Quelles sont aujourd’hui les utopies encore vivaces dans une société capitaliste pétrie de rapports sociaux de domination et d’exploitation ? Quel espoir est-il possible d’entrevoir quand le parti politique qui a incarné cette utopie, Syriza, ou du moins l’espoir d’une renaissance de la gauche en Europe durant les quatre dernières années (2011-2015) se laisse écraser par la machine européenne ? Les forces vives accumulées avant le 13 juillet 2015, jour de la capitulation d’A. Tsipras, cassées dans leur élan « contre l’austérité et pour une autre Europe » sont-elles aujourd’hui canalisées dans l’aide aux réfugiés ?
En tous les cas, de multiples initiatives de solidarité émergent de la société grecque. Depuis le vendredi 22 avril, un hôtel abandonné, le City Plaza, au plein cœur d’Athènes a été occupé et transformé en un centre d’accueil autogéré pour les réfugiés par l’Initiative de solidarité pour les réfugiés économiques et politiques.
Dans ce grand hôtel, une cinquantaine de bénévoles militants accueillent 350 réfugiés dont la moitié d’enfants. Ce centre s’est transformé en un lieu de militance où meetings, concerts pour les collectes d’argent, et même une conférence d’Alain Badiou se sont succédées depuis trois semaines. Toute l’énergie militante en déroute se canalise sur la solidarité immédiate, la voie politique étant dans l’impasse depuis l’été dernier. Certains craignent que cela soit un dérivatif humanitaire à la lutte sur les questions socio-politiques, d’autres, au contraire, estime que cela permet de continuer à faire vivre le mouvement social. Il est en effet essentiel que la lutte continue, que les liens sociaux et militants se maintiennent dans ce pays déchiré et menacé par une extrême droite dangereuse.
Nous publions ici la déclaration « politique » du City Plaza.
Déclaration « CENTRE D’HÉBERGEMENT POUR LES RÉFUGIÉS AU CITY PLAZA »
Depuis l’été 2015, l’Europe et la Grèce ont été incapables de répondre aux nouveaux enjeux de la plus grande vague de réfugiés sur leur territoire, depuis la Seconde Guerre mondiale, à la source de laquelle on peut trouver la déclaration et les actes de guerre, au niveau militaire comme niveau économique, des pays du Nord aux pays du Sud, qui ont conduit les populations à la pauvreté, la peur et l’oppression.
Ce fait a créé deux tendances très distinctes et opposées : la première est exprimée par l’activation des réflexes racistes, qui se trouve dans le cœurcœur du continent européen : des clôtures et des murs ont été construits ; FRONTEX et l’OTAN ont été invités afin de « protéger » les frontières ; les déportations et l’oppression brutale des réfugiés. Ceci est clairement exprimée par l’accord raciste entre l’Union européenne
Union Européenne
Ou UE : Organisation politique régionale issue du traité de Maastricht (Pays-Bas) en février 1992 et entré en vigueur en novembre 1993. Elle repose sur trois piliers : les fondements socio-économiques instituant les Communautés européennes et existant depuis 1957 ; les nouveaux dispositifs relatifs à la politique étrangère et de sécurité commune ; la coopération dans les domaines de la justice et des affaires intérieures. L’Union compte actuellement 27 membres : Allemagne, Belgique, France, Italie, Luxembourg, Pays-Bas (1957), Danemark, Irlande, Royaume-Uni (1973), Grèce (1981), Espagne, Portugal (1986), Autriche, Finlande, Suède (1995), Chypre, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Malte, Pologne, Slovaquie, Slovénie, Tchéquie (2004), Bulgarie, Roumanie (2007).
(En anglais : European Union)
et la Turquie, qui viole la Convention de Genève et toutes les valeurs humanistes, car il traite la question des réfugiés comme si les réfugiés étaient une marchandise
Marchandise
Tout bien ou service qui peut être acheté et vendu (sur un marché).
(en anglais : commodity ou good)
qui peut faire partie d’une transaction ; il conduit aussi à un nombre impensable de déportations vers des pays où leur vie et leur liberté sont compromises.
La deuxième tendance est celle exprimée par l’énorme vague de solidarité en Grèce, ainsi qu’en Europe. Des millions de personnes se sont trouvées côte à côte avec les réfugiés dans leur bataille pour franchir les frontières et surmonter toutes sortes de difficultés dans leur cheminement. Les gens dans la solidarité à Athènes, en août 2015, ont pris des mesures immédiates à Pedion Areos, des milliers de personnes de partout dans le monde sont venus à Lesvos et d’autres îles de la mer Égée, en vue de contribuer aux efforts déployés par les gens là-bas. L’Europe a connu la plus grande vague de solidarité et d’entraide de ces dernières décennies. Cette mobilisation soutient l’espoir d’une résurgence de la société, afin d’effacer le danger de voir l’Europe devenir à nouveau un « continent obscur » .
L’Initiative de solidarité pour les réfugiés économiques et politiques a pris des mesures, depuis un certain temps maintenant, dans ce mouvement de solidarité, dans le centre d’Athènes. Il a mis en évidence la lutte des réfugiés ; contré les efforts visant à créer des zones « d’apartheid », sans la présence de réfugiés ; a souligné les responsabilités du gouvernement grec, qui non seulement ne parvient pas à assurer le logement, la protection et libre passage des réfugiés, mais a aussi signé l’accord raciste et a pris la responsabilité de le mettre en œuvre.
À partir de maintenant, nos besoins vont à un niveau différent. L’‘agenda politique de l’Europe des frontières fermées détermine essentiellement les conditions dans lesquelles un certain nombre de réfugiés politiques et économiques, qui ont d’abord eu l’intention que de passer en direction des pays du Nord, sont maintenant coincé en Grèce. Sans renoncer un instant à notre demande de base pour l’ouverture des frontières et à notre lutte contre ceux fermés, nous ressentons le besoin de rassembler nos forces vers la création de conditions de vie décentes pour les réfugiés en Grèce, dans nos quartiers, avec un accès de plein droit à tous les services sociaux.
Dans ce cadre, à côté de notre demande constante pour le logement immédiat des réfugiés, et non pas dans des camps, militaires ou non, mais dans les bâtiments appropriés avec une infrastructure complète, où ils seront en mesure de se déplacer librement dedans et au-dehors, nous avons décidé d’occuper ce bâtiment : d’une part, nous avons voulu contribuer, avec les moyens à notre portée , par une solution au problème ; d’autre part, nous avons ressenti le besoin d’avoir un lieu où l’information et la coordination pour les questions relatives aux réfugiés auraient lieu.
Notre décision ne libère pas le gouvernement grec ou tout autre gouvernement de leurs responsabilités de fournir immédiatement tous les réfugiés le logement et la protection. Toutefois, il souligne que la solidarité peut être la force motrice qui va se lever contre les plans racistes des pays européens et il veillera à la protection de tous les réfugiés, dans le sens de l’intégration complète, aux côtés des travailleurs locaux et des peuples opprimés. Il y a eu plusieurs tentatives, juste après l’accord raciste entre l’Union européenne et là Turquie, par les médias et le gouvernement, de diaboliser et d’attaquer la solidarité, qui a été considérée comme responsable du fait que les réfugiés défendent leurs droits.
Il est assez clair que si l’état d’exception, qui a été prévu pour les réfugiés, se révèle être un succès, il sera utilisé comme un modèle pour d’autres parties de la société, qui, au cours des dernières années, ont connu l’ordre du jour brutal de la pauvreté, l’oppression et l’exclusion.
Nous déclarons que nous nous allons tenir au côté des réfugiés, des personnes solidaires et travailleuses qui, pendant toutes ces années, ont combattu pour les droits à l’éducation et à la santé, au logement et à la nourriture pour les réfugiés, contre la politique criminelle des frontières fermées, qui, jusqu’à présent, a tué des milliers de personnes, contre ghettos loin du centre-ville, où les réfugiés seront « invisibles ».
L’Initiative de solidarité pour les réfugiés économiques et politiques invite les travailleurs à participer en solidarité à cet effort, dans le centre d’hébergement des réfugiés City Plaza et tout autre structure de solidarité indépendante.
Nous allons créer un monde d’entraide et de coexistence.
- À bas l’accord honteux entre l’Union Européenne et la Turquie. L’ouverture des frontières, des passages sûrs pour les réfugiés.
- La légalisation complète de tous les réfugiés. Aucune expulsion vers la Turquie ou ailleurs.
- Hébergement pour tous les réfugiés dans les bâtiments appropriés, dans le centre-ville. Réquisition des hôtels et des maisons vides pour l’hébergement des réfugiés.
- L’accès gratuit aux services de santé et d’éducation pour tous les réfugiés. Participation des enfants de réfugiés à des programmes d’insertion scolaire.
- Fermeture de tous les centres de détention, aucune exclusion des réfugiés des villes.
- Pas de criminalisation du mouvement de solidarité.