Cette analyse, publiée dans le n°164/165 (décembre 2011) de "Bis", périodique du Conseil bruxellois de coordination sociopolitique – www.cbcs.be – s’inscrit dans la réflexion collective sur la "participation des pauvres à la politique que le CBCS a entamé en 2011 avec la Fédération des centres de service social, le Forum bruxellois de lutte contre la pauvreté et l’Agence Alter.

Sans doute faut-il d’abord situer. Lorsqu’on parle de participation des pauvres, on se trouve d’emblée devant une double question. Pourquoi faire des pauvres une catégorie ? Et de la participation un "processus" ? Avec, déjà, cette hypothèse : ils vont de pair.

Avec les pauvres, en tant que catégorie, on est loin des "misérables" de Zola et proche des "exclus" de la bien-pensance ambiante. C’est d’évidence un concept malheureux : qui n’est pas exclu de quelque chose ? Les Riches [1], par exemple, jetés dans un même sac – ou les Juifs, les Roux, les Belles-Mères, les Licornes, les Femmes, les Handicapés, les Flamands Roses que chantait Brel, tout ce qui fait Diversité, autre concept boiteux véhiculé par le marketing politique.

La catégorie est, pour le critique d’art, un "ready-made" qui masque mal sa fonction normative : qui dit exclu, dit non inclus, une erreur de programmation sociale qui va justifier des politiques de "cohésion sociale", c’est gentil, c’est artificiel, c’est totalement trompeur. Dans la tradition de gauche, ce discours, qui nie les antagonismes sociaux et qui dépolitise, sera d’office perçu comme inter-classiste et, comme tel, rejeté. Les "exclus", pas plus que les flamands roses, ne constituent une classe sociale Classe sociale Catégorie d’individus ayant et vivant une même situation face à la propriété privée des moyens de production. Une classe possède en exclusivité les outils, équipes et richesses permettant d’assurer l’existence des êtres humains. C’est la classe dominante ou dirigeante. Par rapport à cela, les autres sont obligés de travailler au service des premiers (classe(s) dominée(s) ou exploitée(s)). La similitude de situation pousse les membres d’une même classe sociale à agir en commun, comme un groupe intégré.
(en anglais : social class)
. Les "pauvres" ? Cela se discute. Auparavant, on disait "les classes dangereuses".

La participation, en tant que processus, fait tout autant problème. Qui va participer, au nom de quoi, sous quelle forme, dans quel but, grâce à qui – voire, pour mettre les points sur les "i" : qui en a eu l’idée, qui va organiser, qui va encadrer et qui va tirer les conclusions ? Cela, aussi, mérite discussion.

 Acteurs non étatiques ?

Ici, cependant, on va se contenter d’en esquisser le cadre conceptuel dans une perspective internationaliste et tiers-mondiste. Car les peuples de la périphérie, dits indifféremment pauvres, du Sud ou "en développement" ("sous-développés" jusqu’il y a peu), ces habitants des "nations prolétaires" selon la formule heureuse de Pierre Moussa (1960), donc, en connaissent un bout sur la participation. Ce n’est pas un truc qu’ils ont inventé. C’est venu parmi les colis transportés par les C-130 de la Coopération au développement.

C’est en effet dans les coulisses de la Banque mondiale Banque mondiale Institution intergouvernementale créée à la conférence de Bretton Woods (1944) pour aider à la reconstruction des pays dévastés par la deuxième guerre mondiale. Forte du capital souscrit par ses membres, la Banque mondiale a désormais pour objectif de financer des projets de développement au sein des pays moins avancés en jouant le rôle d’intermédiaire entre ceux-ci et les pays détenteurs de capitaux. Elle se compose de trois institutions : la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD), l’Association internationale pour le développement (AID) et la Société financière internationale (SFI). La Banque mondiale n’agit que lorsque le FMI est parvenu à imposer ses orientations politiques et économiques aux pays demandeurs.
(En anglais : World Bank)
qu’ont été élaborés les dispositifs centrés autour de la "lutte contre la pauvreté" dont un des instruments principaux sera voué à la "participation" de la société civile (via, sous-dispositifs, le "renforcement des capacités" et, de signature anglo-saxonne, "l’empowerment"). C’est flagrant dans l’accord de Cotonou Accord de Cotonou Convention conclue en 2000 entre l’Union européenne et 79 pays ACP pour succéder aux différents accords de Lomé. Elle vise avant tout à insérer les pays ACP dans l’économie mondiale en libéralisant les échanges, moyennant une aide conditionnée des États européens. Une clause a été ajoutée pour renvoyer chez eux les immigrés clandestins de ces pays en Europe. Le traité a été signé pour vingt ans, renouvelable tous les cinq ans.
(En anglais : Cotonou Agreement)
de 2000 par lequel l’Union européenne Union Européenne Ou UE : Organisation politique régionale issue du traité de Maastricht (Pays-Bas) en février 1992 et entré en vigueur en novembre 1993. Elle repose sur trois piliers : les fondements socio-économiques instituant les Communautés européennes et existant depuis 1957 ; les nouveaux dispositifs relatifs à la politique étrangère et de sécurité commune ; la coopération dans les domaines de la justice et des affaires intérieures. L’Union compte actuellement 27 membres : Allemagne, Belgique, France, Italie, Luxembourg, Pays-Bas (1957), Danemark, Irlande, Royaume-Uni (1973), Grèce (1981), Espagne, Portugal (1986), Autriche, Finlande, Suède (1995), Chypre, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Malte, Pologne, Slovaquie, Slovénie, Tchéquie (2004), Bulgarie, Roumanie (2007).
(En anglais : European Union)
impose ses règles du jeu (commerciales et économiques) aux États dits ACP, le bloc des pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique qui, auparavant, avait l’insigne honneur d’être des colonies européennes, des territoires occupés.

Cet accord se signale par l’importance accordée à la participation. L’idée est de prévoir, aux côtés des États signataires de l’accord, une place à ce qu’on nomme ici les "acteurs non étatiques", en abrégé les ANE ou, sobriquet caustique mais approprié, les "ânes". Sont rangés derrière cette notion fourre-tout, les organisations dites de la société civile (ONG & Cie), les syndicats, le secteur privé, mais aussi la presse, l’Église, etc. Tous convoqués pour "participer" à la décision politique. Cela peut paraître sympathique.

 Diviser pour régner

D’évidence, ce n’est pas l’objectif. Selon qu’on adopte l’analyse des bailleurs de fonds Fonds (de placement, d’investissement, d’épargne…) : société financière qui récolte l’épargne de ménages pour l’investir ou le placer dans des produits financiers plus ou moins précis, parfois définis à l’avance. Il existe des fonds de pension, des fonds de placement, des fonds de fonds qui sont proposés à tout un chacun. En revanche, les hedge funds (fonds spéculatifs) et les private equity funds sont réservés à une riche clientèle.
(en anglais : fund)
(constat d’échec de l’aide classique, versée à fonds perdu) ou celle, plus critique et matérialiste, de la tradition anticolonialiste de gauche (échange inégal dans un rapport de forces opposant la Triade Triade Expression, créée par K. Ohmae en 1985 désignant les trois pôles mondiaux (États-Unis, Union européenne et Japon), autour desquels se définissent les stratégies économiques mondiales.
(En anglais : Triad)
Japon-Europe-USA à ses pourvoyeurs en matières premières), le résultat sera le même. Le but est de contraindre les États du Sud récipiendaires de l’aide publique au développement Aide publique au développement ou ADP : Total des prêts préférentiels (à des taux inférieurs à ceux du marché) et des dons budgétisés par les pouvoirs publics des États dits développés en faveur de pays du Tiers-monde. Théoriquement, ces flux financiers devraient être orientés vers la mise en place de projets concrets et durables, comme des infrastructures essentielles, des actions de lutte contre la faim, en faveur de la santé, de l’éducation, etc. Mais souvent il s’agit d’un moyen détourné pour les anciennes métropoles coloniales de conserver les liens commerciaux avec leurs dépendances, en les obligeant à s’approvisionner auprès des firmes métropolitaines. Selon les Nations unies, l’APD devrait représenter au moins 0,7% du PIB de chaque nation industrialisée. Mais seuls les pays scandinaves respectent cette norme.
(En anglais : official development assistance, ODA)
(par ailleurs souvent surendettés, ceci explique cela) à se montrer plus "réceptifs" et se rendre aux raisons et intérêts de leurs anciens maîtres. La formule est toute trouvée et elle a ses lettres de noblesse : diviser pour régner. En faisant "participer" des groupements de toutes sortes, hostiles ou opposés aux gouvernements du Sud, en leur conférant un vernis de légitimité politique, en "renforçant leurs capacités" grâce aux largesses de l’aide au développement, on déforce et on affaiblit ces mêmes États. C’est le but du jeu.

Et c’est devenu comme un acte de foi, y compris dans la sphère – la nébuleuse – des ONG. Dans une analyse récente du paysage des ONG belges réalisée par l’Université d’Anvers [2], c’est avec une franchise brutale que les auteurs énoncent les nouvelles règles du jeu : les ONG occidentales doivent concentrer leurs efforts, dans les pays du Sud, sur "les groupes vulnérables" (alias les pauvres et exclus), en particulier ceux qui cherchent à "exercer leurs droits" (à l’encontre des autorités locales), et ce par une promotion de "l’agenda de la gouvernance" (la bonne, cela va de soi) en aidant ces groupes à devenir les "chiens de garde" et les "contre-pouvoirs" de leur propre gouvernement, notamment pour contrer leurs "tendances autoritaires". C’est une participation – mettons – assez orientée. Dans une prise de position publiée en février 2011 par Concord, la coupole européenne des ONG, le raisonnement tient du coupé-collé : priorité aux "plus pauvres et aux plus marginalisés" et à la "promotion des droits de l’homme et de la démocratie", cette dernière consistant (étant entendu que "la participation de la société civile est la clef du développement") à exiger des gouvernements (du Sud) de rendre des comptes à nos petits groupements vulnérables, pauvres, exclus, etc.

 Deux parrains

Là, marquons une pause pour considérer la généalogie de cet ensemble de concepts. Ils ne tombent jamais du ciel. L’idée de "faire participer" (on a ici deux "sujets" : l’un fait faire, l’autre fait) trouve son origine, chez les élites internationales, dans les années nonante, lorsque la Banque mondiale (1989) et le Fonds monétaire international Fonds Monétaire International Ou FMI : Institution intergouvernementale, créée en 1944 à la conférence de Bretton Woods et chargée initialement de surveiller l’évolution des comptes extérieurs des pays pour éviter qu’ils ne dévaluent (dans un système de taux de change fixes). Avec le changement de système (taux de change flexibles) et la crise économique, le FMI s’est petit à petit changé en prêteur en dernier ressort des États endettés et en sauveur des réserves des banques centrales. Il a commencé à intervenir essentiellement dans les pays du Tiers-monde pour leur imposer des plans d’ajustement structurel extrêmement sévères, impliquant généralement une dévaluation drastique de la monnaie, une réduction des dépenses publiques notamment dans les domaines de l’enseignement et de la santé, des baisses de salaire et d’allocations en tous genres. Le FMI compte 188 États membres. Mais chaque gouvernement a un droit de vote selon son apport de capital, comme dans une société par actions. Les décisions sont prises à une majorité de 85% et Washington dispose d’une part d’environ 17%, ce qui lui donne de facto un droit de veto. Selon un accord datant de l’après-guerre, le secrétaire général du FMI est automatiquement un Européen.
(En anglais : International Monetary Fund, IMF)
(1999) consacrent la notion de "lutte contre la pauvreté" comme leitmotiv de leur action de réforme des pays du Tiers-monde : cette attention soudaine pour les pauvres était censée, non pas lever l’hypothèque des Programmes d’Ajustement Structurels (privatisation et démantèlement des appareils d’État) que ces pays se voyaient imposer, mais en atténuer les "impacts" négatifs. Dans la foulée, on saupoudre de participation : les Plans Stratégiques de Réduction de la Pauvreté que ces pays se verront désormais obligés d’entériner sous peine d’étranglement financier [3] prévoient une "consultation" élargie à la société civile. Et bien sûr selon des modalités de participation adaptées, discrétionnaires et paternalistes.

On ne dissociera pas cette lame de fond d’une autre, qui prend naissance en 1937 dans l’imagination d’un économiste américain, Ronald Coase. C’est aux rives de cet horizon lointain, marqué par la publication de son étude "La nature de la firme", que va croître et s’amplifier un discours sur le capitalisme Capitalisme Système économique et sociétal fondé sur la possession des entreprises, des bureaux et des usines par des détenteurs de capitaux auxquels des salariés, ne possédant pas les moyens de subsistance, doivent vendre leur force de travail contre un salaire.
(en anglais : capitalism)
participatif, appelons-le comme cela. Ce discours reflète à l’origine des préoccupations "managériales", mais aussi une lutte de pouvoir au sein des structures de l’entreprise, dont les propriétaires (les actionnaires, "shareholders" en anglais) vont se voir mis en concurrence, et détrônés, par des "cohabitants" qu’on appellera en français les "parties prenantes" ("stakeholders" en anglais, par un jeu de mots intraduisible). Cette cohabitation sous-entend et implique de revoir la "gouvernance" de l’entreprise, les propriétaires ne sont pas seuls maîtres à bord, ils doivent tenir compte des groupes (les faire participer) qui sont affectés par les activités de l’entreprise, les consommateurs, les riverains, les environnementalistes, voire – car on les rangera curieusement parmi ces groupes d’intérêt – les travailleurs et (le monde à l’envers !) les administrations publiques concernées.

On ne fera pas ici l’historique de ce mouvement "made in USA" que d’aucuns décriront comme un débat opposant capitalisme actionnarial (seule compte la valeur boursière) et capitalisme sociétal (il y a tout le reste, les consommateurs, la société civile, etc.). On n’en retiendra, pour notre propos, que le succès phénoménal... mais hors du monde de l’entreprise. Où cela ? Auprès de certaines grandes institutions politiques, la plus enthousiasmée est sans doute la Commission européenne.

 Copie à revoir

La "participation" dans ce schéma, pour faire court, consiste à associer divers groupes d’intérêt à la décision politique. Ces groupes sont au préalable, bien entendu, soigneusement sélectionnés. Ne participe pas qui veut. Au processus, il y a un hôte, c’est lui qui invite, qui dresse l’ordre du jour et qui imprime aux débats la direction voulue. Au Sud, pour y revenir, les fameuses consultations sur les programmes de lutte contre la pauvreté excluent tous les sujets qui fâchent. Seront considérés comme tabous [4] : les privatisations, les politiques fiscales, monétaires et commerciales, l’investissement Investissement Transaction consistant à acquérir des actifs fixes, des avoirs financiers ou des biens immatériels (une marque, un logo, des brevets…).
(en anglais : investment)
public et privé et tout ce qui touche au marché Marché Lieu parfois fictif où se rencontrent une offre (pour vendre) et une demande (pour acheter) pour un bien, un service, un actif, un titre, une monnaie, etc. ; un marché financier porte sur l’achat et la vente de titres ou d’actifs financiers.
(en anglais : market)
du travail, excusez du peu.

Il y a plus grave. Car, sans que ce ne soit jamais explicite, ces procédures participatives qui de plus en plus imprègnent les esprits sont les instruments d’une attaque frontale, et radicale, contre les syndicats et les parlements, contre les acquis de la démocratie représentative, contre la démocratie tout court. Les syndicats ? Relégués au rang de "parties prenantes". Les parlements ? Obsolètes, ils ont fait leur temps. Voilà qui, sur le fond, fait problème – et qui est rarement discuté [5].

Il va nous falloir atterrir, refermer la boucle. L’esquisse du cadre conceptuel international qui a enfanté les discours sur la participation, avec ses effets de percolation jusqu’aux niveaux locaux de la décision politique où on ânonne à qui mieux-mieux, indique la nature du problème. "Participer", au sens où l’entend aujourd’hui le discours dominant, revient à se faire les alliés de la démission du politique, un jeu de dupes aseptisé et inoffensif où ne subsistent que des "procédures" dites participatives dont la raison d’être est de rendre invisibles les rapports de forces réels. Dans l’organisation économique de la société actuelle, le "pauvre" (avec ou sans travail) n’obtiendra rien en endossant le rôle de "participant" mais bien, en tant que producteur de plus-value Plus-value En langage marxiste, il s’agit du travail non payé aux salariés par rapport à la valeur que ceux-ci produisent ; cela forme l’exploitation capitaliste ; dans le langage comptable et boursier, c’est la différence obtenue entre l’achat et la vente d’un titre ou d’un immeuble ; si la différence est négative, on parlera de moins-value.
(en anglais : surplus value).
, en en revendiquant collectivement sa part, jusqu’à en devenir totalement propriétaire : par une expropriation Expropriation Action consistant à changer par la force le titre de propriété d’un actif. C’est habituellement le cas d’un État qui s’approprie d’un bien autrefois dans les mains du privé.
(en anglais : expropriation)
de la classe des rentiers. Et ce n’est pas en acceptant docilement de figurer dans la "catégorie" des pauvres qu’il en fera éclater l’indignité, mais en faisant corps avec un choix, un mouvement, un parti politique : non pas participer, mais s’organiser. Tout le reste est littérature.

Notes

[1A prendre au premier ou au second degré, et avec le sourire : on en dira autant de Monique Pinçon-Charlot, sociologue de son état, qui pour dénoncer l’emprise de "l’oligarchie financière" sur le "système" pose la problématique dans les termes suivants : "Nous sommes arrivés à un point où la question se pose de soigner l’addiction à l’argent des plus riches." (L’Humanité du 23 août 2011).

[2"Discussion paper" de l’IOB (Université d’Anvers), n°2011.02, "The Belgian NGO landscape and the challenges of the new aid approach : Dealing with fragmentation and emerging complexities", de Nadia Molenaers, Leen Nijs & Huib Huyse.
http://www.concordeurope.org/Public/Page.php?ID=44595&language=fre

[3Rappelons que la plupart de ces pays n’ont pas, en raison de leur endettement, accès aux instruments et établissements de crédit classiques (obligations, banques, etc.) et n’ont d’autre choix que de s’adresser à la Banque mondiale ou au FMI, au contraire de pays comme l’Inde, le Brésil, la Chine ou l’Indonésie.

[4"Rethinking participation", ActionAid USA & Ouganda, Washington, avril 2004.

[5Pour une analyse de cette attaque frontale, promue à Washington sous le terme de "stateless global governance", voir E. Rydberg, "Gouvernance des ONG et démocratie associative", Gresea, 2009 ou Jean de Maillard, "Le « tiers pouvoir », ou la démocratie de la sortie de la démocratie", Esprit, n°245, août-septembre 1998.