Materne ? Un des fleurons de l’économie belge. Ex-fleuron, pour dire vrai : fondée en 1888 au départ d’un verger à Jambes par Édouard Materne, l’entreprise affiche aujourd’hui un chiffre d’affaires
Chiffre d’affaires
Montant total des ventes d’une firme sur les opérations concernant principalement les activités centrales de celle-ci (donc hors vente immobilière et financière pour des entreprises qui n’opèrent pas traditionnellement sur ces marchés).
(en anglais : revenues ou net sales)
de 147 millions d’euros, en progression de 32% sur les cinq dernières années, et emploie quelque 500 travailleurs. Mais elle n’est plus belge. Il y a eu parcours casino. En 1967, elle est vendue à l’Américain W.R. Grace puis, 1969, fusionnée avec Confilux, puis, 1977, revendue à ce dernier grâce à l’injection de fonds
Fonds
(de placement, d’investissement, d’épargne…) : société financière qui récolte l’épargne de ménages pour l’investir ou le placer dans des produits financiers plus ou moins précis, parfois définis à l’avance. Il existe des fonds de pension, des fonds de placement, des fonds de fonds qui sont proposés à tout un chacun. En revanche, les hedge funds (fonds spéculatifs) et les private equity funds sont réservés à une riche clientèle.
(en anglais : fund)
publics (Société nationale d’investissement
Investissement
Transaction consistant à acquérir des actifs fixes, des avoirs financiers ou des biens immatériels (une marque, un logo, des brevets…).
(en anglais : investment)
dont la SRIW, la Société régionale d’investissement de Wallonie, prendra la succession en restant l’actionnaire
Actionnaire
Détenteur d’une action ou d’une part de capital au minimum. En fait, c’est un titre de propriété. L’actionnaire qui possède une majorité ou une quantité suffisante de parts de capital est en fait le véritable propriétaire de l’entreprise qui les émet.
(en anglais : shareholder)
majoritaire durant les années 1980) et, enfin, 1990, intégrée dans le groupe français Andros qui, entrant dans son capital
Capital
Ensemble d’actifs et de richesses pouvant être utilisés pour produire de nouveaux biens ou services.
(en anglais : capital, mais aussi fund ou wealth)
, en prendra progressivement le contrôle. On connaît la chanson ? Ses couplets sont d’un grand classicisme. D’abord, la famille fondatrice qui se met plein les poches : l’avenir de l’entreprise, peu lui chaut. Ensuite, le repreneur américain de type spéculatif : à l’époque, il a raflé quelque 70 entreprises et, chez Materne, c’est une politique de désinvestissement qui prévaut, à telle enseigne que, en quelques années, ses parts de marché
Marché
Lieu parfois fictif où se rencontrent une offre (pour vendre) et une demande (pour acheter) pour un bien, un service, un actif, un titre, une monnaie, etc. ; un marché financier porte sur l’achat et la vente de titres ou d’actifs financiers.
(en anglais : market)
chutent de 60 à 15%. Là-dessus, sauvetage par l’État (SRIW), donc la collectivité. Ce même État qui, pour mémoire, ne cesse de dire que son rôle n’est pas de diriger des entreprises, que le privé fait cela mille fois mieux. Là, Materne a valeur de démenti cinglant.
Le drolatique dans l’affaire est que, dans les pages qui suivent l’article de presse où ces faits sont relatés, il est fait état du jugement de la cour suprême des Pays-Bas venu confirmer que les dirigeants de la banque Fortis (Vansteenkiste & Cie) avaient, de manière systématique, entre septembre 2007 et septembre 2008, multiplié "les mensonges et les supercheries envers les marchés financiers et les actionnaires" et, dans un articulet voisin, de ce que les dirigeants de Bois Sauvage (Vansteenkiste & Cie), cet autre champion du secteur privé qui-fait-toujours-mieux-que-l’État ont donc bien été reconnus coupables de "délits d’initiés" et – excusez du peu – de "faux en écriture" (dossier clôturé par un arrangement "à l’amiable", comme on sait : entre gens du monde, on arrive en général à s’entendre).
Source : L’Écho, 7 décembre 2013.