales [5], Pierre Bérégovoy lança un processus de rencontre avec les interlocuteurs sociaux reconnus à l’échelon interprofessionnel européen, baptisé « dialogue social » pour ne pas « effaroucher » l’UNICE. Avec l’arrivée de Jacques Delors à la présidence de la Commission, en janvier 1985 [6], ce processus fut transformé en système permanent, du fait de son rattachement à la Commission européenne et non plus à la présidence du Conseil liée à un système de rotation semestrielle entre les États membres. Ce nouveau dispositif fut inséré dans le texte de l’Acte unique de 1986 (article 118b) [7], modifiant le Traité de Rome de 1957 instituant la Communauté économique européenne (CEE). Il se limita, d’abord, à la rédaction « d’avis communs », textes non contraignants dans le domaine social. « Sous son influence [celle de Jacques Delors], l’UNICE a finalement accepté de se mettre autour d’une table pour discuter une série de problèmes tout en soulignant, dès le départ, qu’elle n’avait pas mandat de prendre le moindre engagement même purement moral. Certains mots (comme « négociations » ou « accord ») étaient tabous » [8].

Ces « avis communs » ne furent pas utilisés par la Commission alors même que la CES souhaitait qu’ils servent de référence pour adopter des normes sociales européennes contraignantes. Ceci conduisit à un enlisement du processus de dialogue social dans le courant de l’année 1987 [9]. Pour réorienter les relations contractuelles sur la voie de négociations et non de discussions éthérées, la CES manœuvra pour pousser l’UNICE à sortir de son double déni (ni lois sociales européennes, ni conventions collectives européennes). Ceci se fit sous une double pression : par le combat pour obtenir l’engagement des Autorités à adopter un socle législatif dans le domaine social et par le court-circuitage de l’UNICE comme acteur contractuel, la CES et le CEEP (le patronat public européen) concluant un premier accord-cadre européen le 6 septembre 1990. La CES s’engagea, en outre, dans un travail de réflexion en vue de modifier le Traité de Rome dans la perspective de la grande révision qui devait être entérinée en décembre 1991 au sommet européen de Maastricht afin de programmer la marche vers une Union économique et monétaire (UEM) devant conduire à l’instauration d’une monnaie unique gérée par une banque centrale européenne. Ce contexte poussa l’UNICE à accepter une négociation qui devait aboutir à une proposition commune de révision du Traité concernant l’insertion d’un processus de négociation collective.

Ainsi, le 31 octobre 1991, les trois interlocuteurs sociaux interprofessionnels (CES-CEEP-UNICE) parvinrent à un accord sur le développement du dialogue social européen dans lequel ils fixaient les règles du jeu concernant à la fois leur consultation sur les initiatives de la Commission et les modalités selon lesquelles un éventuel accord entre interlocuteurs sociaux pourrait être mis en œuvre au niveau communautaire [10]. Face au refus du gouvernement britannique d’entériner cette contribution ainsi que la Charte sociale communautaire [11] comme parties intégrantes du nouveau traité, onze des douze États membres de la Communauté s’engagèrent dans un « Accord sur la politique sociale » annexé au traité de Maastricht sous forme de protocole qui reprenait quasi intégralement la contribution des interlocuteurs sociaux. À terme, cela devait permettre à ces derniers un meilleur ancrage dans le processus décisionnel de la Communauté ; ils pourraient, entre autres, conclure des accords que le Conseil de l’Union européenne pouvait refuser ou approuver et transformer en « loi ».

 Le consensus : un nouveau mode d’élaboration de la norme juridique qui l’affaiblit toujours plus

Entrons dans le détail des procédures pour examiner comment, en pratique, l’élaboration de la norme juridique a évolué au fil du temps. Nous analysons quels obstacles ont rendu la conclusion d’accords collectifs toujours plus ardus : ces accords collectifs sont adoptés par la voie législative dans les années 1990s, mais ce n’est plus le cas après le tournant des années 2000s à cause d’une autonomisation croissante des « partenaires sociaux » vis-à-vis de la commission ; plus récemment, l’on assiste à une remise en cause du dialogue social et de la conclusion d’accords en tant que tels.

Il apparaît alors que si, initialement, la logique qui sous-tendait le dialogue social était celle de l’accompagnement des politiques publiques par lesdits « partenaires sociaux » et celle de la création d’un consensus à travers l’élaboration de la norme juridique, la tendance actuelle est à la déréglementation.

Du protocole social à la déclaration de Laeken : de la voie législative à la voie autonome

Le dialogue social européen peut en effet se définir a posteriori comme un ensemble de procédures appartenant au dispositif institutionnel de l’Union européenne [12] qui associe les « partenaires sociaux » (organisations représentatives professionnelles syndicales et patronales) en vue d’obtenir leur accord large au contenu de la décision européenne. Ces procédures représentent le système actuel de relations industrielles au sein de l’UE. Elles se composent de quatre processus distincts :

 La consultation où la Commission européenne soumet à l’avis des « partenaires sociaux » toute intention d’action communautaire dans le domaine de la politique sociale. Ceci constitue la première phase de la consultation. Suite à celle-ci, la Commission décide de poursuivre ou non son intention d’action [13]. Dans le cas positif, elle consulte les « partenaires sociaux » concernés sur le contenu de la proposition. Il s’agit de la seconde phase de la consultation.


Il est important de préciser que la procédure de consultation des « partenaires sociaux » préalablement à l’adoption d’une proposition législative ne fonctionne que pour certaines matières sociales. [14] L’action communautaire n’est pas libre dans le domaine social, mais guindée par le Traité ;

 La négociation collective qui peut s’engager, si les « partenaires sociaux » le souhaitent, à l’issue de la deuxième phase de la consultation. Les « partenaires sociaux » informent la Commission de leur intention de négocier un accord-cadre, ce qui suspend l’action de la Commission dans ce domaine. La durée de la négociation ne peut dépasser neuf mois sauf si tous les acteurs (y compris la Commission) se mettent d’accord sur une prolongation. En cas d’échec de la négociation, la Commission reprend l’initiative de l’intervention. En cas d’accord-cadre négocié, cet accord se met en œuvre par les procédures et pratiques prévues à cet effet à l’échelon national ou pour les matières sociales qui peuvent faire l’objet d’une directive sociale européenne par l’action du Conseil des ministres, par décision du Conseil sur proposition de la Commission si les parties signataires en font la demande conjointe ;

 Les actions conjointes où les « partenaires sociaux » se rencontrent régulièrement pour échanger des informations, négocier des « avis communs », des accords volontaires, des « ententes », des codes de bonne conduite, etc. Ceux-ci serviront de guide, plus ou moins contraignant suivant la nature de l’entente négociée, aux organisations nationales concernées ;

 La concertation tripartite où les « partenaires sociaux » à l’échelon interprofessionnel rencontrent régulièrement des dirigeants (commissaires européens, ministres et chefs d’État ou de gouvernements des États membres) ou des fonctionnaires de l’Union européenne pour échanger leurs vues sur les grandes orientations de l’Union. À ce titre, on peut relever principalement la concertation annuelle du sommet social tripartite pour la croissance et l’emploi à la veille du Conseil européen de printemps centré sur les questions économiques et sociales, depuis 2003 ; le dialogue macro-économique où les « partenaires sociaux » participent régulièrement à des réunions techniques et politiques, notamment avec la Banque centrale, sur les politiques économique, monétaire, budgétaire et fiscale, dans le but d’encourager la croissance et l’emploi, depuis 1999 ; des concertations plus spécifiques dans le domaine de l’emploi, de la protection sociale, de l’éducation et de la formation. Il existe par ailleurs six comités consultatifs interprofessionnels spécifiques (Fonds social européen, libre circulation des travailleurs, santé et sécurité au travail, etc.) où les « partenaires sociaux » formulent des avis pour conseiller la Commission.

Force symbolique, mais faiblesses pratiques de la procédure

La notion de dialogue social institue, au niveau communautaire, une procédure officielle permanente dont l’intérêt premier est d’associer les interlocuteurs sociaux à la prise de décision européenne, et qui plus est, à la source de celle-ci. En leur permettant d’interrompre l’initiative législative de la Commission pour négocier un accord collectif à la place, les interlocuteurs sociaux se voient reconnaître un statut de co-législateurs, tout comme est institué un parallélisme entre loi et contrat. La possibilité est ainsi offerte de changer le contrat en loi européenne, ce qui, symboliquement, attribue aux interlocuteurs sociaux un rôle politique d’Autorités publiques et permet une couverture totale de l’accord pour tous les salariés européens concernés. À ce titre, le pouvoir législatif des interlocuteurs sociaux est supérieur à celui du parlement européen, démuni de l’initiative législative.

D’un autre côté, cette même procédure pose aussi de très nombreux problèmes. Ce système reste symbolique dans un contexte où, pour que la procédure fonctionne, il faut qu’il y ait une initiative législative de la Commission, alors même que cette dernière a désormais choisi de s’abstenir autant que faire se peut dans l’élaboration de normes sociales européennes juridiquement contraignantes (voir infra). Déjà, en 1993, lorsque l’accord social de Maastricht (ASM) entre en vigueur avec, en perspective, la production d’accords interprofessionnels, le livre vert puis le livre blanc publiés par la Commission européenne [15] indiquent explicitement que la législation européenne en matière sociale devra être minimale, tant en termes de quantité de textes que sur le plan de l’ambition des normes qui seront adoptées. Les réformes successives des traités rompent, de ce fait, avec le principe d’origine de la construction européenne : l’harmonisation dans le progrès des conditions de vie et de travail qui figurait dans le traité initial de la CECA [16] (1951) et dans le Traité de Rome (1957) [17]. Ces normes minimales pouvaient néanmoins faire progresser les situations les plus défavorisées, tout en empêchant théoriquement par une clause de non-régression que les situations nationales situées au-dessus de ces minima ne se dégradent. Théoriquement, car la dynamique globale de compétitivité impulsée par l’UE prime sur l’esprit de protection des salariés. Nous sommes entrés d’ailleurs dans une nouvelle phase historique où même ce socle minimal de droit social européen semble être jugé par les Autorités de l’UE comme étant incompatible avec la poursuite de l’amélioration de la compétitivité de l’UE.

En outre, les prérogatives reconnues aux interlocuteurs sociaux dans le cadre de la procédure de dialogue social sont limitées au domaine social ! Or dans la réalité de l’UE, la « matière sociale » a été phagocytée par l’approche économique qui fait que l’essentiel des lois ayant un impact direct sur le domaine social sont adoptées dans le cadre du fonctionnement du marché intérieur et donc ne donnent pas lieu à une consultation officielle des interlocuteurs sociaux, alors que les lobbies patronaux, eux, peuvent intervenir en amont de la décision en tant que « techniciens neutres », par des contacts directs avec les services qui préparent le futur texte de loi. Par exemple, la réglementation sur la retraite ne sera plus approchée en termes de protection sociale, mais comme un élément de la libre circulation des capitaux à travers une directive réglementant les fonds de pension pour laquelle banques et assurances ont tout loisir, en tant « qu’experts », de participer à l’écriture de la proposition législative.

Enfin, cette procédure s’inscrit dans une culture globale de « dialogue social », c’est-à-dire dans un climat politique marqué par une représentation des acteurs comme « partenaires » à la recherche du consensus comme but premier, ce qui a des conséquences évidentes sur la faiblesse des textes négociés sur le plan de la protection des salariés.

Faiblesse des résultats de la négociation

Ainsi, selon Emilio Gabaglio, ex-secrétaire général de la CES, « Dans cette culture du partenariat, le processus en lui-même, c’est-à-dire négocier des accords pour négocier des accords, prévaut sur le contenu des accords. Pour s’affirmer et être reconnu comme acteur central, il faut produire des accords, à la limite, quels qu’ils soient » [18].

Il est notable que depuis 1995, seuls sept accords interprofessionnels et onze accords sectoriels contraignants aient été négociés dans ce cadre. On constate aussi une évolution dans la nature des accords signés : on passe de la voie législative à la voie conventionnelle (mise en œuvre par les interlocuteurs sociaux nationaux).

Les trois premiers accords-cadres ont chacun donné lieu à une directive communautaire. Le premier porte sur le congé parental (1995), le deuxième sur le travail à temps partiel (1997) et le troisième sur les contrats de travail à durée déterminée (1999). Depuis le début du nouveau millénaire, les échecs des négociations interprofessionnelles se succèdent : sur l’information et la consultation des travailleurs au plan national (octobre 1998) ; sur le travail temporaire (2002). Ces deux questions ont finalement fait l’objet d’une directive (en 2002 pour l’une et 2008 pour l’autre) après d’âpres négociations au sein du Conseil « Emploi, affaires sociales, et égalité ».

À cette vitesse, et étant donné la décision des Autorités européennes de réduire la loi sociale au strict minimum, tout est fait pour que l’Union européenne soit réellement une Union économique et monétaire et non une Union sociale. Par ailleurs, les thèmes de négociation retenus ne se situent pas, en général, au cœur de la construction du droit social, exception faite de l’accord qui limite le développement des contrats à durée déterminée [19]. Il est important de rappeler que le salaire et la grève avaient été dès le départ exclus des compétences communautaires. Ceci accentue encore l’asymétrie entre une Europe qui produit essentiellement du droit économique et un droit social européen construit structurellement comme marginal.

Les institutions européennes sont-elles socialement responsables ?

Un retour sur l’histoire du dialogue social interprofessionnel permet de distinguer trois étapes marquant une évolution du rôle de la Commission dans la procédure de dialogue social. Entre 1985 et 1993, elle était encore l’unique centre par lequel passait le dialogue social. Elle présidait les réunions et élaborait des projets d’avis commun discutés par les « partenaires sociaux », en situation de dépendance. À partir de 1993, « le traité de Maastricht a permis de développer un espace de discussion autonome entre les partenaires sociaux » [20], la grande nouveauté étant le lien direct entre les « partenaires » lors de la signature des premiers accords. À partir de 2001, avec la dynamique prescrite dans la déclaration de Laeken [21], le dialogue s’est encore autonomisé, distinguant deux pôles : celui des « partenaires sociaux », qui adoptent un programme de travail paritaire et celui de la Commission.

On a pu constater que l’autonomisation « programmée » des « partenaires sociaux » vis-à-vis de la Commission a encore modifié la nature du dialogue social. La Commission a appelé les interlocuteurs sociaux à renforcer leurs pratiques et à passer d’un rôle que nous pourrions qualifier de « réactif » à un rôle « proactif ». Cela signifiait en réalité qu’elle refusait de continuer d’exercer une pression législative, évacuant ainsi la possibilité de conclure des accords-cadres à transposer en directive par le Conseil. Cette analyse est confortée par le credo porté par Jacques Delors depuis 1985, credo qu’il exprima très directement en rencontrant la CES, le 31 janvier 1990 : « La législation ne peut pas se substituer à « l’impuissance des syndicats ». Vous devez assumer votre rôle et imposer par vos propres moyens une part de vos objectifs syndicaux » [22].

Dans la déclaration de Laeken, les « partenaires sociaux » interprofessionnels (UNICE, CES et CEEP) annonçaient leur intention de développer un programme trisannuel, autonome. Ils en appelèrent donc à un dialogue social plus autonome, construit sur des instruments divers (accords-cadres, positions, recommandations, échanges d’expériences, campagnes, débats ouverts, etc..). En décembre 2002, ils présentèrent le premier programme conjoint (2003-2005) qui comprenait plus de 20 actions autour de trois grandes priorités : mobilité, élargissement et emploi (ce dernier thème regroupant 2/3 des initiatives). Il s’ensuivit trois programmes de travail triennaux successifs depuis 2006 qui ont pour objectif des résultats plus concrets et soulignent l’importance de conclure des accords autonomes. Ce nouveau dialogue « bipartite » autonome marque un tournant vers la conclusion d’accords volontaires non contraignants. Les quatre derniers accords interprofessionnels signés sur le télétravail (2002), le stress (2004), le harcèlement (2007) et les marchés du travail inclusif (2010) tous quatre volontaires, confirment cette tendance.

REFIT et le blocage du dialogue social

L’autonomisation du dialogue social, lancée au tournant des années 2000 avec la déclaration de Laeken adoptée par les chefs d’État et de gouvernement visait à la « simplification des instruments de l’Union ». Mais, aujourd’hui, l’heure n’est plus seulement à la simplification, mais bien à la réduction, dans des domaines ciblés, en particulier le social [23].

La Commission a présenté un nouveau programme nommé REFIT (Programme pour une réglementation affutée et performante), approuvé par le Conseil à l’automne 2013. Il s’agit, indiquait à l’époque, le Président de la Commission, J.M. Barroso, « de simplifier ou de retirer la législation de l’UE, d’alléger la charge pesant sur les entreprises » à l’issue d’un examen de l’intégralité de la législation de l’Union. Avec REFIT, l’encadrement social de l’UE pourrait connaître un nouveau glissement où l’établissement de normes européennes minimales céderait la place à la création d’espaces de compétitivité sans contraintes.

La première étape de REFIT consiste à évaluer l’efficacité des directives déjà prises en ce domaine et notamment celles issues des procédures de dialogue social des années 1990 (voir supra). L’exécutif européen compte même remonter dans le temps puisqu’une évaluation est prévue pour fin 2015 de directives plus anciennes : santé et sécurité au travail (1989), directive « machines [24] » (1989, refondue en 2006), directive sur les obligations faites aux employeurs en matière d’information sur la relation de travail (1991), etc. L’évaluation n’est pas en soi un processus négatif, mais la Commission ne fait pas mystère de son objectif : elle en a donné une indication au cours de l’année 2013 en suspendant le processus d’adoption de la directive sur les troubles musculo-squelettiques (TMS) et la révision de celle sur les valeurs d’exposition aux matières cancérogènes (Liaisons sociales Europe, 2013). Selon Vogel, chercheur de l’Institut syndical européen, « s’il doit y avoir des développements en matière de santé et de sécurité au travail, ce serait dans le sens d’une dérégulation ».

En outre, en 2013, la Commission a également pour la première fois depuis l’origine du dialogue social, refusé de transformer en directive un accord sectoriel portant sur la santé/sécurité au travail. Il s’agit d’un accord conclu dans le cadre du dialogue social dans le secteur de la coiffure, destiné en particulier à protéger les salariés de ce secteur de l’exposition à certains produits générateurs de maladies de peau. La Commission s’appuie sur certains États membres qui ne veulent pas de réglementations dans ces matières, les Pays-Bas par exemple, qui ont demandé à la Commission de ne pas transmettre l’accord au Conseil européen. Le dialogue social sectoriel est d’ailleurs plus largement sur la sellette, car, tout en poussant à la création de nouveaux comités sectoriels (déjà au nombre de 43), la Commission réduit leurs financements en supprimant par exemple l’organisation de séances plénières, ce qui freine le rythme de leurs travaux [25].

Un nouveau cap est ainsi franchi, l’autorité publique s’engageant désormais dans le détricotage des règlementations déjà existantes et dans l’attaque d’un dialogue sectoriel déjà de basse intensité [26]. Le refus de compléter le socle social et même le retour sur les quelques éléments qui le constituaient engagent l’Union européenne dans la voie d’un pur espace de libre échange. Cette déréglementation sociale européenne apparaît en outre dans le contexte de la mise en place du « Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement ». Plus que la suppression des barrières au commerce, ce projet vise surtout la convergence réglementaire en termes de normes sociales, environnementales ou sanitaires entre les deux côtés de l’océan Atlantique. Ce partenariat transatlantique pourrait avoir des effets sur le modèle européen de relations industrielles et encore renforcer la mise en concurrence dans certains secteurs [27].

Le contenu recherché – la minorisation radicale du droit du travail, si ce n’est son extinction – prévaut désormais sur la forme. Dans une telle dynamique, la Cour de justice de l’Union européenne n’a ainsi pas hésité en 2012 à créer une jurisprudence qui anéantit une des rares lois sociales. Dans son arrêt [28], elle vide de son sens la décision 99/70/CE du Conseil, du 28 juin 1999, qui imposait une limite stricte dans le temps de l’usage de la succession de contrats à durée déterminée par l’employeur ; la Cour approuve ainsi une situation où une salariée allemande a connu 11 ans de CDD sans interruption. Ironie, cynisme… cette décision du Conseil de 1999 coulait en norme générale une des premières conventions collectives européennes du travail. Une façon claire de montrer le peu de cas que l’UE fait aujourd’hui du syndicalisme.

  « Du dialogue social vers le dialogue civil »

Parallèlement au développement du processus de dialogue social, et dans le prolongement du Livre blanc sur la politique sociale européenne (1994), la Commission européenne a stimulé un autre type de dialogue, le dialogue civil [29] avec les représentants de la « société civile ». Un forum européen de la politique sociale est organisé en 1996 dans un contexte de recherche de légitimité politique pour tempérer les oppositions au Traité de Maastricht (1991) qui avaient ébranlé la vision officielle d’un consensus fort autour du projet européen ; ce processus de consultation de la société civile se renforce dans le cadre des Conférences intergouvernementales (CIG) de révision des traités (1996-1997, 2003-2004) et au cours des travaux des Conventions (pour l’élaboration d’une charte européenne des droits fondamentaux 1999-2000 et pour l’élaboration d’un projet de constitution européenne, 2002-2003). Au « tripartisme » traditionnel de l’après 1945, se substitue donc de plus en plus un quadripartisme où des ONG et autres associations sont invitées au même titre que les interlocuteurs sociaux à la concertation avec les autorités politiques. À ce sujet, la Confédération européenne des syndicats (CES) dans sa réaction au livre vert sur la modernisation du travail a exprimé son profond désaccord avec la procédure de consultation suivie par la Commission incluant les acteurs de la « société civile » qu’elle nomme ici « grand public » : « Il ne fait aucun doute que le sujet de cette consultation est clairement au cœur du ‘domaine de la politique sociale’ comme cela est mentionné dans l’Article 138 du Traité CE, et que donc les partenaires sociaux doivent être consultés d’une manière différente, et avec un poids différent du grand public, afin de leur permettre, dès les premières phases, d’influencer l’orientation des initiatives et d’exprimer leur intérêt à mener eux-mêmes des négociations » [30].

Ce glissement du dialogue social vers le dialogue civil signifie la baisse programmée de la centralité de l’acteur syndical. Le dialogue civil, qui se donne l’apparence d’améliorer la qualité de la représentation démocratique dans la société, l’affaiblit au contraire. Par son effet, l’attention politique est décentrée vers de nombreux problèmes et intérêts catégoriels qui rendent confus les grands clivages et enjeux sociétaux ; le fondement de l’exercice du pouvoir politique sur le peuple à travers l’attribut du suffrage universel est déstabilisé : les experts de la société civile concurrencent les élus et en affaiblissent le poids et la légitimité (parlementaires et syndicaux) ; la consécration du peuple comme communauté politique d’égaux s’étiole (avec comme conséquences, un retour vers une valorisation de l’élitisme et une dévalorisation de tout ce qui est populaire comme en atteste l’utilisation large et péjorative actuelle de « populisme »). Avec cette concurrence créée par le dialogue civil, les syndicats perdent progressivement leur statut puissant de « parcelle de l’Autorité publique » qui leur permettait de participer à la production de la norme légale, de gérer les institutions redistributives, d’être au cœur de la relation du pouvoir démocratique (le tripartisme) pour être relégué à la position de simples « experts » du social parmi d’autres. La symbolique démocratique s’effondre pour laisser place à une symbolique technocratique.

Aussi, pour mieux comprendre l’inscription du dialogue civil dans de nouvelles formes de consultation des pouvoirs publics, il est intéressant de mettre en évidence que les notions de dialogue civil et de gouvernance forment un système lexico-sémantique qui traduit à la fois un nouveau mode d’élaboration de la norme, faisant appel à d’autres institutions ou personnes que l’État ou les pouvoirs publics et une nouvelle manière de penser l’action publique.

La gouvernance

Alors que la démocratie parlementaire organise, dans une logique pyramidale, le pouvoir sur le principe de représentation dont la légitimité est conférée par l’élection, la gouvernance associe, dans l’élaboration de la norme, la « société civile » ou encore les « organisations de base » dans la recherche d’une assise élargie. Suivant la définition donnée par la Commission dans son livre blanc sur la Gouvernance européenne, « La société civile regroupe notamment les organisations syndicales et patronales (les « partenaires sociaux »), les organisations non gouvernementales, les associations professionnelles, les organisations caritatives, les organisations de base, les organisations qui impliquent les citoyens dans la vie locale et municipale, avec une contribution spécifique des églises et communautés religieuses. » [31]. Par « organisation de base », le Comité économique et social européen (CESE) entend « […] les organisations issues du centre et de la base de la société et poursuivant des objectifs axés sur leurs membres, par exemple les mouvements de jeunesse, les associations familiales et toutes les organisations de participation des citoyens à la vie locale et municipale » [32]. Le but est alors « […] d’ouvrir le processus d’élaboration des politiques afin qu’il se caractérise par une participation et une responsabilisation accrues » [33] permettant, par la souplesse générée, de prendre en compte les particularismes locaux. Ce faisant, un glissement se produit d’une logique de représentation vers une logique de lobbying. La notion de gouvernance consacre aussi la pénétration de la sphère démocratique (et du droit) par la logique économique. Dans son troisième rapport sur la cohésion économique et sociale de 2004, la Commission se réfère à « […] l’importance que revêt pour la compétitivité régionale une bonne gouvernance – c’est-à-dire des institutions efficaces, des relations productives entre les divers acteurs impliqués dans le processus de développement et des attitudes positives envers le monde des affaires et les entreprises » [34]. Le mode d’élaboration de la norme suivant le principe de l’association d’une base élargie et diversifiée utilise des supports tels que livres verts, blancs, communications et consultations ad hoc de divers interlocuteurs. On ne peut alors qu’être conduit à s’interroger sur la représentativité de ces intervenants et la légitimité des normes ainsi adoptées. À l’aune du processus de promulgation de la norme, la gouvernance se traduit soit par une « corégulation » [35], soit par de l’« autorégulation ». La corégulation est définie comme « le mécanisme par lequel un acte législatif communautaire confère la réalisation des objectifs définis par l’autorité législative aux parties concernées reconnues dans le domaine (notamment les opérateurs économiques, les partenaires sociaux, les organisations non gouvernementales ou les associations) » [36]. Il existe cependant une limite à la corégulation : elle ne peut intervenir dès lors que des « droits fondamentaux ou des choix politiques importants » sont en jeu, ni lorsque les règles doivent être appliquées uniformément dans tous les États membres. Elle doit, à l’inverse, être utilisée lorsqu’elle « sert l’intérêt général » [37]. La question de la représentativité des interlocuteurs se pose aussi : « il faut que les organisations participantes soient représentatives, responsables et capables de suivre des procédures ouvertes pour la formulation et l’application des règles convenues » [38]. Quant à l’autorégulation, elle suppose « […] la possibilité pour les opérateurs économiques, les partenaires sociaux, les organisations non gouvernementales ou les associations, d’adopter entre eux et pour eux-mêmes des lignes directrices communes au niveau européen (notamment des codes de conduite ou accords sectoriels) » [39]. Il en résulte ce que la Commission identifie comme « une variété d’instruments politiques comprenant une combinaison de législation, de dialogue social, de responsabilité sociale des entreprises, la méthode de coordination ouverte, les fonds structurels, des programmes d’action, des mesures d’intégration, l’analyse politique et la recherche ».

Mêlant normes juridiques et normes gestionnaires voire normes morales (cf les codes de bonne conduite), la gouvernance tend à substituer au principe hiérarchique une logique combinatoire au sein de laquelle le droit est réduit à une fonction purement instrumentale. La multiplication d’intervenants aux statuts variés contribue à une certaine opacité. De même que la notion de « régulation » ou de « pilotage », la gouvernance appartient à ce vocabulaire de « l’entre-deux », dénué de fondement conceptuel solide et dont le contenu n’est pas ou peu discuté, mais qui se trouve largement relayé par les discours politiques et médiatiques ou même les travaux de chercheurs, ce qui n’est pas sans générer une certaine ambiguïté [40]. Par-delà le flou conceptuel qui y est attaché, la notion de gouvernance rend compte d’une entreprise de transformation de l’organisation sociale dans laquelle le pouvoir est plus diffus, les responsabilités diluées dans de multiples lieux de consultation-participation où se construit un consensus qui devient norme. Il est, de ce point de vue, un des « nouveaux mots du pouvoir » [41]. Il est aussi indissociable d’une forme d’organisation de la société se référant non plus à un modèle pyramidal et politique, mais suivant un modèle de réseaux motivés par des logiques commerciales ou morales qui permet de confondre ce qui relève des intérêts publics et ce qui relève d’intérêts privés.

L’on ne sait plus très bien dès lors qui est à l’origine de la norme (qui décide ?) et dès lors qui serait responsable des effets négatifs de cette norme…

La notion de « gouvernance », en tant que nouveau mode de gouvernement, « retravaille » dès lors toutes les frontières antérieures qui avaient permis l’émergence du paradigme démocratique fondé sur la souveraineté populaire et donc sur le suffrage universel. Sont ainsi estompées les frontières entre « public et privé », « autorités publiques et pouvoirs économiques », « intérêt général et intérêts particuliers », « État laïc et pouvoirs religieux » [42], « pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire », « national, régional, local, international », etc. La gouvernance joue de la métaphore du réseau pour abolir ces anciennes séparations qui étaient organisées autour de procédures de contrôle démocratique pour éviter les interférences diverses, pouvant rapidement mener à la corruption.

Enfin, le dialogue, qu’il soit social ou civil, théâtralise la démocratie, ce qui permet une plus forte concentration du pouvoir en peu de mains : la participation à la prise de la décision se résume en « auditions » où les dirigeants entendent les nombreuses doléances et sont chargés d’en faire des « synthèses » ; eux seuls contrôlant l’entièreté du processus et surtout la définition du cadre général d’analyse.

La référence au « partenariat »

Loin de n’être que sémantique, le glissement de la négociation collective au dialogue social traduit bien une volonté d’adopter de nouveaux modèles de relations sociales qui mobilisent d’autres cadres juridiques. La négociation collective s’est historiquement forgée suivant un modèle construit sur une prédominance syndicale et obéissant à une logique pyramidale (l’interprofessionnel, la branche, l’entreprise) où la norme adoptée au sommet de la pyramide s’imposait aux autres niveaux (on pouvait faire mieux, mais pas moins). La logique juridique qui guide le dialogue social est autre. Le dialogue social (qui peut d’ailleurs aujourd’hui être lexicalement utilisé pour désigner la négociation collective) fait appel à d’autres « intervenants » (salarié mandaté, institutions représentatives du personnel). Même s’il existe certains garde-fous à la signature d’accords collectifs de travail par d’autres interlocuteurs que les organisations syndicales représentatives dans de nombreux pays, le dialogue social ouvre la voie à la fin du monopole syndical. C’est l’idée que l’on trouve développée dans le rapport du BIT : « Ces dernières années, la portée du dialogue social s’est élargie. Il inclut souvent, outre les organisations de travailleurs et d’employeurs établies, de nombreux autres acteurs qui s’occupent de questions qui ont trait à la formation et à l’emploi, y compris aux niveaux régional et local » [43]. Ce dialogue social « élargi » rend compte aujourd’hui d’une organisation plus diffuse du pouvoir. « Alors qu’en 1988 le partenariat était essentiellement conçu comme une relation verticale entre la Commission et les autorités nationales, régionales ou locales, la dimension horizontale du partenariat, qui intègre un éventail plus large d’acteurs au niveau local, régional et national, s’est renforcée avec le temps » [44]. Ce dialogue social « élargi », en quête d’une légitimité renforcée, est susceptible de produire des effets de droit, ainsi que l’explique le Professeur Rodière : « Le dialogue social relève […] d’une méthode normative qui sans doute se caractérise par la nature particulière de ses acteurs, par l’intégration de la notion de négociation dans le processus d’élaboration des normes, mais dont le produit peut être une norme juridique dure, contraignante et liant impérativement les États membres » [45]. Il constitue, pour reprendre les termes de la Commission européenne [46], « […] un exemple original de consultation améliorée et d’application du principe de subsidiarité dans la pratique ». Les partenaires sociaux sont alors perçus comme des relais « […] contribuant de manière significative à l’amélioration de la gouvernance, du fait de la proximité des partenaires sociaux des réalités vécues sur le lieu de travail » et permettant, de ce fait, à la norme communautaire d’acquérir une effectivité.

Ainsi, cette notion de partenariat ne débouche pas seulement sur une multiplication des acteurs consultés, comme l’indique le concept de « dialogue civil », et la marginalisation des acteurs syndicaux qui découle de cette concurrence, mais légitimise de multiples intérêts particuliers afin qu’ils accèdent au rang d’intérêts publics…Les divers accords commerciaux de libre-échange sont représentatifs de la nouvelle hiérarchie qui s’opère : l’entreprise est construite comme l’institution majeure de la société et l’investisseur (dans le sens anglophone de celui qui place son capital [47]) comme l’acteur central représentant l’intérêt général qui peut attaquer un État si une loi sociale ou environnementale contrarie l’intérêt financier qu’il pourrait retirer de ce placement…Dans cette nouvelle logique, l’État, et sa norme sociale ou environnementale, sont déclassés et rangés dans la catégorie « d’intérêts corporatistes et particuliers ».

Cette notion oblige enfin l’acteur syndical à être un acteur consensuel et mine l’ensemble des cultures qui historiquement l’avait constitué comme acteur de la contestation sociale et de la revendication sociale, c’est-à-dire comme contre-pouvoir démocratique légitime. Dans ces conditions, il n’est guère étonnant que les taux de syndicalisation s’érodent fortement en Europe occidentale, berceau du mouvement syndical.

 Conclusions : rôle des acteurs et changement de modèle

Ainsi, si les premiers textes comportant la notion de « dialogue social » – l’Acte unique (article 118b) puis le Traité de Maastricht [48] – donnaient déjà pour mission à la Commission de le « développer », ils n’offraient cependant aucune indication précise de ce qu’il recouvrait. Selon un représentant d’organisation patronale européenne : « Le succès du mot « dialogue social » est imputable à son absence de signification ou à son ambiguïté. Il s’agit de désigner par une expression neutre le processus susceptible de conduire à la négociation entre organisations d’employeurs et de salariés. En effet, l’expression « négociation collective » peut en effrayer certains, et le processus qui y conduit est présenté sous son aspect ‘pacifique’ » [49].

Pour la Commission européenne pourtant sa visée est claire : « Un dialogue social ambitieux et actif doit ainsi jouer un rôle central […] comme méthode d’adaptation souple, efficace et non conflictuelle et comme moyen de surmonter les obstacles à la modernisation. » [50]

Du côté des eurosyndicats (la CES ou les FSE [51]), l’intérêt stratégique de participer au dialogue est essentiellement de leur permettre d’entrer dans le processus politique de l’UE et d’y acquérir une légitimité. Cependant, cette légitimité ne découle pas du fait que l’eurosyndicalisme représenterait une force sociale incontournable pour le pouvoir européen : si celui-ci cherche à associer le syndicalisme à son système politique c’est en espérant que celui-ci maintienne un bon climat pro-européen parmi les salariés malgré les mesures antisociales adoptées et pour se donner à moindres frais une façade démocratique. En outre, la culture de partenariat social l’invite à abandonner toute revendication « dangereuse ». Le dialogue social est ainsi organisé de façon à être une méthode pour aboutir, entre « partenaires sociaux » à une vision consensuelle du monde afin de « dépasser » une vision antagoniste entre le travail et le capital. Cette méthode aboutit bel et bien à un changement de modèle en matière de relations professionnelles où le dialogue social tend à transformer ce qui reste de négociations collectives. Bien que pouvant être articulés, voire complémentaires, ils véhiculent des logiques différentes.

Dans la plupart des pays de l’Europe de l’Ouest, la négociation collective s’est historiquement forgée autour de la branche d’activité. Les différents niveaux de négociations sont hiérarchisés et articulés.

Le dialogue social obéit, lui, à une logique d’élaboration des normes qui n’est pas pyramidale. Il suit une logique de réseau, agrégeant d’autres interlocuteurs, d’autres thèmes, d’autres niveaux de concertation ou de négociation. Il rend aussi compte de l’évolution de la place et du rôle de l’État face, notamment, à la globalisation. Se substitue au modèle de la réglementation [52], définie au niveau national par l’État, le modèle de la régulation qui se traduit, notamment, par l’émergence de nouveaux niveaux d’élaboration de la norme que sont le territoire et le niveau transnational. Cette démultiplication des lieux, des niveaux et des thèmes de négociation, englobée dans la catégorie « dialogue social », pose en filigrane la question du caractère contraignant des normes ainsi élaborées, mais aussi celle de leurs contenus, ces normes “négociées” devant s’aligner de plus en plus sur la reconnaissance des quatre libertés commerciales prônées par l’UE comme ses valeurs centrales (liberté de circulation des marchandises, du capital, des services et des travailleurs). Dans cette dynamique, le social est soit inféodé à la recherche de la compétitivité maximale des entreprises soit réduit à gérer la masse grandissante de travailleurs et citoyens pauvres et se substitue à la charité.

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Pour citer cet article :

Anne Dufresne, Corinne Gobin, "Le dialogue social européen ou la déconstruction du droit social et la transformation des relations professionnelles" octobre 2018, texte disponible à l’adresse :
[http://www.gresea.be/Le-dialogue-social-europeen-ou-la-deconstruction-du-droit-social-et-la]

Notes

[1Quant à lui, le terme de « dialogue » replacé dans le contexte des relations collectives européennes apparaît en 1970 avec la mise en place du Comité permanent pour l’emploi, cet organe ayant comme mission d’assurer « le dialogue, la concertation et la consultation » entre le Conseil, la Commission et les interlocuteurs sociaux. Il est intéressant de remarquer déjà l’usage de ce terme de « dialogue » afin d’atténuer la revendication syndicale de l’époque qui voulait en faire un comité de concertation tripartite pur ; ce qui était refusé par l’UNICE. Cf. Gobin (1996). Par contre, remarquons que dès la fin des années 1960, la Commission emploie et diffuse le terme de « partenaires sociaux » dans ses textes ; ce qui était rejeté par l’eurosyndicalisme de l’époque. Il faudra attendre 1991 et l’arrivée d’un démocrate-chrétien à la tête de la CES, Emilio Gabaglio, pour que la notion de « partenaires sociaux » devienne chez ces leaders syndicaux d’usage courant et banal. Cf. Gobin (2005).

[2Une décision au niveau européen est une règle obligatoire.

[3Renommée depuis Business Europe.

[4L’enjeu d’établir des normes juridiquement contraignantes à l’échelon de l’Europe communautaire est fondamental étant donné que le droit européen prime sur tout droit national ainsi que sur le texte des Constitutions nationales des États membres.

[5Le Conseil des affaires sociales réunit l’ensemble des ministres des Affaires sociales des États membres de l’Union européenne.

[6Les premières réunions, dès 1984, eurent lieu au prieuré de Val-Duchesse à Bruxelles, ce qui explique que dans certains textes historiques l’on peut trouver l’expression du « dialogue social de Val-Duchesse  ». Il semble évident que tant le choix de Jacques Delors comme futur président de la Commission que la décision d’instituer un « dialogue social » est un des résultats de la négociation orchestrée par le président de la République française, le socialiste François Mitterand lors du conseil européen de Fontainebleau des 25 et 26 juin 1984.

[7Article 118b : « La Commission s’efforce de développer le dialogue entre partenaires sociaux au niveau européen, pouvant déboucher, si ces derniers l’estiment souhaitable, sur des relations conventionnelles ». L’on voit tout de suite l’extrême prudence lexicale adoptée dans cet article, faisant reposer la décision de négocier des conventions sur les seuls dits partenaires sociaux.

[8CONFEDERATION EUROPEENNE DES SYNDICATS (1987), Archive de la CES, Document interne du secrétariat : « Le dialogue social : son origine, son déroulement, ses résultats, son futur », 19 mai 1987.

[9Pour un développement de ce moment historique, voir (Gobin, 2007a).

[10L’article 138 du Traité de Maastricht (ex-article 3 du protocole) donne aux « partenaires sociaux » le droit d’être consultés, en deux étapes, sur l’opportunité et l’orientation d’une proposition puis sur son contenu.

[11La « Charte des droits sociaux fondamentaux des travailleurs » a été adoptée en 1989 par 11 États membres sur les 12 de l’époque (la Grande-Bretagne l’avait refusée). Elle reprend les principes généraux fondamentaux communs aux États dans le domaine social. Il s’agit d’un texte politique sans valeur juridique, mais qui devait inspirer la Commission pour un programme d’action sociale législative, ce qui fut le cas entre 1992 et 1994. Le nouveau gouvernement Blair ratifiera finalement cette charte et l’accord social entre interlocuteurs sociaux à l’occasion du sommet européen d’Amsterdam des 16 et 17 juin 1997.

[12Les articles concernés sont les articles 3 et 4 de l’Accord sur la politique sociale annexés au Traité de Maastricht devenus respectivement les articles 138 et 139 dans le traité d’Amsterdam, puis les articles 154 et 155 dans le dernier Traité de Lisbonne.

[13Rappelons pour le lecteur non européen que la Commission dispose du monopole de l’initiative législative. C’est elle qui lance le processus de production de la norme légale à travers une proposition de norme.

[14Voir l’article 153 du Traité de Lisbonne.

[15Commission européenne, « Politique sociale européenne – Options pour l’Union », Livre vert COM (93) 551 du 17 novembre 1993 ; Commission européenne, « Politique sociale européenne – Une voie à suivre pour l’Union », Livre blanc COM (94) 333 du 27 juillet 1994.

[16Communauté européenne du charbon et de l’acier.

[17Ces termes de la CECA repris dans le traité de Rome disparaissent des références européennes dans le Traité d’Amsterdam (1997).

[18Gabaglio, 2003.

[19Accord-cadre sur le travail à durée déterminée mis en œuvre par la directive 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999.

[20Morin, J. (2004), Chef de l’Unité « Dialogue social » à la Commission européenne (DG Emploi, Affaires sociales et Égalité des chances), entretien du 24 février 2004, Bruxelles.

[21La déclaration conclusive du sommet européen de Laeken du 15 décembre 2001.

[22Archive de la CES, 1990.

[23Cette partie sur la déréglementation est en partie reprise d’un article plus développé, voir (Dufresne, Pernot, 2013).

[24Cette directive détermine les exigences en matière de santé et sécurité des machines productives mises en circulation sur le marché européen.

[25La conclusion d’accords est également soumise à plus de pressions de la part de la Commission et des États membres que par le passé.

[26Pour une analyse de l’histoire du dialogue social sectoriel, voir (Dufresne, 2006).

[27, voir (Cherenti, Poncelet, 2011).

[28Arrêt du 26 janvier 2012 rendu dans l’affaire C-586/10, Bianca Kücük contre Land Nordrhein-Westfalen.

[29Cf l’analyse de lexicologie politique du choc entre dialogue social et dialogue civil, C. Gobin (2007b).

[30CES, 2007.

[31COMMISSION (2001), Gouvernance européenne, Livre blanc, COM(2001) 428 final, 40 p.

[32COMITE ECONOMIQUE ET SOCIAL (1999), Le rôle de la contribution de la société civile organisée dans la construction européenne, Avis du 22 sept. 1999, JOCE C 329 du 17.11, p. 30, § 8.1

[33COMMISSION (2001), Gouvernance européenne, op. cit., p. 9.

[34Communication de la COMMISSION du 18.2.2004, Troisième rapport sur la cohésion économique et sociale, COM(2004) 107 final, 172 p., p. 9.

[35COMMISSION (2001), Gouvernance européenne, Livre blanc précité, p. 25.

[36PARLEMENT EUROPÉEN, CONSEIL ET COMMISSION (2003), Mieux légiférer, Accord interinstitutionnel, 2003/C 321/01, JOCE du 31.12.2003, n° C 321, p. 1 à 5, § 18.

[37Idem.

[38Idem.

[39PARLEMENT EUROPÉEN, CONSEIL ET COMMISSION (2003), Mieux légiférer, op. cit., § 22.

[40Comme le relève V. Simoulin, notant que la période 1994-2001 a été une « période de diffusion exponentielle […] durant laquelle il a conquis l’ensemble du domaine de l’action publique. […]. C’est durant cette troisième période que sa visibilité s’est spectaculairement accrue et qu’il a été massivement repris par les organisations internationales comme par les chercheurs, en particulier ceux qui étaient désireux de participer aux rapports et appels d’offres que celles-ci ont commencé à lancer ». SIMOULIN V. (2003), « La gouvernance et l’action publique : le succès d’une forme simmelienne », Droit et société « La gouvernance : une approche transdisciplinaire », n° 54/2003, p. 307 à 328, p. 313. Plus récemment, Deneault (2013) met en évidence la colonisation de tous les champs de la société par ce concept de « gouvernance » qui, selon lui, « participe à l’instauration de l’ère du management totalitaire ».

[41Pascal DURAND (DIR.), Les Nouveaux Mots du pouvoir, Aden (Bruxelles), 2007, 300 p., et plus particulièrement la contribution de C. GOBIN (2007 b), pp. 262-267.

[42Notons que dans le nouveau traité de l’UE, le Traité de Lisbonne, qui est le traité actuellement en œuvre depuis 2009, la place réservée aux Églises par les Autorités de l’UE est très forte : Article 17 du TFUE : 1. "L’Union respecte et ne préjuge pas du statut dont bénéficient, en vertu du droit national, les églises et les associations ou communautés religieuses dans les États membres. 2. L’Union respecte également le statut dont bénéficient, en vertu du droit national, les organisations philosophiques et non confessionnelles. 3. Reconnaissant leur identité et leur contribution spécifique, l’Union maintient un dialogue ouvert, transparent et régulier avec ces églises et organisations."

[43Bureau international du travail (BIT), Apprendre et se former pour travailler dans la société du savoir, Conférence internationale du travail, 91e session, 2003, Rapport IV, 132 p., p. 50.

[44Communication de la COMMISSION du 18.2.2004, Troisième rapport sur la cohésion économique et sociale, COM(2004) 107 final, 172 p., p. 142.

[45P. RODIÈRE, « Les droits sociaux dans la Constitution européenne : quelques questions », Semaine sociale Lamy, 2 mai 2005, n° 1213, p. 5 à 13, p. 13.

[46Communication du 12 août 2004, Partenariat pour le changement dans un Europe élargie – Renforcer la contribution du dialogue social européen », art. 3.1, p. 6.

[47Sur ce glissement sémantique, voir J.-C. Deroubaix.

[48Voir annexe A : articles relatifs au dialogue social issus des traités successifs.

[49Citation issue des questionnaires du rapport OSE (2004), représentant de la COPA, fédération patronale de l’agriculture.

[50Communication de la Commission européenne, COM (2002) 341 final du 26.6.2002.

[51Les Fédérations syndicales européennes sont les structures sectorielles de dimension européenne.

[52Au sens de poser des règles, quelle que soit, par ailleurs, leur origine, mais qui sont extérieures à ceux à qui elles s’appliquent.