Carte d'identité
Secteur | Habillement |
---|---|
Naissance | 1975 |
Siège central | La Corogne (Espagne) |
Chiffre d'affaires | 35,9 milliards d’euros |
Bénéfice net | 5,4 milliards d’euros |
Production | 5692 boutiques |
Effectifs | 161.281 personnes |
Site web | http://www.inditex.com |
Président | Oscar Garcia Maceiras |
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Actionnaires principaux | (avril 2024): Amancio Ortega (59, 29%), Amundi Asset Management (0, 37%), Lyxor International Asset Management (0, 26%) |
Marques | Zara, Massimo Dutti, Bershka, Oysho, Kiddy's class, Pull and Bear, Stradivarius, Tempe… |
Comité d'entreprise européen | non |
Ratios 2023 |
|
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Marge opérationnelle % | 18,94 |
Taux de profit % | 28, 89 |
Taux de solvabilité % | 27, 45 |
Taux de dividende % | 69, 4 |
Part salariale % | 35, 23 |
Taux de productivité (€) | 94.289 euros |
Fonds roulement net (€) | 7, 1 milliards d’euros |
Observatoire des Comptes
Bilan
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* Les années fiscales d’Inditex sont publiées de fin janvier à fin janvier
Actionnariat du groupe 2024
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Historique
Zara alias Inditex, géant espagnol ès fripes et nippes
Dans le champ de ruines du secteur "textile et habillement" en Europe, Inditex fait un peu – jusqu’ici – exception. En 2005, 2006, la presse économique saluait le fait que, à rebours de la tendance générale, la production de vêtements de l’enseigne demeurait largement locale (Espagne, Portugal), de même que ses ventes : 43% en Espagne [1]. Avec une marque phare, Zara qui, au début des années 2000, représentait 77% des ventes.
Erik Rydberg*
Mais à rebours, donc. Pour mémoire, le textile a été le premier secteur ouvrant la marche de la désindustrialisation du continent européen [2], et de presque toutes les nations dites "développées". En 2003, Levi Strauss fermait ses quatre dernières usines aux États-Unis, après en avoir supprimé vingt-neuf ailleurs. En 2006, la marque espagnole de jeans Lois en fermait quatre sur cinq, reprenant pour justifier le refrain habituel : vu l’impossibilité de concurrencer la production des pays à bas salaires, le groupe (Saez Merino) compte "passer d’un modèle industriel à un modèle commercial", en se consacrant exclusivement au design et à la commercialisation. [3] De l’italien Benetton, on rappelle en 2006 que, quinze ans auparavant, 90% des vêtements produits l’étaient en Italie, et que ce chiffre est tombé à 30% : coup dur pour l’Italie qui comptait alors 600.000 travailleurs employés dans le secteur, soit un tiers du total dans l’UE-15 [4]. La Belgique n’est pas mieux lotie. En 2007, déjà, l’emploi avait chuté de 60% depuis 1973, et le secteur, fait de 950 entreprises, à 85% composé de PME, ne s’occupait plus, dans la toute gamme de produits textiles, qu’à hauteur de 20% d’habillement, la filature, n’en parlons pas : 4% [5].
Lâchage en règle
Quoique non, parlons-en. Dans une interview en 2007 du patron de ce que le journal qualifie comme "un des derniers Mohicans", Jean-François Gribomont, d’Utexbel, fondé par son grand-père en 1929 (trois filatures, deux tissages et deux unités de teinture et ennoblissement, encore aujourd’hui), dit son dépit devant l’indifférence du personnel politique, européen surtout : le textile, dit-il, "c’est un bain de sang. Et le politique ne fait rien. Que du contraire." Et de pointer l’absence de mesures protectionnistes, alors que d’autres pays ne se gênent guère, et la facture énergétique (+51% entre 2005 et 2006), et les mille et une réglementations environnementales, dont les pays concurrents n’ont pas à s’embarrasser… La riposte au niveau européen ? Création de "high level groups" et autres cafés de commerce où on remue du vent. Amer et désabusé, il est : "Il reste encore quelques producteurs au Portugal, en Espagne et en Italie, mais ils ferment les uns après les autres. On dirait parfois que vouloir produire encore en Europe s’apparenterait à un acte criminel". [6]
Inditex, la preuve par neuf qu’il reste possible de produire en Europe, et dans le textile encore bien ? Réponse : oui et non.
Le modèle – et la saga – Inditex fait à bien d’égards figure de contre-modèle. Cela commence en 1975 avec Amancio Ortega qui n’était alors que le fils prometteur d’un cheminot de León (aujourd’hui, troisième fortune mondiale), un petit magasin ouvert avec sa compagne Rosalia Mera, non sans cafouillage : il avait voulu l’appeler Zorba, du nom de son film favori, mais un bar plus bas dans la rue y avait déjà pensé. Alors, il a joué au scrabble avec les lettres (l’enseigne Zorba lui avait été livrée), histoire d’économiser les frais, et c’est devenu Zara. D’un coup de dés, presque.
Le modèle Inditex
Le "business modèle", lui, était déjà dans sa tête, aussitôt mis d’application, toujours à l’œuvre, le gigantisme en plus. En un mot : produire au plus près, des clients, des magasins, de goûts vestimentaires qu’on sait constamment changeants. Formule gagnante. Là où ses concurrents sont pieds et poings liés par l’extrême lenteur d’un approvisionnement en Asie (entre trois et cinq mois), Inditex s’est peu à peu offert un réseau high tech’ lui permettant aujourd’hui de fournir deux livraisons par semaine à ses quelque 6.500 points de vente, du sur mesure pour chacun d’eux, selon les desiderata formulés. Ce n’est pas venu tout seul.
Dès les années 1980, Zara était présent partout en Espagne. Mais c’est l’arrivée de José Maria Castellano, PDG à partir de 1984, et ses investissements dans les technologies de gestion informatique [7], qui vont asseoir le développement international du modèle de production hyperflexible. Le Portugal, c’est 1988, New York, 1989, Paris, 1990, Mexico, 1992 et en 2004, il est dans les quatre coins du monde, il lui manquait juste la Chine : c’est chose faite en 2006. Il lui manquait Genève ? C’est fait : 2015 [8]. En 2001, déjà, son centre de distribution espagnol (plaque tournante pour toute la production) occupe 500.000 mètres carrés, l’équivalent de près de 70 terrains de foot : pour l’acheminement interne des fringues, quelque 211 kilomètres de rails mobiles. Plus qu’une usine, une mégalopole portant l’efficience à la puissance N.
Business as usual
Cela dit, usine ? L’internationalisation dans la filière textile a beau avoir permis à quelques rares producteurs de jouer la carte du home-made, à l’instar de la plus que centenaire entreprise britannique de tissage Coats, c’est le plus souvent par un tour de passe-passe. Saluée par la presse financière pour sa "résilience", son souci de persévérer contre vents et marées sur sol national, Coats n’en a pas moins fermé toutes ses unités de production britanniques, délégant à d’autres ces "basses besognes", en Asie, en Amérique et – peu – en Europe centrale et méridionale [9] Inditex, c’est un autre tour de passe-passe.
Le géant espagnol dispose certes de onze usines sur sol propre (correspondant à entre deux et trois pour cent de sa capacité de production [10]) mais il s’agit là de finitions haut de gamme. L’emploi Inditex (2001), ce n’est que 10% dans la production proprement dite et le gros du travail, en Espagne, est effectué par le réseau d’ateliers (plusieurs centaines) et ses plus de 11.000 couturières du secteur informel (mamans, grand-mères, adolescentes arrondissant les fins de mois du foyer) pour pas cher et sans qu’Inditex ne cotise un centime à la sécurité sociale. Combien elles gagnent ? Inditex est très discret là-dessus et on comprend. Tel journaliste croit ainsi savoir que, comparé au salaire minimum, 1.300€ net en 2001, c’est moins que la moitié, quelque 500€ [11]. Pas lourd.
C’est pire dans les pays classiquement rangés dans la catégorie bas salaires. Une dénonciation des conditions de travail au Brésil en 2011 a permis de lever un coin du voile sur le système Inditex, en rien différent cette fois de celui des grandes marques, apprend un rapport de Somo [12]. C’est le système de la cascade, donneur d’ordre en haut, petites mains en bas, ce qu’on appelle du gagnant-perdant. C’est très raffiné. La filiale Zara Brasil fournit les matériaux de base, le textile, largement importé d’Espagne. Pour la basse besogne manufacturière : quelque 59 fournisseurs qui, à leur tour, refilent la très basse besogne (assemblage des tissus, teinture, blanchisserie) à quelque 182 sous-traitants. Plus on descend dans la cascade, moins c’est drôle, mais plus c’est profitable, pour ceux "d’en haut".
Reprenant la terminologie plus élaborée de "fournisseurs de premier rang" (premier cercle) et de "fournisseurs sous-traitants" (second cercle), un rapport achAct de juin 2014 en distingue sur le plan mondial 1.434 pour les premiers et 2.878 pour les seconds, en ajoutant, précision utile, qu’Inditex "ne publie pas de liste complète (noms et adresses) de ses fournisseurs" mais bien, néanmoins, la communique "aux syndicats" [13]. Les salaires de référence fournis par Inditex, poursuit ce rapport, sont "à peine supérieurs au salaire minimum".
Cela marche au Brésil, cela marche ailleurs. D’après les données livrées par Inditex, poursuit le rapport Somo, on dispose d’informations sur neuf pays – représentant 87% de la production totale - participant au système, à savoir l’Espagne, le Portugal, la Turquie, l’Inde, le Brésil, le Bangladesh, le Maroc, la Chine et l’Argentine. Voilà qui n’est guère espagnol, ni même européen… (Même si, il est vrai, l’Europe compte encore, en 2015, pour 66% de son chiffre d’affaires, et l’Espagne elle-même 20%) [14].
Inditex en Belgique
(Données de janvier 2014 et en euros, chiffres absolus).
ZARA Belgique ZARA HOME (B) PULL & BEAR (B) Capital souscrit 26.018.324 7.400.000 4.500.000 37.918.324 CA 177.379.196 8.439.958 14.290.514 200.109.668 Total actif 214.246.915 5.812.724 7.082.697 227.142.336 Emploi 829 40 73 943 Source : http://www.actionnariatwallon.be/group/inditex-936 et calculs propres.
*Chercheur Gresea
Rydberg, Erik, "Zara alias Inditex, géant espagnol ès fripes et nippes", Gresea, septembre 2015, texte disponible à l’adresse : http://www.mirador-multinationales.be/secteurs/habillement/article/inditex
[1] Financial Times, 25 août 2005 et 30 mars 2006.
[2] Le train fou continue sur sa lancée : en 2011, le journal Les Échos (28/12) signalait que la France avait perdu, en trois ans, 900 usines et 100.000 emplois industriels, le même journal rappelant (16 avril 2010) que les pays dits "avancés" ne représentaient en 2009 plus que 48% de la production industrielle mondiale (et l’Union européenne, un dérisoire 15%), les pays dits "émergents" ayant entretemps ravis les autres 52%.
[3] L’Écho, 18 mars 2006.
[4] The Economist, 25 février 2006.
[5] L’Écho, 29 juin 2007.
[6] De Tijd, 24 février 2007.
[7] Le QG espagnol où sont centralisées toutes les données et dispatchés tous les ordres d’exécution fonctionne, raconte en avril 2015 Kate Abnett et Imran Amed dans Le Monde, fonctionne sept jours sur sept, 24 heures sur 24". http://www.lemonde.fr/m-styles/article/2015/04/28/inditex-colosse-aux-pieds-agiles_4623927_4497319.html
[8] Genève, c’est la Suisse, et un peu spécial : via deux de ses filiales détentrices de la marque Zara, Inditex a transféré 2009-2015 plus de 2 milliards de gains à Fribourg (ainsi qu’aux Pays-Bas, autre paradis fiscal), ce qui explique que, avec là moins de 0,1% du total de ses effectifs, Inditex a réalisé 20% de ses bénéfices sous ces cieux fiscaux cléments… Voir : http://www.letemps.ch/Page/Uuid/476991e4-0ed4-11e5-bce4-0f8872f43eca/Lempire_Inditex_%C3%A9tend_son_r%C3%A9seau_%C3%A0_Gen%C3%A8ve_avec_le_premier_magasin_Zara_Home_de_Suisse
[9] Andrew Hill, Corporate threads that have held firm for centuries, Financial Times, 6 août 2015.
[10] Sarah Butler, Inditex : Spain’s fashion powerhouse you’ve probably never heard of, 15 décembre 2013, The Guardian, en ligne http://www.theguardian.com/fashion/2013/dec/15/inditex-spain-global-fashion-powerhouse
[11] Richard Heller, Inside Zara, Forbes, 28 mai 2001. http://www.forbes.com/global/2001/0528/024.html
[12] From moral responsibility to legal liability ? Stichting Onderzoek Multinationale Ondernemingen, Amsterdam, mai 2015. http://somo.nl/publications-en/Publication_4188
[14] Les Échos du 18 mars 2015, en ligne : http://www.lesechos.fr/18/03/2015/lesechos.fr/0204236145780_les-salaries-d-inditex-profitent-de-la-croissance-de-zara.htm
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