Il est beaucoup question depuis quelques années, dans diverses arènes publiques, de la "responsabilité sociale des entreprises". Nous pensons que ce concept mérite d’être élargi. Explication.

Lorsque nous disons que les entreprises ont une responsabilité, vis-à-vis par exemple du développement du Sud, cela signifie que nous sommes convaincus que certaines décisions des entreprises du Nord peuvent avoir des conséquences positives et négatives, pour les peuples du Sud. Il importe dès lors de s’interroger sur le sens de cette liaison entre une (des) décision(s) et une (des) conséquence(s).

Parler de conséquences, c’est établir un lien direct entre la décision et sa (ou ses) conséquence(s). Ce qui veut dire, en tout cas en première analyse, parler d’un lien de cause à effet. Et, ici, on peut déjà faire une première subdivision : il peut y avoir des conséquences directes et d’autres qui sont indirectes, voire non visibles (ou en tout cas invisibles à court terme).

On se trouve donc, méthodologiquement pourrait-on dire, devant une série de questions qu’on peut aborder par l’un ou l’autre bout de la chaîne de causalité.

On peut partir de la décision de l’acteur privé du Nord : "Moi, entreprise X, je décide de vendre telle quantité de tel produit à tel prix dans tel pays". Cela, c’est la décision.

Ou encore : "Moi, entreprise Y, je décide de racheter telle ou telle entreprise publique d’un certain pays du Sud dont le gouvernement a décidé la privatisation, et donc la vente". Cela, c’est aussi une décision.

Ces décisions vont en être suivies d’autres. Par exemple, dans le premier cas, je décide de vendre par l’intermédiaire de tel ou tel distributeur local, en laissant à celui-ci une marge de service plus ou moins importante, ou encore, je décide d’envoyer des agents commerciaux à partir de mon siège social vers le pays en question.

Dans le second exemple, la décision d’achat de l’entreprise doit être suivie d’une série d’autres : par exemple :

Que vais-je faire de l’entreprise ?
Je la laisse fonctionner comme elle était ?
Je me contente de nommer de nouveaux directeurs (locaux ou immigrés) ?
Je décide de démanteler l’entreprise rachetée ?
D’en vendre une partie ?
De la moderniser ? Etc.

Dans chacune des multiples éventualités des "chaînes de décisions", il peut y avoir des conséquences, pour les peuples du Sud, mais aussi du Nord, en termes d’emploi, de concurrence avec les entreprises locales, de fiscalité, de valeur ajoutée Valeur ajoutée Différence entre le chiffre d’affaires d’une entreprise et les coûts des biens et des services qui ont été nécessaires pour réaliser ce chiffre d’affaires (et qui forment le chiffre d’affaires d’une autre firme) ; la somme des valeurs ajoutées de toutes les sociétés, administrations et organisations constitue le produit intérieur brut.
(en anglais : added value)
pour le pays, …

Ce qu’il faut parvenir à déterminer c’est, d’une part, les liens entre telle ou telle décision et telle ou telle conséquence, et ceci une fois établie une évaluation de ce que cela signifie pour le pays du Sud concerné.

On peut aussi partir de l’autre bout de la "chaîne" et constater telle ou telle situation de développement (ou de sous-développement, ou de mal-développement) et s’interroger sur le rôle des acteurs privés du Nord dans cette situation.

Etablir le lien de cause à effet, c’est se poser la question de l’imputabilité ; cela doit s’opérer au travers d’études d’impact qui n’ont de sens que dans un contexte historique et territorial déterminé. Tout comme en matière d’environnement, ces études sont une méthodologie essentielle. On en vient donc tout naturellement à suggérer l’obligation de mener des études d’impact ; ce qui va évidemment à l’encontre des pratiques de laisser faire, laisser aller les marchés.

Proposer de mesurer (si possible à l’avance, et sinon tout au moins en cours, avant qu’il ne soit trop tard) l’impact des décisions économiques du Nord sur les peuples du Sud est donc une conclusion naturelle de la constatation qu’il y a des décisions des acteurs privés du Nord qui ont des conséquences pour les peuples du Sud, ce qui est une évidence.

Cela ne signifie pas que ce soit aisé, ou facilement réalisable. Et cela suppose aussi qu’on ait une bonne réflexion et une bonne analyse des processus du développement.

Dans un certain nombre de cas - et nous avons cité plusieurs exemples au début de ce travail -, le lien de cause à effet est très clair et les conséquences sont nettement établies par les analyses sur le terrain. On pourrait évidemment citer de nombreux autres cas. La catastrophe de Bhopal en est un exemple dramatique.

 L’exemple des conséquences environnementales

Prenons le cas des conséquences environnementales. Il peut, pensons-nous, bien faire comprendre notre démarche sur la Responsabilité Économique des Entreprises.

Dans le domaine de l’environnement, on est passé (ceci est bien sûr très schématique) de la constatation de certains dommages à l’environnement, à l’application du principe pollueur-payeur, à des mesures préventives (de plus en plus globales, mondiales - Rio, Agenda 21, etc. -, mais dans l’autre sens, de plus en plus spécifiques, locales) pour éviter certains dommages, et de là, à une conception beaucoup plus large qui est celle du développement durable et à la systématisation des études d’impact, et de plus en plus souvent à l’utilisation du principe de précaution (voir OGM).

Nous pensons qu’un tel processus est aussi envisageable dans le cadre de la Responsabilité Économique des Entreprises : - de la constatation d’un certain nombre de cas, on va passer à l’établissement de certaines relations de cause à effet, à la demande de réparation des dommages pour déboucher sur des orientations plus globales, des études d’impact et l’application du principe de précaution.

 Du caractère irréversible de certaines décisions économiques

Si on examine un certain nombre de cas, on ne peut qu’être frappé par le caractère irréversible de certaines décisions économiques, en particulier lorsque celles-ci ont pour conséquence la destruction d’un milieu de vie qui constitue la principale ressource d’une population (cas des crevettes ou des réserves halieutiques). Mais ce qui est vrai pour la destruction de certaines ressources environnementales l’est aussi pour les potentialités du développement économique. Lorsque l’importation à bas prix dans les pays africains, de " bas morceaux de viande " aboutit à l’impossibilité pour les éleveurs africains de vendre leur viande, la destruction des troupeaux a très souvent un caractère irréversible.

Il peut en être de même, par exemple, lorsque des entreprises textiles artisanales sont mises en faillite par l’importation de vêtements de seconde main.

C’est un ensemble de connaissances des métiers, des circuits d’approvisionnement et de livraison, de matériels spécifiques qui est détruit, et cela de manière largement irréversible.

On peut, de cette constatation du caractère irréversible de certaines situations économiques, tirer la conclusion de la nécessité de l’application ici du principe de précaution.

Finalement, le droit à la concurrence de l’Union européenne Union Européenne Ou UE : Organisation politique régionale issue du traité de Maastricht (Pays-Bas) en février 1992 et entré en vigueur en novembre 1993. Elle repose sur trois piliers : les fondements socio-économiques instituant les Communautés européennes et existant depuis 1957 ; les nouveaux dispositifs relatifs à la politique étrangère et de sécurité commune ; la coopération dans les domaines de la justice et des affaires intérieures. L’Union compte actuellement 27 membres : Allemagne, Belgique, France, Italie, Luxembourg, Pays-Bas (1957), Danemark, Irlande, Royaume-Uni (1973), Grèce (1981), Espagne, Portugal (1986), Autriche, Finlande, Suède (1995), Chypre, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Malte, Pologne, Slovaquie, Slovénie, Tchéquie (2004), Bulgarie, Roumanie (2007).
(En anglais : European Union)
, qui aboutit à interdire certaines fusions d’entreprises susceptibles de limiter la concurrence, ne relève-t-il pas de la même démarche ?

Mais, d’autre part, il est bien clair que l’on touche ici à un des grands paradigmes de l’économie capitaliste, si bien mis en valeur par Schumpeter lorsqu’il a parlé du processus de destruction-créatrice du capitalisme Capitalisme Système économique et sociétal fondé sur la possession des entreprises, des bureaux et des usines par des détenteurs de capitaux auxquels des salariés, ne possédant pas les moyens de subsistance, doivent vendre leur force de travail contre un salaire.
(en anglais : capitalism)
.

Les " Normes sur l’activité des multinationales " adoptées par la sous-commission des droits de l’homme des Nations Unies et les "vagues" que ces normes soulèvent, malgré leurs insuffisances, montrent la pertinence du problème.

Nous n’échapperons pas à une réflexion sur cette question, à savoir la nécessité d’établir des critères qui mettent en balance avantages et inconvénients.

 "Accountability" et responsabilité

"Rendre compte" ou "rendre des comptes", telle est la manière dont on pourrait grosso modo traduire l’expression "accountability", si largement présente aujourd’hui dans les réflexions sur la gouvernance, l’entreprise citoyenne, la responsabilité sociale des entreprises.

Il faut souligner l’importance de ce concept. Il constitue un point de passage obligé. De plus, il est un extraordinaire point de départ car on voit bien que "rendre compte" ou "rendre des comptes", c’est par rapport à "quelqu’un" ou à "quelques-uns". On ne rend pas des comptes en l’air. Or, dès ce moment-là, on voit bien que l’action des entreprises privées ne concerne pas seulement leurs actionnaires, et leurs travailleurs, mais aussi les Etats, les collectives locales, les générations actuelles et futures.

Et rendre des comptes signifie aussi qu’on dit ce qu’on a fait par rapport à l’objectif qu’on s’est fixé. Dès lors, c’est une autre piste qui s’ouvre : celle de la fixation des objectifs (voire la manière plus ou moins démocratique dont ces objectifs ont été fixés).

Pour nous, l’"accountability" (rendu parfois en français par "redevabilité") constitue le point de départ et le point de passage obligé de notre réflexion sur la responsabilité économique.

 La responsabilité économique

Le terme de responsabilité peut être pris au sens juridique (formel) et au sens moral. Il nous semble que la définition donnée par le Dictionnaire de la philosophie est très claire à ce propos.

"Etre responsable d’un acte c’est reconnaître en être l’auteur et en accepter les conséquences, c’est-à-dire les sanctions. Au sens le plus strict, on est responsable d’un acte :
 quand on l’a voulu et accompli soi-même
 quand on l’a voulu sans l’accomplir soi-même
 quand on l’a accompli soi-même sans le vouloir
 quand on l’a ni voulu ni accompli soi-même mais qu’il dépendait de nous de l’éviter.
On distingue à cet égard différents degrés de responsabilité selon qu’il s’agit de la responsabilité civile ou pénale (1er et 3e cas) ou de la responsabilité morale (cas 2e et 4e).
Les conditions de la responsabilité sont : l’existence d’une loi (sociale ou morale), la possession de la raison (les déments sont irresponsables) et la liberté (on n’est pas responsable d’un acte accompli sous la contrainte)" [1]

Manifestement, à moins de considérer que les entreprises sont démentes ou non libres, et dès le moment où il y a le "droit au développement" de tous les peuples, les conditions de la possible responsabilité sont remplies. A condition de distinguer les niveaux macro, méso et micro.

A partir de cette réflexion, on peut démontrer, nous semble-t-il, que la responsabilité est quelque chose de complexe, que les situations sont diverses et qu’on ne peut pas réduire la question de la responsabilité à une imputabilité claire, définie une fois pour toutes.

Dans le schéma ci-après, on a tenté de dresser le tableau de ce que nous nous permettons d’appeler la filière de la responsabilité ou sa "traçabilité".

Le point de départ 1 est évidemment la décision -ou les décisions - des acteurs privés du Nord. Il existe des tas de décisions des acteurs privés du Nord qui n’ont pas de conséquences dans le Sud. Ces décisions - et c’est le segment 2 - ont des conséquences prévues ou prévisibles et d’autres qui ne sont pas prévues, voire qui sont imprévisibles. On introduit là l’idée de conséquences secondaires ou dommages collatéraux. Ceux-ci peuvent être prévus ou imprévus. Dans le domaine environnemental, de telles situations sont courantes. C’est pourquoi on y fait des études d’impact et on applique le principe de précaution. Insistons une fois de plus que ces "conséquences" prévues ou imprévues, peuvent être positives tout comme négatives.

Si on passe au segment 3 de notre réflexion, on peut distinguer les conséquences où il y a responsabilité directe et où la responsabilité est indirecte (ce qui équivaut souvent à parler de coresponsabilité). Celle où il y a comme on dit " responsabilité sans faute ".

La distinction entre ces trois " situations " est importante. La responsabilité directe se comprend aisément. On parle de responsabilité indirecte, par exemple, mais pas uniquement, lorsque la "conséquence" est imputable à un sous-traitant, une filiale, un co-investisseur, etc. Cette responsabilité est établie juridiquement aujourd’hui dans le cas d’un produit défectueux qui arrive au consommateur, le "défaut" ayant pris naissance quelque part dans la filière mais le grossiste ou le détaillant est considéré comme co-responsable. Tel est le nom de la réglementation européenne actuelle sur la protection des consommateurs.

Par ailleurs, on peut faire référence ici à tous les travaux juridiques qui ont été menés sur la responsabilité des multinationales vis-à-vis de leurs filiales, sous-traitants, etc. [2]

Enfin, on parlera de responsabilité sans faute lorsqu’un acteur privé " provoque " une conséquence, même s’il ne sait pas qu’il va la provoquer. L’exportateur européen de produits agricoles qui, grâce aux subsides de l’UE UE Ou Union Européenne : Organisation politique régionale issue du traité de Maastricht (Pays-Bas) en février 1992 et entré en vigueur en novembre 1993. Elle repose sur trois piliers : les fondements socio-économiques instituant les Communautés européennes et existant depuis 1957 ; les nouveaux dispositifs relatifs à la politique étrangère et de sécurité commune ; la coopération dans les domaines de la justice et des affaires intérieures. L’Union compte actuellement 27 membres : Allemagne, Belgique, France, Italie, Luxembourg, Pays-Bas (1957), Danemark, Irlande, Royaume-Uni (1973), Grèce (1981), Espagne, Portugal (1986), Autriche, Finlande, Suède (1995), Chypre, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Malte, Pologne, Slovaquie, Slovénie, Tchéquie (2004), Bulgarie, Roumanie (2007).
(En anglais : European Union)
, peut exporter à des prix de dumping n’est peut-être pas conscient qu’il détruit l’agriculture paysanne africaine. C’est un cas typique de responsabilité sans faute.

C’est peut-être au niveau du segment 4 qu’on saisit le mieux toute l’ampleur de la responsabilité économique. En effet, la REE concerne toutes les conséquences, positives et négatives, non seulement pour les entreprises du Sud et leurs travailleurs, mais aussi pour la population en général et pour l’environnement (générations présentes et futures).

C’est probablement par ce schéma qu’on voit le mieux ce qui distingue notre réflexion sur la responsabilité économique du courant " soft law " sur la responsabilité sociale des entreprises. C’est seulement en prenant le schéma dans toute son ampleur, avec tous les aspects des différents segments qu’on pourrait parler d’"entreprise citoyenne".

 Réflexions complémentaires sur la Responsabilité Économique

Sur la base de ce qui précède, on peut faire quelques propositions de réflexions susceptibles de faire avancer "l’état des idées" sur la responsabilité économique des entreprises.

Si les entreprises revendiquent à juste titre un rôle important dans le développement des pays, il faut aussi que la contrepartie de la reconnaissance de ce rôle primordial soit la reconnaissance de leurs responsabilités.

On ne peut pas à cet égard se contenter de réduire cette responsabilité au paiement des "dommages" causés directement par leur activité (par exemple le cas de Bhopal). Il y a une responsabilité beaucoup plus large, aujourd’hui massivement reconnue dans le domaine environnemental, qui ne s’arrête pas au principe du "pollueur-payeur". Le cas des compagnies pétrolières qui sous-traitent le transport du pétrole brut à des compagnies qui sont entièrement dépendantes par rapport à elles est devenu emblématique dans les cas de pollutions célèbres.

Bien plus largement, il y a donc au-delà de la stricte responsabilité pénale, une large responsabilité morale qui découle au surplus du formidable pouvoir acquis par certaines entreprises multinationales. On ne pourra pas indéfiniment, en particulier dans le cadre d’une mondialisation de plus en plus libre-échangiste, ignorer la responsabilité, en tout cas morale, qui découle de ces situations de pouvoir.

Il ne suffit pas à cet égard de se contenter de dire que "les Etats n’ont qu’à prendre les dispositions législatives et réglementaires en la matière, et les entreprises s’y soumettront." Une telle hypocrisie n’est évidemment pas défendable compte tenu du fait que non seulement la plupart des Etats ont peur de prendre des mesures qui "éloigneraient" les investisseurs, mais au surplus sont empêchés de prendre ce type de mesure, soit par les accords en matière d’investissement Investissement Transaction consistant à acquérir des actifs fixes, des avoirs financiers ou des biens immatériels (une marque, un logo, des brevets…).
(en anglais : investment)
, soit par les accords internationaux (OMC OMC Organisation mondiale du Commerce : Institution créée le 1er janvier 1995 pour favoriser le libre-échange et y ériger les règles fondamentales, en se substituant au GATT. Par rapport au GATT, elle élargit les accords de liberté à des domaines non traités à ce niveau jusqu’alors comme l’agriculture, les services, la propriété intellectuelle, les investissements liés au commerce… En outre, elle établit un tribunal, l’organe des règlements des différends, permettant à un pays qui se sent lésé par les pratiques commerciales d’un autre de déposer plainte contre celui-ci, puis de prendre des sanctions de représailles si son cas est reconnu valable. Il y a actuellement 157 membres (en comptant l’Union européenne) et 26 États observateurs susceptibles d’entrer dans l’association dans les prochaines années.
(En anglais : World Trade Organization, WTO)
, Programmes d’Ajustement Structurel, etc.).

On ne pourra sans doute pas se contenter de se remettre à la bonne volonté des entreprises, comme c’est généralement le cas dans le cadre de la Responsabilité sociale des entreprises. Non seulement ceci créé des différences fortes entre entreprises, mais au surplus, si dans le cadre de la responsabilité sociale il est possible d’établir un "catalogue" de mesures à respecter formellement (comme les Conventions de base du Bureau international du travail), on ne peut se limiter à cet aspect formel dans le cadre de la Responsabilité économique des entreprises, compte tenu de la multiplicité des "domaines" où interviennent les conséquences économiques.

Pour avancer dans la question de la Responsabilité économique des entreprises, on peut faire référence à des "domaines" qui pourraient constituer des espèces de "référence" : toutes les avancées des dernières années dans le domaine de la protection de l’environnement peut être invoquée ici. Qu’il s’agisse des études d’impact, du principe pollueur-payeur, mais aussi du dépassement de ce principe, des réglementations préventives, de la perception de la dimension nécessairement internationale des problèmes (le nuage de Tchernobyl ne connaît pas de frontière et la réglementation sur les OGM doit être au minimum européenne) du principe de précaution. Mais on peut aussi invoquer la réglementation sur les abus de puissance économique, et en particulier la réglementation européenne sur le droit de la concurrence avec les notions de déclaration préalable, de marché Marché Lieu parfois fictif où se rencontrent une offre (pour vendre) et une demande (pour acheter) pour un bien, un service, un actif, un titre, une monnaie, etc. ; un marché financier porte sur l’achat et la vente de titres ou d’actifs financiers.
(en anglais : market)
pertinent, de position dominante, etc. Mentionnons encore la réglementation, également européenne, non seulement sur la "traçabilité" en matière agroalimentaire, mais aussi sur la coresponsabilité vis-à-vis des consommateurs, de produits défectueux.

S’il est clair que dans certains cas la responsabilité directe des entreprises peut être précisée, il est tout aussi clair que dans de nombreux cas le rapport cause à effet est moins précis et l’imputabilité difficile à éclaircir. Il en découle que c’est seulement dans la mesure où les "pouvoirs organisateurs" de l’économie (c’est-à-dire les Etats et les autres Pouvoirs Publics, y compris intergouvernementaux) ont des "objectifs clairs" et une vision lucide des moyens de les atteindre si bien qu’on peut penser que les "décisions" des acteurs privés pourraient être analysées sérieusement.

(Cette analyse, qui introduit le concept de "responsabilité économique des entreprises) sera insérée dans une étude plus approfondie analysant le droit au développement et la responsabilité économique des entreprises).

 


Pour citer cet article :

René De Schutter, "La responsabilité économique des entreprises", Gresea, Novembre 2004. Texte disponible à l’adresse :
http://www.gresea.be/spip.php?article1632



Notes

[1Pp 259-260, Dictionnaire de la philosophie Larousse, Didier Julia, Paris 1984, 304 p.

[2Voir, par exemple, le colloque organisé par le GRESEA " Les entreprises multinationales et les droits de l’homme : agir contre l’impunité ", 5 décembre 2002, Bruxelles, avec la collaboration du Centre de philosophie du droit de l’UCL (CPDR) et la Ligue des droits de l’homme.