La diplomatie économique a supplanté la diplomatie traditionnelle. Les chefs d’Etat se sont mués en VRP au service des grandes entreprises et plus aucun déplacement officiel n’a lieu sans son cortège d’entrepreneurs prêts à décrocher des contrats. Ce nouveau type de diplomatie implique également de nouveaux acteurs à l’instar de l’Union européenne. Quels sont les outils de cette diplomatie économique européenne ? Quels objectifs poursuit-elle ? La priorité est-elle donnée au commerce ou aux valeurs promues par l’UE (droits de l’homme, démocratie) ? Quelles relations commerciales l’UE entretient-elle avec les autres régions du monde ? Quels sont les principaux bénéficiaires : les PME ou les sociétés transnationales ? Les travailleurs ou les consommateurs ? Les populations des PED ou les élites des pays développés ? Eléments de réponse dans ce dernier Gresea Echos.
Edito
Quel point commun y a–t-il entre la négociation d’un accord commercial transatlantique, les « lois travail » visant flexibilité et compétitivité un peu partout en Europe et un sommet des dirigeants du G20 ? Tous trois sont des instruments de la diplomatie économique.
Celle-ci a supplanté la diplomatie traditionnelle. Les chefs d’État se sont mués en VRP au service des grandes entreprises, plus aucun déplacement officiel n’a lieu sans qu’ils ne soient talonnés par une délégation d’entrepreneurs prêts à décrocher des contrats.
Le soutien aux exportateurs, l’attraction des investissements étrangers et l’inflexion des règles internationales dans le sens des intérêts domestiques sont les trois buts recherchés par cette diplomatie d’un nouveau genre, qui implique désormais de nouveaux acteurs supranationaux, au premier rang desquels, on retrouve l’Union européenne (UE).
Que ce soit via son service d’action extérieure, au travers de ses délégations (représentations diplomatiques à travers le monde qui jouent le rôle d’ambassade), de la Commission européenne ou par l’intermédiaire de sa Haute représentante pour les affaires étrangères et la sécurité, l’UE tente de s’affirmer comme un acteur de poids sur la scène internationale.
Pour ce faire, elle manie tantôt la menace, tantôt la séduction. La crise migratoire en est une illustration. Une aide (pour partie financée par des budgets préexistants) est proposée aux pays qui rencontrent des difficultés à gérer l’afflux de migrants. Dans le même temps, des sanctions commerciales sont brandies : l’UE affirme qu’ « un mix d’incitations positives et négatives seront intégrées aux politiques commerciales et de développement pour récompenser les pays qui coopèrent pleinement avec l’UE dans la gestion migratoire et s’assurer qu’il y aura des conséquences pour ceux qui refusent ». [1]
Les partenaires de l’UE doivent faire leur choix : le miel ou le marteau. Les pays ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique) qui négocient depuis plus d’une décennie la signature des APE (accords de partenariat économique) en savent quelque chose. Le maintien de l’accès au marché européen sans droits de douane a été conditionné à la ratification des APE à la date butoir d’octobre 2016.
Relations, influence, prêts, négociations, sanctions économiques, chantage, aide au développement, plainte devant l’organe de règlement des différends de l’OMC… : la panoplie d’outils à disposition de l’UE pour mener à bien sa diplomatie économique ne cesse de s’étoffer.
« Les droits de l’Homme », « la démocratie », sont rappelés en préambule de tous les accords et de toutes les déclarations de l’UE. Pourtant, les litiges commerciaux se règlent dans des cours d’arbitrage, avatars d’une justice en voie de privatisation et la primauté est accordée aux intérêts commerciaux.
Mais de quels intérêts s’agit-il au juste ? Ceux des PME ou ceux des sociétés transnationales ? Ceux des travailleurs ou ceux du consommateur ? Ceux des populations des pays en développement ou ceux des élites des pays industrialisés ?
C’est à ces questions que le présent numéro apportera quelques éclairages. Après avoir défini la diplomatie économique et ses outils, nous nous interrogerons sur ses finalités, observerons les tensions qui peuvent exister entre les positions des États-membres et celles de l’UE, et mesurerons l’écart existant entre les valeurs promues et les intérêts réellement recherchés. La parole sera ensuite donnée à des voix du Sud, avant de conclure en dressant un panorama des accords commerciaux négociés ou conclus par l‘UE.
Romain Gelin
Sommaire
Gresea Echos 86, 2e trim 2016, 52 pages : L’Europe (Néo) Mercantille
Edito : Le miel ou le marteau/Romain Gelin
Diplomatie économique qu’est-ce que c’est ?/Romain Gelin
Quand la politique étrangère européenne devient commerciale/Raf Custers
L’Union européenne, entre intérêts et valeurs/Gérard Karlshausen
A qui profite la stratégie commerciale européenne ?/Romain Gelin
Entre zones rurales et sommets internationaux/Interview de Yash Tandon par Raf Custers
Éclairages sus les accords de partenariat économique (APE)/Cheikh Tidiane Dieye
Les accords commerciaux de l’UE dans le monde/ Etude de Romain Gelin
Romain Gelin dans "Le marché matinal" sur La Première - 13/04/2021
Ce mardi 13 avril, Romain Gelin était interviewé dans l’émission "Le marché matinal" sur La Première, RTBF.
Notre collègue Romain Gelin, auteur de l’article "L’environnement encastré dans le marché" et paru dans le dernier Gresea Échos intitulé "Peut-on concilier économie et écologie" répond aux questions de Michel Gassée.
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