Photo : "Binary code", Christiaan Colen, Creative Commons, via Flickr

Assureurs, sociétés spécialisées dans le « bien-être » et grandes entreprises pourraient bientôt travailler main dans la main en partageant des données concernant la prescription de médicaments pour leurs employés, les lieux où ils font leurs emplettes ou encore la manière dont ils votent. Une pratique déjà en œuvre outre-Atlantique.

Pour les entreprises, officiellement, il s’agit de prévenir les risques de développer certaines pathologies et ainsi contribuer au bien-être des salariés tout en réduisant les coûts de l’assurance-maladie. Du « win-win » comme on pourrait l’entendre dans le jargon de la communication d’entreprise.

Le directeur de Deloitte LLP’s Center for Health Solution, la branche recherche de la firme de consultance spécialisée dans les pratiques de santé en entreprises, explique à propos de cette nouvelle méthode : « Je parie que je pourrais mieux prédire une attaque cardiaque en fonction du lieu où vous faites vos courses et où vous mangez qu’avec votre génome » avant d’ajouter qu’un « employé qui dépense de l’argent dans un magasin de vélo est plus enclin à garder sa bonne santé que quelqu’un qui le dépenserait dans les jeux vidéo » [1]. La logique semble implacable.

Légalement, il n’est (heureusement) pas possible pour un employeur d’avoir directement accès aux informations concernant l’état de santé de ses employés. C’est pour cette raison que de grandes firmes se tournent désormais vers les sociétés spécialisées dans le bien-être, comme Castlight Healthcare Jiff Inc. ou ActiveHealth Management Inc. pour obtenir ce type de données. Dans ce cas, la collecte auprès des compagnies d’assurance ou d’autres entreprises liées à la santé peut être autorisée aux États-Unis.

Ainsi, les entreprises pourront anticiper la plus ou moins forte probabilité d’une personne de connaitre des problèmes de santé, des maux de dos par exemple. Comme l’explique le Wall Street Journal [2], le coût d’une opération chirurgicale sur la colonne vertébrale peut avoisiner les 20.000 dollars, voire plus. Mais une seconde étude a montré que 30% des employés qui avaient effectué une deuxième consultation dans des centres médicaux réputés renonçaient à l’option Option Contrat où un acquéreur possède le droit d’acheter (option dite « call ») ou de vendre (option dite « put ») un produit sous-jacent (titre, monnaie, matières premières, indice...) à un prix fixe à une date donnée, moyennant l’octroi une commission au vendeur. C’est un produit dérivé.
(en anglais : option).
chirurgicale.

C’est à ce moment que des entreprises transnationales, à la tête desquelles on peut trouver Walmart, vont s’intéresser au sujet et faire appel à ces sociétés spécialisées dans le bien-être pour identifier et prendre contact avec des travailleurs souffrant de maux de dos. Une fois identifiés, les travailleurs concernés reçoivent des informations à propos de mesures qui pourraient retarder ou éviter une opération chirurgicale, comme la consultation de kiné ou d’autres spécialistes pour avoir une autre opinion.

Pour parvenir à leurs conclusions, Castlight ou les autres sociétés spécialisées vont collecter les demandes d’indemnisation liées à des maux de dos auprès des assurances, s’intéresser aux clichés des cabinets de radiographie ou collecter les ordonnances pour des médicaments liés à cette même pathologie. Certaines firmes achètent des informations sur les habitudes de consommation des travailleurs auprès de courtiers en données (data brokers) [3].

En recoupant les données, il devient ainsi possible d’avoir une idée des comportements et de l’état de santé d’une personne. De la même manière, il sera possible d’attribuer une probabilité pour une femme de tomber enceinte en regardant son âge, ou celui de ses enfants couplés à des informations concernant le remboursement de contraceptifs ou des recherches faites sur l’une des applications smartphone de Castlight concernant la fertilité. Pour le diabète, il sera possible de déterminer le risque pour une personne en fonction de ses niveaux de glucose. Mais, selon les entreprises, les informations collectées le sont pour la santé du travailleur et la prévention des maladies.

Un intérêt pour les employeurs serait de réduire le taux d’arrêts maladies de longue durée et ainsi réaliser des économies. Les assureurs pourraient également ajuster leurs tarifs en fonction de la probabilité pour un affilié de tomber malade.

Prochaine étape : l’embauche sur critères médicaux ou en fonction de la probabilité de tomber enceinte ? Les licenciements pour raisons médicales ?

Sources :

Wall Street Journal, Bosses tap outside firms to predict which workers might get sick, 17 février 2016. Disponible à cette adresse : http://www.wsj.com/articles/bosses-harness-big-data-to-predict-which-workers-might-get-sick-1455664940

RTS, l’achat de données sur la santé des employés, une réalité aux États-Unis, 18 février 2016. Disponible à cette adresse : http://www.rts.ch/info/sciences-tech/reperages-web/7505497-l-achat-de-donnees-sur-la-sante-des-employes-une-realite-aux-etats-unis.html