Que ce soit au niveau national ou régional, la Belgique s’est fixée une seule stratégie économique majeure : être compétitive. La Flandre veut se retrouver parmi les cinq meilleures régions de l’Union européenne et la Wallonie aspire à rattraper la Flandre. Bref, tout doit être mené pour la compétitivité et tout doit être jaugé en fonction de ce but. Comment ? En singeant le modèle allemand…
Cette démarche cadre parfaitement avec les orientations décidées au niveau européen, surtout depuis mars 2000 et le sommet de Lisbonne. Rappelons qu’à cette occasion les chefs d’État et de gouvernement des quinze pays présents s’étaient donné l’ambition de faire pour 2010 de l’Union européenne
Union Européenne
Ou UE : Organisation politique régionale issue du traité de Maastricht (Pays-Bas) en février 1992 et entré en vigueur en novembre 1993. Elle repose sur trois piliers : les fondements socio-économiques instituant les Communautés européennes et existant depuis 1957 ; les nouveaux dispositifs relatifs à la politique étrangère et de sécurité commune ; la coopération dans les domaines de la justice et des affaires intérieures. L’Union compte actuellement 27 membres : Allemagne, Belgique, France, Italie, Luxembourg, Pays-Bas (1957), Danemark, Irlande, Royaume-Uni (1973), Grèce (1981), Espagne, Portugal (1986), Autriche, Finlande, Suède (1995), Chypre, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Malte, Pologne, Slovaquie, Slovénie, Tchéquie (2004), Bulgarie, Roumanie (2007).
(En anglais : European Union)
« l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde » [1]. Et c’est un objectif qui a été reconduit pour une nouvelle décennie, à travers le processus d’Europe 2020.
Axer sur la compétitivité est également le modèle qu’impose Berlin à ses partenaires pour sortir de la crise économique : chaque pays, chaque région doit devenir plus compétitif, imiter les performances de l’Allemagne et sacrifier tout le reste à cette unique perspective. Mais qu’est-ce que cela signifie concrètement ? Il ne s’agit pas ici de revenir sur les dangers idéologiques d’une telle politique et sur ce qu’elle entraîne pour les salariés comme nouveaux sacrifices inacceptables. Mais d’en analyser les conséquences à partir de la réalité économique belge.
La structure productive en Belgique
La Belgique est le second pays à s’industrialiser dans le monde, après la Grande-Bretagne. Dès le XVIIIe siècle, la partie sud du pays, en fait le sillon Sambre-et-Meuse, se lance dans la production de houille et de fer, tandis que le textile, une ancienne tradition de la Flandre, se développe un peu partout.
Mais cela signifie que la structure industrielle est ancienne, basée sur des secteurs qui ont connu leur heure de gloire surtout au XIXe siècle ou au début du siècle suivant. Aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale, le gouvernement a beau annoncer la bataille du charbon pour redresser la production, il apparaît vite que les conditions ont changé. Le pétrole devient le premier combustible utilisé. Les anciennes puissances européennes perdent leurs colonies.
Les holdings belges, surtout la Société Générale de Belgique [2] et le Groupe Bruxelles-Lambert, qui tiraient leur fortune de la chaîne métallurgique, soit à partir des mines locales, soit de celles exploitées au Congo, vont initier une autre stratégie : tirer un maximum de bénéfices des activités centrales qu’ils contrôlent et qui sont livrées à toute entreprise domestique, à savoir les services bancaires, ceux d’assurance et la livraison d’électricité. De cette façon, les firmes vieillies transfèrent encore de la valeur jusqu’au moment où, usées et épuisées, elles doivent fermer leurs portes.
Pendant ce temps, les multinationales étrangères s’installent dans les nouveaux secteurs surtout dans cette Flandre que les holdings avaient négligée jusque-là. Nombre d’entre elles s’implantent dans la zone portuaire anversoise qui permet d’importer et exporter facilement des quatre coins de la planète.
De ce fait, le développement économique de la partie nord va supplanter celui de la zone méridionale. Néanmoins, les problèmes se multiplient. Avec la crise initiée dans les années 70, plusieurs branches sont en grandes difficultés. L’État belge va donc mener un vaste plan de restructuration dans cinq d’entre elles : les charbonnages, la construction navale, le verre, le textile et la sidérurgie. Si l’acier et la production verrière se trouvent majoritairement en Wallonie, il n’en est pas de même pour les trois autres domaines.
Les fermetures vont se succéder. Les mines sont abandonnées, les unes après les autres. Le textile est délocalisé pour sa plus grande part. Les navires ne sont plus fabriqués ou assemblés en Belgique. Les cristalleries disparaissent. Seules résistent les usines à vitrage pour le bâtiment et l’automobile. Charleroi et la région liégeoise deviennent des immenses parcs à hauts fourneaux ou convertisseurs délaissés. Cela engendre un chômage important et persistant, qui aurait même plus important sans les mesures sociales inventées à l’époque pour mettre préventivement des travailleurs « âgés » en retraite.
Depuis lors, le pays vit au rythme de ces restructurations permanentes. D’autant que, depuis les années 80, l’orientation majeure en Europe est d’ouvrir les marchés à la concurrence, d’interdire les subventions publiques, de réduire les interventions de l’État dans le domaine économique et social, de ne plus avoir de politique macroéconomique si ce n’est celle de fixer un cadre général où s’épanouit le « libre commerce ».
On peut observer ce que cela a signifié en Belgique à partir du tableau 1, qui reprend l’évolution de la valeur ajoutée
Valeur ajoutée
Différence entre le chiffre d’affaires d’une entreprise et les coûts des biens et des services qui ont été nécessaires pour réaliser ce chiffre d’affaires (et qui forment le chiffre d’affaires d’une autre firme) ; la somme des valeurs ajoutées de toutes les sociétés, administrations et organisations constitue le produit intérieur brut.
(en anglais : added value)
, c’est-à-dire de la richesse
Richesse
Mot confus qui peut désigner aussi bien le patrimoine (stock) que le Produit intérieur brut (PIB), la valeur ajoutée ou l’accumulation de marchandises produites (flux).
(en anglais : wealth)
créée durant l’année, par secteur depuis 1970.
Tableau 1. Répartition de la valeur ajoutée par secteur en Belgique 1970-2011 (en %)

Sources : INS et Eurostat, Comptes nationaux.
Note : Il y a un changement comptable en 1995. Les données des trois premières colonnes ne sont pas complètement comparables avec les deux dernières.
On remarque la baisse constante de l’industrie, en particulier manufacturière, durant toute la période, ainsi que celle du secteur primaire
Secteur primaire
Partie de la production (et de l’économie) qui tire directement de la nature des biens consommables ou utilisables dans le processus de production. Il s’agit concrètement de l’agriculture, de la pêche, de l’industrie de la forêt (sylviculture) et de l’extraction minière.
(en anglais : primary sector)
(agriculture, pêche et extraction). Le textile devient insignifiant. La métallurgie se réduit considérablement. Le matériel de transport chute entre 2000 et 2011. Seule la chimie demeure en relative expansion.
Dans le domaine des services, ce ne sont ni le commerce, ni les hôtels et restaurants, ni même la finance ou l’enseignement qui tirent l’ensemble vers le haut. Il y a deux branches qui prennent le pas sur les autres : la santé et le service
Service
Fourniture d’un bien immatériel, avantage ou satisfaction d’un besoin, fourni par un prestataire (entreprise ou l’État) au public. Il s’oppose au terme de bien, qui désigne un produit matériel échangeable.
(en anglais : service)
aux entreprises (comptabilité, publicité, aide à la gestion, agences d’intérim, services juridiques…). En 1970, ils représentaient un huitième du PIB
PIB
Produit intérieur brut : richesse marchande créée durant une période déterminée (souvent un an) sur un territoire précisé (généralement un pays ; mais, en additionnant le PIB de tous les pays, on obtient le PIB mondial).
(en anglais : Gross Domestic Product ou GDP)
[3] belge (11,9%). 41 ans plus tard, ils en assurent plus d’un quart (29%).
Le problème avec ce développement est que ces secteurs en croissance
Croissance
Augmentation du produit intérieur brut (PIB) et de la production.
(en anglais : growth)
ne peuvent s’étendre que sur la base d’une activité préexistante : pour fournir des services aux firmes, il faut qu’il y ait des sociétés ; pour payer un système de santé, il faut des travailleurs occupés, qui engendrent de la richesse. En second lieu, les possibilités d’exportation à partir de ces domaines sont limitées : les soins se passent en général dans le lieu d’origine du patient ; les conseils aux firmes sont rendus dans le pays même, car la législation y est souvent spécifique. En revanche, ces branches peuvent engendrer des importations en médicaments, en matériel de bureau, en appareils techniques, etc.
Or, la Belgique est généralement exportateur et dépendant du commerce international. Le graphique 1 en montre l’évolution par rapport au PIB depuis 1960.
Graphique 1. Évolution des exportations et importations belges par rapport au PIB à prix constants 1960-2012 (en %)
Source : AMECO, Base de données : http://ec.europa.eu/economy_finance/ameco/user/serie/SelectSerie.cfm?CFID=1693359&CFTOKEN=6fcc0067b30521b7-80FBBD00-BC80-3030-39CC1124EEBD668B&jsessionid=24065e99f26533524e7f.
Note : Il s’agit ici de la définition des exportations et des importations selon la comptabilité nationale et non sur base de la balance des paiements
Balance des paiements
Relevé des entrées et des sorties d’argent d’un pays durant une période déterminée (généralement un an). La balance des paiements se compose de la balance courante (balance commerciale, des services et des intérêts, dividendes, loyers, etc.) et de la balance en capital. Le solde est ce qui entre ou qui sort comme réserves dans les caisses de la banque centrale. Lorsque celles-ci sont vides, le pays est virtuellement en faillite ; il doit dévaluer (souvent fortement) sa propre monnaie.
(en anglais : balance of payments).
. Elle comprend les biens et les services.
L’importance des exportations de biens et services - et aussi des importations - est évidente. Elle part d’un niveau de 25% environ en 1960 pour atteindre 85% en 2012. On observe que les deux courbes avancent dans un même sens : en fait, le développement des exportations suscitent celui des importations et l’écart, même s’il est continuellement positif depuis 1981, est assez faible. Cela indique que le pays ne contrôle pas son approvisionnement pour produire un bien ou un service.
Concrètement, cela signifie que pour assembler une voiture, il faut aller chercher bon nombre de composants à l’étranger. Dès lors, si la production augmente, une part plus grande ne sera pas destinée au marché
Marché
Lieu parfois fictif où se rencontrent une offre (pour vendre) et une demande (pour acheter) pour un bien, un service, un actif, un titre, une monnaie, etc. ; un marché financier porte sur l’achat et la vente de titres ou d’actifs financiers.
(en anglais : market)
domestique. Les exportations croîtront donc. Mais, comme il faudra davantage de pièces (moteurs, roues, axes de direction, etc.) qui ne sont pas produits localement, les importations monteront de façon similaire.
Ceci est encore plus logique dans le contexte d’une production européenne (ou mondiale) organisée par une entreprise transnationale
Transnationale
Entreprise, généralement assez grande, qui opère et qui a des activités productives et commerciales dans plusieurs pays. Elle est composée habituellement d’une maison mère, où se trouve le siège social, et plusieurs filiales étrangères.
(en anglais : transanational)
. Celle-ci spécialisera ses usines et acheminera les composants d’un endroit à l’autre en fonction de cette répartition.
Ressac
Il n’y a pas d’obligation à ce qu’un État soit aussi dépendant de cette logique de production. C’est une conséquence de l’OPA
OPA
Offre publique d’achat : proposition publique faite par un investisseur d’acquérir une société ou une partie de celle-ci à un prix annoncé. Elle peut être amicale ou hostile, si le management de la firme ciblée est d’accord de se faire reprendre ou non.
(en anglais : tender offer).
[4] de 1988 lancée par Carlo De Benedetti sur la Société Générale de Belgique. A cette époque, comme nous l’avons souligné, les holdings avaient encore la mainmise sur une Wallonie aux industries relativement vieilles et la Flandre se développait déjà grâce aux grandes firmes étrangères.
Lorsque De Benedetti mène son opération, il sait que les groupes belges sont fragilisés. La Générale, en particulier, qui représente de longue date l’establishment du pays, a un actionnariat très éclaté. A l’assemblée générale annuelle, moins de dix pour-cent des actions sont rassemblés et les compagnies d’assurance (les AG de la famille Lippens, la Royale Belge et Assubel) contrôlent les débats, mais avec moins d’un pour-cent du capital
Capital
Ensemble d’actifs et de richesses pouvant être utilisés pour produire de nouveaux biens ou services.
(en anglais : capital, mais aussi fund ou wealth)
chacune.
Le raider
Raider
Entreprise ou particulier s’employant à obtenir le contrôle d’une société sans en avoir référé au conseil d’administration de celle-ci, ni se soucier de son accord. Cela aboutit généralement à une OPA.
(En anglais : raider)
italien donne un grand coup de pied dans la fourmilière. Mais les insectes ne se liguent pas contre le prédateur. Elles laissent faire. Seul Maurice Lippens dégage sa compagnie, les AG (qui deviendront par la suite Fortis). Les autres familles ne réagissent pas, du moins officiellement. Le management est donc pris de panique. Il cherche un « chevalier blanc » et le trouve en France, chez Suez. Avec la complicité de l’État belge, celui-ci prend le contrôle de l’institution qui détenait dans l’entre-deux-guerres environ un tiers de l’économie belge.
Immédiatement, le repreneur démantèle le holding
Holding
Société financière qui possède des participations dans diverses firmes aux activités différentes.
(en anglais : holding)
. Pour lui, c’est une structure du passé. Il doit gérer un trop grand nombre de participations. A une époque où la compétition devient assurément internationale, il n’est plus possible d’approvisionner en capital
Capital
chacune d’entre elles. De fait, la Générale possède un large portefeuille
Portefeuille
Ensemble de titres détenus par un investisseur, normalement comme placement.
(en anglais : portfolio).
, engendrant des revenus stables par le procédé expliqué ci-dessus. Mais aucune des filiales ne dispose de la taille suffisante pour rivaliser avec leurs rivales étrangères.
Suez va faire le tri et sélectionner Electrabel et Tractebel, le holding qui centralise les actifs dans le gaz et l’électricité. Tout le reste sera liquidé, vendu, cédé ou fermé. Umicore, l’ancienne Union minière, sera reprise par le management de la firme. La Générale de Banque sera rachetée par Fortis. Les cimenteries CBR seront acquises par le groupe Heidelberg.
Pendant ce temps, Albert Frère, arrivé au contrôle du Groupe Bruxelles-Lambert, se débarrasse de la banque, la BBL, au profit d’ING et échange son contrôle sur Petrofina en un important paquet d’actions du groupe pétrolier français Total. Il gère maintenant un portefeuille considérable, puisqu’il est le principal actionnaire
Actionnaire
Détenteur d’une action ou d’une part de capital au minimum. En fait, c’est un titre de propriété. L’actionnaire qui possède une majorité ou une quantité suffisante de parts de capital est en fait le véritable propriétaire de l’entreprise qui les émet.
(en anglais : shareholder)
de, par exemple, Total et Suez, mais n’y participe pas à l’administration courante. La famille Boël cède ses usines sidérurgiques en 1997 et se concentre sur son holding financier, la Sofina, Celle-ci détient de nombreuses parts de capital dans de grandes sociétés, mais insuffisantes pour y jouer un rôle quelconque. Elle se limite à une simple gestion financière d’évaluation des rendements. Même chose pour les de Spoelbergh, de Mevius et Van Damme, propriétaires d’Inbev, qui, avec la fusion
Fusion
Opération consistant à mettre ensemble deux firmes de sorte qu’elles n’en forment plus qu’une.
(en anglais : merger)
avec le groupe brésilien Ambev, a laissé la plus grande partie du management à leurs confrères latino-américains.
Ainsi, la grande bourgeoisie belge, issue de l’ancienne industrialisation du pays, s’est progressivement retiré dans des activités de rentier
Rentier
Littéralement quelqu’un qui vit de ses rentes. La rente est au sens large du mot tout facteur économique qui crée des revenus sans qu’il y ait un effort (en tout cas proportionnel) de la part de son propriétaire. C’est le cas des détenteurs de capitaux, s’ils se contentent de détacher les coupons ou de spéculer sur les écarts de valorisation boursière.
(En anglais : person who has a private income)
, se spécialisant soit dans la tonte des coupons [5] soit dans un jeu boursier spéculatif en achetant ou vendant des titres au moment opportun. Il ne reste plus que quelques isolés qui affrontent les marchés internationaux à partir d’une base encore familiale comme Bekaert ou Solvay. Mais pour combien de temps encore ?
On peut dresser la liste de toutes les ventes de sociétés abandonnées par les actionnaires autochtones au profit, en général, de puissantes transnationales étrangères. C’est l’objet du tableau 2.
Tableau 2. Ventes et fusions des principales firmes belges à des investisseurs étrangers depuis la fin des années 70

Ainsi, des parties notables de l’économie belge ont été transférées et intégrées dans des groupes plus importants, assurant, d’une part, leur survie dans la compétition internationale, mais, d’autre part, aussi une plus grande fragilité, car les décisions centrales sont prises hors du territoire. L’énergie, quatre des cinq grandes banques [6], l’acier, l’assurance, les cimenteries et les gloires agro-alimentaires belges (les biscuits De Beukelaere, le chocolat Côte d’Or, les bières Stella, Jupiler et autres) sont passés sous contrôle étranger.
La dépendance vis-à-vis des transnationales
Que ce soit au niveau national ou régional, la politique officielle des autorités est d’accueillir à bras ouverts les investisseurs, en particulier les transnationales qui viennent de l’autre côté de la frontière. Quand Google annonce venir à Mons et créer soi-disant 200 emplois, c’est célébré comme une victoire et une fête.
Il n’est pas aisé d’établir la situation de la mainmise étrangère sur l’économie nationale. En voici quelques indicateurs.
D’abord, la part dans les investissements, c’est-à-dire la formation de capital fixe (bâtiments, machines, outils, etc.). On peut ainsi analyser ce qui a été avancé d’un côté par les groupes non belges. C’est le propos du tableau 3.
Tableau 3. Part des investissements étrangers dans le total investi en Belgique et au Luxembourg par période 1990-2012 (en %)

Source : Calculs sur base d’AMECO pour la formation de capital fixe et d’Unctad, World Investment Report 2013, annexe table 01, pour l’investissement
Investissement
Transaction consistant à acquérir des actifs fixes, des avoirs financiers ou des biens immatériels (une marque, un logo, des brevets…).
(en anglais : investment)
direct de l’étranger, les flux
Flux
Notion économique qui consiste à comptabiliser tout ce qui entre et ce qui sort durant une période donnée (un an par exemple) pour une catégorie économique. Pour une personne, c’est par exemple ses revenus moins ses dépenses et éventuellement ce qu’il a vendu comme avoir et ce qu’il a acquis. Le flux s’oppose au stock.
(en anglais : flow)
entrants : http://www.unctad.org/Sections/dite_dir/docs/WIR2013/WIR13_webtab01.xls.
Note : Jusqu’en 2002, les données des relations économiques avec l’étranger sont établies à partir de l’ensemble belgo-luxembourgeois. Pour garder la cohérence de la suite statistique, nous avons continué à calculer sur base de ces deux pays jusqu’en 2012.
La comparaison est un peu boiteuse, car la manière de composer les statistiques est différente et l’organe qui les dresse n’est pas le même (L’Union européenne pour les investissements, les Nations Unies pour l’investissement étranger). Il n’est donc pas anormal que le pourcentage dépasse les 100% en raison de ces divergences. Il se peut, par exemple, qu’une décision ait été prise une année et enregistrée en tant qu’apport étranger telle année, mais que l’avance concrète soit étalée sur les années suivantes. C’est pour cela que nous avons utilisé des périodes pour tenter d’éviter ou d’atténuer ce problème.
Ceci précisé, il est clair que la part étrangère, même surévaluée, est considérable. Depuis 1999 quasiment, l’essentiel de la formation du capital fixe provient du reste du monde. Soit une entrée d’argent extérieur sur le territoire.
Au total, 786 milliards d’euros ont été accumulés en Belgique sous l’égide de transnationales étrangères [7]. C’est presque deux fois le PIB du pays. Le capital propre dépensé par celles-ci hors finance (259 milliards d’euros) représente environ 50% des parts de capital des entreprises non financières qui ont déposé leurs comptes à la centrale des bilans de la Banque nationale [8]. On retrouve la prédominance étrangère.
En termes de pays investisseurs, on obtient le graphique 2. Il est établi en pourcentage. Le total cumulé se monte à 767 milliards d’euros pour 2011.
Graphique 2. Répartition du stock
Stock
Sous sa forme économique, c’est l’ensemble des avoirs (moins les dettes) d’un acteur économique à un moment donné (par exemple, le 31 décembre 2007). Ce qui sort ou qui entre durant deux dates est un flux. Le stock dans son sens économique s’oppose donc au flux. Sous son interprétation comptable, le stock est l’ensemble des marchandises achetées qui n’ont pas encore été produites ou dont la fabrication n’a pas été achevée lors de la clôture du bilan ou encore qui ont été réalisées mais pas encore vendues.
(en anglais : stock ou inventory pour la notion comptable).
d’investissements étrangers en Belgique par pays en 2011 (en %)
Source : Belgostat, Stock d’investissements étrangers en Belgique par pays.
Le Luxembourg est la nation qui investit le plus en Belgique. Il s’agit évidemment principalement de filiales étrangères établies dans le grand-duché pour des raisons fiscales. Il en va de même pour une partie des possessions néerlandaises, étant donné les avantages accordés aux structures de holding dans ce pays. Enfin, l’importance de la France provient surtout de deux grosses participations, celle de Suez qui gère le patrimoine
Patrimoine
Ensemble des avoirs d’un acteur économique. Il peut être brut (ensemble des actifs) ou net (total des actifs moins les dettes).
(en anglais : wealth)
électrique et gazier belge, et de Total, qui a repris Petrofina en 1999. Restent l’Allemagne qui représente environ 6% des actifs étrangers, la Grande-Bretagne 5% et les États-Unis 3,4% [9].
Deutschland über alles
Ces chiffres ne démontent nullement l’importance de l’Allemagne pour la Belgique. D’abord, les investissements luxembourgeois ou néerlandais cachent sans doute des nationalités différentes, peut-être allemandes. Ensuite, beaucoup d’opérations sont conduites à partir de bases allemandes. C’est le cas de nombre de transnationales américaines dont le centre européen est outre-Rhin, comme Opel (General Motors) et Ford.
Les exportations belges sont destinées d’abord à l’Allemagne pour 17,4%, ensuite à la France pour 15,6%, aux Pays-Bas pour 12,5%. Le reste de l’Union européenne représente 24,5%. Seuls les États-Unis assurent une part significative dans le reste du monde, avec près de 6% [10].
Mais il y a davantage. La Belgique sert de plaque tournante au commerce à l’intérieur de la partie occidentale de l’Europe. Des biens arrivent, par exemple, au port d’Anvers et sont acheminés dans des pays voisins, notamment dans le nord de la France et dans l’ouest de l’Allemagne.
On peut en avoir une idée avec le tableau suivant (tableau 4) qui reprend les statistiques du commerce international, selon la méthode nationale (Belgostat) et européenne (Eurostat).
Tableau 4. Échanges commerciaux de la Belgique avec le monde et l’Allemagne selon deux modes d’évaluation différents 1995-2012 (en milliards d’euros)

Sources : Calculs sur base de Belgostat et d’Eurostat.
La différence dans les deux méthodes de calcul du commerce est basée sur l’incorporation du commerce de transit, c’est-à-dire des importations qui sont automatiquement réexportées. Prenons un exemple facile. Des voitures japonaises arrivent de l’archipel à destination de l’Allemagne rhénane. Ayant sans doute passé le cap de Bonne-Espérance, le navire les transportant va probablement aussi choisir le port d’Anvers comme le plus proche pour la région du Rhin. Les véhicules sont débarqués, mis sur des remarques ou des trains et acheminés vers Cologne (ou tout autre lieu de l’autre côté de la frontière). Pour Belgostat, il ne s’est rien passé, sauf qu’il y a perception de droits et paiement de travail sur les docks et par le train (ou le camion). Une partie de ces revenus ne seront pas comptabilisés dans le commerce extérieur puisqu’ils se passent en Belgique. Pour Eurostat, il y a eu d’abord importation d’automobiles par la Belgique en provenance du Japon ; ensuite, il y eu exportation de la Belgique en Allemagne, avec éventuellement du travail en plus.
La différence n’est pas négligeable. Elle passe d’une vingtaine de milliards d’euros dans les exportations et importations en 1995 à plus d’une centaine en 2012. Et le déficit enregistré par les comptes nationaux se transforme en un excédent pour l’Europe. Nous avons procédé au même calcul pour l’Allemagne, pour montrer que c’est un des principaux bénéficiaires de ce commerce de transit par le port d’Anvers (éventuellement celui de Zeebrugge). Mais un calcul similaire montre que la France en profite aussi. Cela permet d’affirmer qu’effectivement ces échanges rapportent des revenus à la Belgique. C’est ce qui permet aussi bien à la Flandre qu’à la Wallonie d’affirmer qu’elles sont numéro un dans le secteur de la logistique [11].
Les différences entre régions
La bataille de chiffres entre régions fait rage. Chacun veut montrer que son territoire est plus compétitif ou qu’il se redresse plus rapidement que l’autre. Certaines données indiquent un écart. Mais, sur le long terme, il apparaît que les rapports sont relativement stables.
Ainsi, le tableau du commerce (tableau 5) montre une structure régionale qui ne se modifie guère ou qui évolue de façon parallèle.
Tableau 5. Évolution de la balance commerciale
Balance commerciale
C’est le solde entre les exportations de marchandises qui constituent une rentrée d’argent (de devises étrangères) et les importations qui représentent une sortie d’argent. C’est pourquoi on parle d’excédent ou de déficit commercial si les exportations rapportent davantage ou non que les importations.
(en anglais : balance of trade).
belge par région 2002-2012 (en milliards d’euros et en %)

Source : Calculs sur base de Belgostat, Commerce extérieur, Données régionales.
La Flandre représente environ 80% du commerce belge, que ce soit en importations ou exportations. Cette part ne varie pas. En comparaison, la Wallonie absorbe environ 13% des importations et une petite vingtaine de pour-cent en exportations. Le rôle de Bruxelles est anecdotique en la matière.
La partie sud est excédentaire ; le nord est déficitaire, mais c’est compensé par le commerce de transit (voir section précédente) ; Bruxelles importe massivement, vu sa concentration dans les services.
Même constat pour la production. Le tableau 6 reprend la répartition régionale de la valeur ajoutée belge.
Tableau 6. Répartition régionale de la valeur ajoutée belge par région 1995-2012 (en %)

Source : Calculs sur base de Belgostat, Comptes régionaux.
La Flandre assure environ 57% du PIB belge, la Wallonie 24% et Bruxelles 19%. Ces pourcentages ne changent quasiment pas.
Les variations annuelles de la production sont remarquablement identiques. Le graphique 3 en donne un aperçu à partir du PIB courant [12].
Graphique 3. Croissance annuelle du PIB belge, flamand, wallon et bruxellois 1996-2012 (en %)
Source : Calculs sur base d’Eurostat, Statistiques urbaines et régionales.
La région qui s’écarte le plus de la tendance générale est celle de Bruxelles, qui est dominée par les services financiers, le secteur horeca et l’administration publique. Les autres courbes évoluent avec un ensemble presque parfait, preuve s’il en est qu’il y a une structure économique globale du pays, et non des spécificités énormes des régions.
Les soi-disant divergences dans la croissance sont plutôt faibles, comme le montre le tableau 7.
Tableau 7. Écart de croissance du PIB courant entre la Flandre et la Wallonie (en %)

Source : Voir graphique 3.
Dans ce tableau, un nombre positif désigne un avantage pour la Flandre, un signe négatif indique une croissance plus rapide de la Wallonie. En 1996, cet écart était pratiquement nul. Dans les premières années, la partie nord du pays avance un peu plus rapidement. De cette façon, elle représentait 58% du PIB national en 2007, son pourcentage maximum sur la période. Elle assurait 56,8% en 1995. Parallèlement, la Wallonie et Bruxelles perdent chacun 0,5 point. En 2012, la Flandre repasse à 57,2%. Les deux autres régions reprennent le terrain perdu à 24% pour la Wallonie et 19% pour Bruxelles. Mais le moins qu’on puisse conclure est que ces divergences sont vraiment faibles.
Périlleuse stratégie de compétitivité
Les risques de poursuivre une politique fondée sur la compétitivité et le développement des transnationales sont importants. Il est clair que l’État a perdu volontairement une grande partie de son pouvoir d’intervention et laisse les grandes firmes agir comme bon leur semble. C’est la philosophie même derrière cette orientation proposée par l’Union européenne et suivie méticuleusement en Belgique.
Les autorités font tout pour attirer les investissements, notamment étrangers. Mais, en même temps, les entreprises peuvent partir comme elles le veulent. Et, à part quelques protestations de circonstances et très médiatisées au moment de restructurations importantes, les dirigeants politiques ne peuvent y faire face réellement, en suivant cette logique. Toute restriction serait vue par les nouveaux investisseurs potentiels, ceux qu’on essaie de faire venir dans le pays, comme un indicateur négatif.
Dans ces conditions, les transnationales quittent la Belgique, dès qu’elles voient des occasions de s’implanter sur un marché en expansion ou qu’elles estiment qu’elles ont une usine en trop dans la zone européenne. Et les réactions politiques sont plus que faibles. Les cas d’Opel Anvers, de Ford Genk ou d’ArcelorMittal sont dans les mémoires. Ils ne sont que les exemples les plus visibles de nombreuses pertes d’emploi dans le pays.
L’Union européenne a mis en place un mécanisme de comptabilisation des principales restructurations dans un État membre, intitulé European Restructuring Monitoring (en français : Observatoire européen des restructurations). Sur la base de coupures de presse, cet organe récolte les données sur les situations impliquant une perte de 100 emplois ou davantage ou affectant 10% au moins d’une firme occupant au minimum 250 salariés. Nous avons établi le tableau 8, en utilisant cette source commencée en 2002, mais en nous limitant à reprendre les cas au-delà des 900 postes affectés.
Tableau 8. Liste des restructurations en Belgique impliquant une perte d’emplois supérieure ou égale à 900, depuis 2002

Source : ERM, Restructuring Events database : http://www.eurofound.europa.eu/emcc/erm/index.php?template=searchfactsheets.
En une bonne dizaine d’années, il y a eu 28 situations de restructurations majeures, occasionnant la perte cumulée de plus de 58.000 emplois. La majeure partie de ces « ajustements » provient de transnationales ou de sociétés publiques ou semi-publiques en voie de privatisation ou en proie à une concurrence étrangère accrue.
Bien sûr, on répondra qu’en contrepartie des postes sont créés par de nouveaux arrivants… sauf que ceux-ci se font généralement attendre. L’Observatoire ne compulse pas seulement les statistiques des baisses d’emploi, mais aussi celles des créations depuis 2005. Or, il n’en a relevé au total que pour 28.713 salariés. En outre, les principales opérations de ce type sont les suivantes : 800 emplois créés par la KBC en 2006 ; 2.300 par Fortis Bank et 2.000 par Suez en 2007 ; 1.800 par la SNCB en 2009 ; 800 par la STIB en 2012. Autrement dit, cinq cas seulement, et encore par des banques avant que la crise des subprimes ne les oblige à réduire fortement la voilure, ou des firmes publiques qui sont contraintes de respecter la rigueur budgétaire, donc créent parfois des postes qu’elles liquident par la suite.
Outre le fait que cette stratégie n’est guère profitable à l’emploi, la politique industrielle belge a un deuxième inconvénient majeur : celui de dégrader les comptes extérieurs. Les entreprises qui partent comme la sidérurgie ou l’automobile sont fortement exportatrices. Leur départ dégrade la balance commerciale.
On peut en avoir un aperçu dans le tableau 9 qui retrace l’évolution du solde des échanges de biens par secteur depuis 1988.
Tableau 9. Évolution de la balance commerciale belge par secteur 1988-2012 (en milliards d’euros)

Source : Calculs sur base d’Eurostat, base de données sur le commerce international.
La détérioration la plus marquée se passe entre 2002 et 2008. De largement excédentaire, la balance commerciale (au sens d’Eurostat, c’est-à-dire avec le commerce de transit) reste juste positive. Les deux secteurs qui provoquent en grande partie cette chute sont celui des combustibles (importations de gaz et de pétrole, venant en majorité des Pays-Bas) et de l’automobile [13]. Ils sont à peine compensés par les exportations accrues de médicaments et de produits plastiques (qui devient le domaine phare en matière de balance commerciale, rôle tenu autrefois par l’assemblage de voitures).
Sur ce plan, l’avenir apparaît bien sombre, même si le tableau montre une stabilisation entre 2008 et 2012. En effet, les données n’incorporent pas encore la fermeture de l’usine de Ford Genk, ce qui va occasionner au minimum une perte d’exportations d’au moins deux milliards d’euros. Et l’arrêt de la phase à chaud dans la sidérurgie liégeoise, les menaces sur Caterpillar Gosselies…, tout cela ne va pas redorer le blason belge.
Dans l’amélioration du bien-être général, il n’y a pas de raison d’avoir absolument une balance commerciale excédentaire. Il vaut mieux sans doute ne pas être trop déficitaire, car cela engendre une dépendance vis-à-vis de l’étranger et il faut trouver d’autres ressources pour financer des importations nettes. Mais c’est la logique de la compétitivité qui pousse à devenir et rester fortement exportateur. Remarquons au passage que, depuis que le pays et surtout les régions se sont lancés ardemment dans cette orientation, c’est-à-dire le début des années 2000, les résultats sont paradoxalement une dégradation des comptes commerciaux.
Comme nous l’avons expliqué dans de précédents articles [14], l’existence de l’euro permet aux États de ne pas solder leurs déficits extérieurs… Sauf qu’une importation nette signifie une insuffisance de l’activité productive par rapport aux dépenses de la nation, ce qui se traduit par un manque de recettes fiscales et, dès lors, des problèmes dans les finances publiques. Sauf que l’Union européenne analyse les comptes de chaque pays séparément et se propose de prendre des sanctions contre ceux qui auront des situations jugées désastreuses en matière d’exportations nettes, de dette publique
Dette publique
État d’endettement de l’ensemble des pouvoirs publics (Etat, régions, provinces, sécurité sociale si elle dépend de l’Etat...).
(en anglais : public debt ou government debt)
et de déficit budgétaire
Déficit budgétaire
Différence négative entre ce que les pouvoirs publics dépensent et ce qu’ils reçoivent comme recette durant une période déterminée (souvent un an). Ce déficit peut être compensé par des revenus supplémentaires, par une réduction des dépenses ou par un nouvel emprunt (mais qui se traduira à l’avenir par des charges financières accrues qui grèveront les comptes budgétaires des années suivantes).
(en anglais : general government imbalance, public fiscal imbalance ou deficit spending)
. Sauf que cette même Union - qui porte parfois bien mal son nom - ne promeut aucun mécanisme de solidarité entre les États et même les décourage [15]. Ce sont dans ces difficultés que nagent aussi bien la Belgique que la Wallonie, la Flandre ou Bruxelles.
Et si l’Allemagne avait des ratés
L’actuelle philosophie européenne est d’axer tout sur la compétitivité, de se trouver derrière Berlin et d’en imiter le modèle (si on en est capable). Le problème est que la stratégie allemande est elle-même boiteuse.
Après la réunification (avec la RDA), la classe dominante d’outre-Rhin a mis l’accent sur les exportations et non sur le marché intérieur pour étendre son emprise et ses profits. Grâce aux gouvernements Schröder (socialistes-verts), elle a bénéficié d’une main-d’œuvre de plus en plus flexible, prête à accepter quasi n’importe quel emploi pour ne pas perdre ses allocations éventuelles. Cela a engendré une pression sur les salaires et l’apparition de travailleurs pauvres, comme il en existait surtout dans les pays anglo-saxons. C’est à ces conditions que la balance commerciale s’est largement améliorée. On peut en voir un aperçu avec le graphique 4, qui compare cette évolution au PIB.
Graphique 4. Balance commerciale allemande 1991-2012 (en % du PIB)
Source : Calculs sur base d’Eurostat, base de données sur le commerce international.
Les exportations nettes augmentent très nettement, passant globalement de 0,7% du PIB en 1991 à 3,3% en 1998, puis à 8% en 2008, niveau maximum jusqu’à présent.
Mais la répartition entre ce qui est obtenu avec les autres pays de l’Union et avec le reste du monde est tout aussi intéressante. Dans un premier temps, la progression entre les deux zones est quasiment identique. Avec la crise asiatique en 1997, il y a un premier arrêt de l’expansion extra-européenne. Dans les premières années du nouveau siècle, c’est l’Europe qui tire l’économie allemande, notamment l’Espagne qui achète de nombreuses machines, des voitures haut de gamme à l’industrie allemande. Mais la récession
Récession
Crise économique, c’est-à-dire baisse du produit intérieur brut durant plusieurs mois au moins.
(en anglais : recession ou crisis)
dans la zone euro bloque cette progression. D’où les firmes allemandes se tournent de plus en plus, et avec un certain succès, vers le reste du monde, les pays dits émergents entre autres (Brésil, Russie, Inde, Chine, Turquie, etc.).
Fait significatif : le déficit commercial allemand vis-à-vis de la Chine, qui s’établissait encore à plus de 17 milliards d’euros en 2008, s’est transformé en excédent depuis 2011 ; une exportation nette portée à plus de 5 milliards d’euros en 2012. Et qu’est-ce que les Chinois achètent subitement de plus en plus massivement à la nation européenne ? Des voitures de luxe comme des BMW, des Mercedes ou des Audi, qui sont encore majoritairement produits en Allemagne. Symptôme aussi de l’apparition d’une importante classe relativement aisée dans ces États à la croissance très rapide.
Seulement Berlin ne va-t-il pas connaître le même problème qu’avec les régions méridionales de l’Union ? Quand le modèle de développement est épuisé, quand il ne parvient plus à engendrer suffisamment de revenus, les importations allemandes baissent avec d’ailleurs l’ensemble de la consommation nationale du pays importateur. Il faut alors, pour les transnationales allemandes, trouver de nouveaux marchés à conquérir. C’est un processus sans fin, mais sur une terre finie. De toute façon, dans la logique de la compétitivité, ou plutôt dans son illogisme, une nation exportatrice veut dire qu’il y en a une autre qui importe, une autre qui plonge dans ses ressources domestiques pour financer ses achats et qui, dès lors, devient petit à petit exsangue.
C’est une stratégie hautement agressive. Il s’agit d’aller tirer des revenus sur une demande étrangère, qui initialement devrait profiter à une production locale. On met ainsi des États, des régions en difficulté. Est-ce que ces pays émergents vont rester passifs ou entreprendre des rétorsions comme des quotas d’importation ou des droits douaniers ? On n’est plus dans le grand marché intérieur européen qui professe le libre-échange comme seul principe directif des échanges.
On peut voir un exemple très concret de cette agressivité dans les relations entre constructeurs automobiles. Dans ce secteur, le marché européen est traditionnellement contrôlé par six transnationales : Volkswagen, Peugeot (PSA), Renault, Fiat, Ford Europe et GM Europe (Opel). Le graphique 5 présente l’évolution des parts de marché de ces six firmes depuis 1990.
Graphique 5. Parts de marché des constructeurs en Europe 1990-2012 (en %)
Source : Calculs sur base d’ACEA (Association des constructeurs européens automobiles), Historical series : 1990-2012 : New Passenger Car Registrations by manufacturer : http://www.acea.be/images/uploads/files/20120806_06_PC_90-12_By_Manufacturer_W_Europe.xls.
Au départ, les six entreprises se trouvent dans une situation assez proche. En fait, ils étaient même au coude à coude dans les années 80. Dans les années 90, les positions se maintiennent plus ou moins, avec des hausses et des baisses pour chaque compagnie. Volkswagen en tête conforte néanmoins son avance. En 2004, il détient 18% du marché européen.
Il va mener une politique de plus en plus ambitieuse. Son objectif est de devenir en 2018 le premier constructeur mondial, avec des ventes dépassant les 10 millions de véhicules. Actuellement, il est troisième, avec 9,3 millions vendus (derrière Toyota 9,7 millions et GM 9,5 millions). Il attaque l’Europe par le haut grâce à sa marque Audi et par le bas grâce à sa filiale tchèque, Skoda. Les autres constructeurs, qui n’ont pas de véritable marque « low cost » [16], ni de modèle au-delà de la berline familiale, sont pris en tenaille. Résultat : Volkswagen passe à près de 25% en 2012, alors que tous les autres voient leurs parts se réduire. Dans ce cadre, ceux-ci sont obligés de fermer des usines : Opel Anvers et bientôt Bochum, Ford Genk, PSA Aulnay…
Dans ce cadre, les transnationales ont demandé à l’Union européenne de concocter un plan similaire à celui de la sidérurgie dans les années 70 : arrêter de façon progressive, volontaire et rationnelle les outils, avec des aides publiques à la clé.
La réaction de Volkswagen ne s’est pas fait attendre. Christian Klinger, responsable des ventes et du marketing, a répliqué : « Le débat des surcapacités de mon point de vue n’est peut-être pas le bon. Pour moi, le débat doit porter sur la compétitivité. Finalement, quand on est compétitif, très compétitif, la question sur la capacité ne se pose pas au même niveau ». [17] Évidemment, cela ne pose pas, puisqu’on détruit les concurrents et on reprend leurs parts de marché. Dès lors, les usines peuvent tourner à plein régime.
Ce qui se passe dans l’automobile peut très bien arriver à une autre échelle au niveau des relations entre États.
Dans ces conditions, s’arrimer à la croissance allemande comme le fait actuellement la Belgique (mais aussi les Pays-Bas et les pays de l’est proches comme la Pologne, la Tchéquie ou la Slovaquie) risque de s’avérer dangereux. Tant que la stratégie allemande fonctionne, on peut espérer en profiter, en récolter les miettes. Mais si tout le monde s’y attache, il y aura déjà une bataille entre États pour s’accrocher les meilleures faveurs de Berlin. En revanche, dès qu’il y a des problèmes, des déconvenues, des blocages des exportations, la situation pourrait se compliquer très rapidement. Le plus important est qu’on n’est plus du tout maître du jeu.
On ferme ?
La Belgique et les régions ont opté résolument pour une stratégie de compétitivité dans le but de continuer à se développer. C’est une orientation très contestable au niveau social, puisque cela fait des travailleurs des soldats dans la gigantesque guerre commerciale que se mènent les pays et les contrées les uns contre les autres. Mais, dans le cas belge, c’est autrement dommageable.
On perd la maîtrise sur son propre développement économique. On laisse ce choix entre les mains d’acteurs privés dont le but est le profit et certainement pas le bien-être régional.
De ce fait, les pouvoirs publics tentent d’attirer des transnationales sur leur territoire. Mais, pour cela, il faut passer sous leurs fourches caudines. Elles doivent pouvoir venir, mais partir aussi vite qu’elles sont arrivées. D’où des conséquences assez désastreuses sur la structure industrielle belge, où ce pays autrefois largement manufacturier laisse filer ses secteurs qui ont fait sa gloire comme la sidérurgie ou l’automobile, mais aussi le textile, le verre, après avoir fermé déjà les charbonnages ou la construction navale. Il y aurait certainement moyen de faire mieux, en profitant des qualifications et des spécialisations acquises au cours des siècles par les salariés belges.
Cet abandon industriel n’est pas sans conséquence économique. Il ne s’agit pas simplement d’une mutation, mais d’une destruction nullement créatrice. En effet, la production de biens permet de vendre à l’étranger et donc d’acheter des ressources que le pays ne possède pas. En revanche, nombre de services n’offrent pas cette possibilité et, au contraire, consomment des marchandises fabriquées hors des frontières. D’où une dégradation de la balance commerciale.
De plus en plus, la politique économique
Politique économique
Stratégie menée par les pouvoirs publics en matière économique. Cela peut incorporer une action au niveau de l’industrie, des secteurs, de la monnaie, de la fiscalité, de l’environnement. Elle peut être poursuivie par l’intermédiaire d’un plan strict ou souple ou par des recommandations ou des incitations.
(en anglais : economic policy).
belge est de s’accrocher à la locomotive allemande, là où le pays exporte le plus et où les relations économiques sont les plus fortes. Mais c’est très dangereux. Les différents gouvernements ne sont plus maîtres du jeu. Ils dépendent des performances allemandes. Et les différences régionales, hautement soulignées dans les médias, sont en fait très faibles.
Cette stratégie à la petite semaine, qui consiste surtout à brûler un cierge à la croissance allemande, pourrait être utilement remplacée par une autre, fondée sur des véritables services publics au service de la population [18]. Ce serait bien plus profitable à l’emploi et aux besoins de chacun.