Le Sida, maladie économique et politique

Quand le sida est apparu vers le début des années 80, personne n’a soulevé les inégalités socio-économiques que la maladie recelait. Et pourtant, le problème était déjà là, évident : c’était la maladie partie d’Afrique, qui, dans les pays riches, disait-on, touchait les homosexuels et les prostituées. Et si la science et l’éducation ont eu finalement raison des clichés, l’inégalité face à la maladie est restée.

Le sida ne va pas de pair avec le sous-développement, ni avec les discriminations en tous genres. Il est pourtant un des plus effroyables révélateurs des déséquilibres dans les rapports entre les hommes et les femmes, entre les riches et les pauvres, entre les pays industrialisés du Nord et les pays du Sud. Il révèle l’absence de maîtrise de certaines catégories de femmes sur leur destinée, absence plus lourde encore dans des régions comme l’Afrique, le poids du développement économique et social sur l’accès aux thérapies et enfin, la pesanteur et l’impact des règles en matière de commerce international qui ont mis à l’écart des progrès scientifiques en matière de lutte contre la maladie, des régions entières du Sud de la planète.

Le sida est un problème médico-social grave, un de ceux dans le genre qui ont sans doute le plus d’impacts sur le développement économique. Dans certaines régions d’Afrique, le taux d’infection dépasse les 30% de la population. Il touche certaines catégories de la population, plus que d’autres. Mais on ne peut réduire la maladie à ce seul prisme. Le sida est aussi un frein très important au développement économique. Il est patent aujourd’hui que, dans des pays où son ampleur est importante, il s’est notamment attaqué aux enseignants. Avec eux, c’est souvent le système d’enseignement tout entier qui est laminé. Le poids reconnu de l’éducation dans le processus de développement suffit à expliquer, dans ces cas de figure, les conséquences de la pandémie. En outre, la faiblesse des structures sanitaires dans les pays touchés et le manque de moyens pour remédier à cette caractéristique plongent les pays touchés au Sud dans des abîmes sans fin. Pour Paul Farmer, cité dans un article de ce dossier, il s’agirait d’une véritable "violence structurelle".

Face à ce qui d’évidence est un problème de développement, le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) plaide pour un renforcement de la production de médicaments dans les pays du Sud. Cette hypothèse - le procès intenté au gouvernement sud-africains par des firmes pharmaceutique l’a rappelé - ramène évidemment aux débats sur la propriété intellectuelle tel qu’il est mené dans l’enceinte de l’Organisation mondiale du Commerce (OMC). Et si il y a eu abandon de la plainte par les entreprises, la question de l’accès aux brevets n’en est pas pour autant réglée face aux contraintes internationales.

Enfin, on ne saurait passer sous silence le fait que le sida et son traitement sont aussi des problèmes éminemment politiques. Et c’est encore l’Afrique du Sud qui en offre l’illustration. La maladie y a touché davantage les populations des townships, généralement proches de l’ANC, parti au pouvoir depuis la fin de l’apartheid. Le déséquilibre entre les impacts de la maladie par origine ethnique et par sympathies politiques y a été telle qu’il a fait craindre le pire au Président Mandela, ouvrant la voie à une réflexion et à des actions sur l’accès aux traitements. Décisions qui ont été suivies par les réactions judiciaires rappelées plus haut..

Sommaire :

  • Edito : Le sida, maladie économique et politique/Anne Peeters
  • Etendue de la pandémie : cartes et chiffres
  • Le sida en Afrique subsaharienne : virus ou verrous/Brahim Lahouel
  • La réponse des pouvoirs publics/Natacha Wilbeaux
  • Le sida, révélateur des disparités en Afrique/Annabel Desgrees du Lou et al.- IRD Abidjan
  • Vulnérabilité des jeunes femmes en Argentine face aux MST et VIH/sida/Dalia Szulik, Nina Zamberlin, CEDES
  • Pour en savoir plus/Marc François

 

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