"On a todi bin fè sins mittal"
Ce titre en wallon ("On a toujours bien fait sans Mittal") paraphrase le "On a todi bin fè com
çoula" ("On a toujours bien fait comme ça") qui exprimait dans la sidérurgie liégeoise la résistance des travailleurs aux changements technologiques.
"Ce qui est arrivé à Liège, va arriver à Florange". Octobre 2011, lors d’une réunion des syndicats européens du groupe ArcelorMittal, Philippe Verbeeck (CGT – Florange) n’a pas besoin de boule de cristal. Les indicateurs sont au rouge. Les mises "sous cocon" de hauts fourneaux se multiplient. Des arrêts définitifs, comme à Gandrange en 2008, sont à prévoir.
Mars 2012, Liège, Florange, mais aussi Madrid sont fermés en Europe de l’Ouest et on ne compte plus les "arrêts temporaires à durée souvent indéterminée", comme en Roumanie ou en Pologne. Par extension, c’est la sidérurgie continentale européenne qui boit la tasse.
Marque de la puissance des Etats jusqu’à la seconde moitié du 20e siècle, l’industrie sidérurgique est aujourd’hui, comme le montre Henri Houben dans ces pages, menacée par la santé précaire de ses principaux clients, comme l’automobile ou la construction, en Europe.
Une autre menace plane cependant sur les hauts fourneaux. Lâchée par les grands holdings belges dont elle fit la richesse, Cockerill, comme l’appellent toujours les Liégeois, est aujourd’hui soumise, comme ses consœurs européennes, au redéploiement industriel et financier d’un groupe multinational, ArcelorMittal (siège : Luxembourg ; QG : Londres). Le taux de rentabilité offert par l’activité minière, comme le montre Raf Custers, ou les marchés émergents plaisent plus à la bourse que les aciers européens. Peu importe à Lakshmi Mittal les parts de marché perdues en Europe sur la concurrence, tant que croît la courbe boursière du groupe.
Des préoccupations financières qui masqueraient presque, business as usual, la précarité dans laquelle se trouvent plongées des milliers de familles de Liège à Galati (Roumanie). Une précarité orchestrée par quelques décisions prises unilatéralement à deux pas de la City londonienne. Certains sidérurgistes pourront toujours être "reclassés" vers des emplois qui ne correspondent pas à leur compétence. "Misère de position" [1] pour les uns, "misère tout court" pour les autres.
Face au démantèlement de ce qui fut l’épine dorsale de nos économies, la lutte s’organise. Habituelle au niveau local, elle prend aujourd’hui, par l’activité transnationale des syndicats d’ArcelorMittal, une expression européenne.
Si le temps syndical reste évidemment plus lent que le temps du capital, que dire alors de la temporalité politique européenne ! La Commission européenne se félicitait, après l’OPA de Mittal sur Arcelor, de l’émergence d’un champion européen et mondial. Quelques années et subsides CO2 plus tard, lorsque ce dernier décide de transformer les hauts fourneaux du continent en mitraille pour ferrailleurs, les sidérurgistes attendent désespérément d’adosser leur combat à une politique industrielle commune. Il faudra pour cela, malheureusement, attendre un prochain numéro…ou un futur repreneur car, une chose est sûre, si "Mittal ne veut plus de la sidérurgie européenne, les sidérurgistes, eux, ne veulent plus de Mittal".
Numéro coordonné par Bruno Bauraind
Sommaire :
Edito/On a todi bin fè sins mittal/Bruno Bauraind
Belgique terre d’acier/Henri Houben
Cockerill, la petite poupée russe/Bruno Bauraind
Le savoir fer/Henri Houben
Un sidérurgiste devenu mineur/Raf Custers
ArcelorMittal et le droit de polluer/Xavier Dupret
Les héritiers de Charles Levinson/Bruno Bauraind
Gourou en acier et voix dissidentes/Meena Galliari (Mumbai)
Un avenir pour la sidérurgie liégeoise ?/Bruno Bauraind
Annexe
Accord d’entreprise européen signé par la direction d’ArcelorMittal et
la Fédération Européenne des Métallurgistes le 2 novembre 2009
Les mobilisations sociales à l’épreuve du confinement - 03/05/2022
Dans ce numéro du Gresea Échos, Frédéric Thomas conclut son article en mettant l’accent sur la nécessité d’un « mouvement social à grande assise » pour sortir des crises révélées par la covid19. En effet, les solutions médicales ou le confinement social ne nous sortiront pas d’un système – le capitalisme néolibéral – qui nous a conduits dans les murs non seulement sanitaires, mais aussi économiques, sociaux et écologiques ces quarante dernières années. À ce titre, l’espoir de voir naître un mouvement social « (...)
[Table-ronde] Les syndicats belges face à la conflictualité sociale - 11/04/2022
Cette activité est organisée dans le cadre du colloque « Émotions, épreuves, morale : une nouvelle cartographie pour l’analyse des relations professionnelles ? » qui se tiendra à l’Université de Mons du lundi 23 au mercredi 25 mai 2022.
« Les 10 ans du Gracos »
Fondé en 2011, le Groupe d’analyse des conflits sociaux (Iannis Gracos) est un collectif interdisciplinaire de chercheur·es s’intéressant aux conflits sociaux, au sens large, en lien avec les relations collectives de travail en Belgique. Chaque (...)
Ryanair must change. Lutter dans le low cost - 23/03/2022
🟡🔵✈️Avec la sortie remarquée du film "Rien à foutre" d’Emmanuel Marre et Julie Lecoustre, qui dénonce les pratiques capitalistes et déshumanisantes du low cost aérien, le Gresea met en ligne le numéro complet du Gresea Échos "Ryanair must change. Lutter dans le low cost".
Rien à foutre raconte l’histoire d’une hôtesse de l’air (incarnée par Adèle Exarchopoulos) dans une compagnie low-cost qui enchaîne les vols et finit par perdre pied.
Ce long métrage d’Emmanuel Marre et Julie Lecoustre est sorti ce 15 (...)
Le 24 octobre avait lieu le débat intitulé "Défier la multinationale" dans le cadre du Festival des Libertés et en présence de notre collègue, Bruno Bauraind.
Quelle défiance entretenir envers les entreprises multinationales (EMN) ? Comment affirment-elles une puissance qui bouscule notre conception de la souveraineté ? Pourquoi devons-nous nous en méfier ? Quelles pistes d’actions citoyennes pouvons-nous emprunter afin de devenir des grains de sable dans l’engrenage de la toute-puissance de ces (...)