La saga de la lutte des 182 ouvriers "Lipton" contre la fermeture de leur usine à Marseille, entamée en septembre 2010, a connu un tournant judiciaire qu’on qualifiera volontiers d’exemplaire. Pour mémoire, la multinationale
Multinationale
Entreprise, généralement assez grande, qui opère et qui a des activités productives et commerciales dans plusieurs pays. Elle est composée habituellement d’une maison mère, où se trouve le siège social, et plusieurs filiales étrangères.
(en anglais : multinational)
Unilever avait décidé de fermer ce "centre de coûts" pour concentrer sa production de sachets de thé sur les sites polonais, belge et anglais. Centre de coûts ? L’usine de Marseille a beau dégager un bénéfice avant impôt de 9,5 millions d’euros (2008), le système mis en place par Unilever avec une société faîtière en Suisse (impôt sur les sociétés de 5%), la Unilever Supply Chain Company (USCC), vide les usines de leur substance, elles ne sont que des "prestataires de services" : USCC achète le thé, le met à disposition des usines et, ensuite, le revend aux filiales de distribution. Le tribunal de Marseille ne l’a pas entendu de cette oreille cependant. Le 4 février 2011, il a ordonné à Unilever de reprendre la procédure à zéro et ce, notamment, pour défaut d’information des travailleurs. C’est que la loi stipule que "pour lui permettre de formuler un avis motivé, le comité d’entreprise dispose d’informations précises et écrites transmises par l’employeur". En cause, l’affirmation d’Unilever selon laquelle l’usine ne serait pas rentable – sur la base de documents ensuite qualifiés d’inexistants (parce que le système USCC doit demeurer secret ?), entorse à laquelle s’ajoutent ces embauches réalisées après… l’annonce de la fermeture. Le tribunal a donc frappé les licenciements d’un interdit, sous peine d’une astreinte de 10.000 euros par infraction constatée. De leur côté, désormais, les travailleurs planchent sur un projet de relance alternatif. La "prime à la valise" : pas pour eux, ils veulent sauver leur usine.
Source : L’Humanité du 24 février 2011.
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