L’économie, c’est nous
En entamant en 2005 la construction d’un Observatoire des entreprises sur son site, le Gresea n’a d’une certaine manière fait que combler un vide. Depuis longtemps, en effet, existent des sites qui apportent une information critique sur les agissements des entreprises transnationales. Mais rien, ou presque, en français.

Cet Observatoire, auquel nous avons donné le sobriquet de BelWatch, contient aujourd’hui quelque 350 fiches d’information sur les pratiques d’entreprises, avec des renvois alphabétiques à ces dernières. En mai 2008, il a servi à une formation, sur les rouages de la mondialisation, donnée à des syndicalistes. C’est un usage de l’Observatoire, un outil de formation.

L’objectif est plus large. Il veut répondre à la question : en quoi, l’économie nous concerne-t-elle ? La réponse est assez simple. Elle nous concerne en tout et tout le temps. L’économie, ce sont les salaires, le pouvoir d’achat, les supermarchés avec ce qu’on y trouve et ce qu’on n’y trouve pas, les bureaux de poste qui ferment, les fins de mois difficiles, les journaux qui survivent et ceux qui disparaissent, les pubs à la télé et aux arrêts de bus, la pauvreté dans le monde, l’économie est partout.
Et si partout il y a des puissants et des dépossédés, c’est à nouveau l’économie qui en donne la clé.

Actuellement, la clé de voûte de cette économie mondialisée est une poignée d’entreprises transnationales. Quelques centaines de ces méga-entreprises contrôlent ainsi près de deux tiers des échanges commerciaux dans le monde.
Des entreprises qui, aujourd’hui, peuvent d’un claquement de doigts condamner à mort le tissu économique d’une région ou d’une nation. Et là, point question de responsabilité.

Des entreprises qui ont, par ailleurs, le pouvoir de peser sur la stabilité politique de certains Etats. Et là, point question d’ingérence ou même des droits de l’homme. Une économie déconnectée du politique, du social, du culturel…

Une économie au-dessus du droit, au-dessus des peuples, au-dessus des travailleurs. Et là, point question de démocratie. C’est ce que nous avons essayé de montrer ici. Douze petites "leçons" sur les rouages de l’économie tels que nous les enseignent les pratiques des entreprises transnationales, chaque fois illustrées par des "fiches" extraites de l’Observatoire des entreprises.

C’est important à double titre. Comprendre le monde dans lequel on vit est la condition pour pouvoir le transformer, rendre possible un autre monde, une autre économie. Cela suppose une information critique. Parmi les nombreuses réflexions publiques et collectives qui émergent aujourd’hui sur le thème de l’avenir de la gauche, on épinglera ici la discussion dont Fausto Bertinotti, le dirigeant de Rifondazione Communista, s’est fait le porte-parole dans le dernier numéro des Cahiers marxistes [n° 237, mai-juin 2008]. Entre autres choses, il souligne que "le devoir primordial" aujourd’hui, "ne peut qu’être la lutte contre l’uniformisation". C’est-à-dire refuser, combattre, réduire en charpie la pensée unique.

En économie, dans ce qui détermine notre quotidien, la pensée unique demeure toute puissante. C’est, pour y revenir, l’objectif plus large de l’Observatoire. Ronger le socle de la pensée unique, la rendre un peu moins envoûtante, afin que chacune et chacun puissent avec lucidité se positionner.

• Nous avons tantôt utilisé le terme d’entreprise transnationale, tantôt celui de multinationale, d’usage plus commun. Le premier est plus approprié. Le siège d’une "multinationale", son centre de décision, est en général...mononational.

• Ce dont il est question dans ces pages peut être ramené à une formule, donnée en couverture :
A-M FT+MP...P...M’-A’ + Δa

c’est la circulation du capital, avec de l’argent A, on achète des marchandises M composées de force de travail FT et de matières premières MP qui, dans le processus de production P, donnent une nouvelle marchandise M’ qui sera "transformée" (vendue) pour la même somme d’argent A’ plus un profit a.

• Dossier réalisé par Bruno Bauraind et Erik Rydberg
Sommaire

  • Edito
  • Leçon n°1 - La propriété. Qu’est-ce qui fait fonctionner l’économie et la société ? - On commence par enlever le haut : qui en est le propriétaire ?
  • Leçon n°2 - Les matières premières
    Interrogatoire. Dans une marchandise, qu’est-ce qu’il y a ? - Il y a des matières premières. Sous contrôle
  • Leçon n°3 - La sous-traitance. - Comment une entreprise devient-elle multinationale ? - Visite en périphérie de la mondialisation. Primo, la sous-traitance
  • Leçon n°4 - IDE et délocalisation - Comment l’entreprise transnationale a acquis de si grandes dents ? - Visite en périphérie de la mondialisation : secundo, l’IDE
  • Leçon n°5 - Prix et marché - Derrière quoi se cachent les centres de décision de l’économie ? - Une fiction. Ils appellent cela le "marché"...
  • Leçon n°6 - La force de travail - Qui fait tourner l’économie réelle ? - Derrière la fiction. Une réalité, celle des travailleurs
  • Leçon n°7 - L’intensité du travail - Comment une entreprise transnationale fait de l’argent ? - Productivité du capital versus productivité du travail
  • Leçon n°8 - La durée du travail - Travailler plus pour gagner moins. - Innovante, l’économie remet la "recette" au goût du jour...
  • Leçon n°9 - La consommation - Produire, cela suppose accessoirement d’ensuite vendre. - Ou comment reprendre d’une main ce qui est accordé par l’autre
  • Leçon n°10 - Le marketing - Les multinationales ont leur propre langage - Il porte un nom. Publi-reportage et marketing
  • Leçon n°11 - L’Etat - Economie de marché ne va pas sans théologie de marché. - Jusqu’ici, largement, les Etats ont répondu : présents !
  • Leçon n°12 - Les résistances - Quelles résistances pour quelle économie ? - Les entreprises transnationales ne sont pas "intouchables"
  • A lire

 

Numéro consultable en ligne : https://issuu.com/gresea/docs/ge54complet

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