L’arrêt de la cour de cassation était attendu. Il était aussi prévisible. Le 3 mai 2012, la haute cour française a cassé le jugement par lequel, le 12 mai 2011, la cour d’appel de Paris avait déclaré illégal le plan social introduit par le groupe suisse Temenos pour procéder au licenciement collectif de 63 de ses 180 salariés de Viveo, sa filiale française. Ce jugement, avec quelques autres, dessinait l’espoir d’un coup d’arrêt juridique aux "licenciements boursiers". L’affaire Viveo, pour faire court, faisait figure de symbole : le plan social de dégraissage, comme ceux, ailleurs, de nombreuses fermetures de sites de production, n’avait aucune justification économique – ce que les juges de la cour d’appel de Paris avaient invoqué pour invalider le plan social. A tort, donc, a estimé la cour de cassation. Son arrêt pointe en même temps l’absurde de la situation. Un plan social, rappelle-t-il, ne peut être contesté devant les tribunaux qu’au motif, procédurier, d’un défaut de bonne information du conseil d’entreprise, ou pour absence de plan de reclassement suffisant des travailleurs licenciés. Ces derniers peuvent, par contre, saisir les tribunaux (prud’hommes en France) a posteriori pour faire valoir cette fameuse absence de cause économique et, le cas échéant, réclamer des dommages et intérêts. Absurde puisqu’un même motif (un licenciement collectif, une fermeture d’usine que rien ne justifie du point de vue économique) sera considéré valable après la décision de licenciement – et irrecevable avant. Un peu comme s’il était permis de griller un feu rouge mais, chose faite, en toute légalité, obligatoire ensuite d’indemniser les éventuelles victimes pour ce comportement soudain qualifié de fautif. La faute à qui ? Au législateur, comme suggéraient certains commentateurs dans la presse...
Voir aussi notre lettre Entreprises n° 34 : http://www.gresea.be/spip.php?article1015
Source : L’Humanité du 5 mai 2012.
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