C’est désormais officiel depuis plusieurs jours, Dell, 3e fabricant de PC au monde, a décidé de s’offrir le numéro 1 mondial du stockage de données EMC [1] pour la modique somme de 67 milliards de dollars (59 milliards d’euros). Dell est prêt à entrer à nouveau en Bourse
Bourse
Lieu institutionnel (originellement un café) où se réalisent des échanges de biens, de titres ou d’actifs standardisés. La Bourse de commerce traite les marchandises. La Bourse des valeurs s’occupe des titres d’entreprises (actions, obligations...).
(en anglais : Commodity Market pour la Bourse commerciale, Stock Exchange pour la Bourse des valeurs)
, 2 ans seulement après son LBO [2] qui l’avait vu sortir des marchés pour 25 milliards de dollars (22 milliards d’euros) [3].
Être coté en bourse implique, pour une société, la publication de ses comptes trimestriels, des frais inhérents à ses opérations financières, mais surtout une pression permanente de la part des actionnaires liée aux objectifs et résultats à atteindre. La sortie des marchés a donc permis à Dell de diminuer la pression à court terme et de se concentrer sur ses objectifs à plus long terme [4]. Le principal objectif étant d’opérer petit à petit son revirement de bord : de simple « fabricant de PC » [5] à véritable spécialiste en services et logiciels pour entreprises [6].
En perte de vitesse du fait de l’émergence des smartphones et autres tablettes, Dell mise, pour se relancer, sur les facultés de gestion de données d’EMC et surtout sur les compétences de VMware (une filiale d’EMC spécialisée dans la virtualisation d’architecture). Mis sous pression par l’un de ses actionnaires afin d‘accélérer la vente, EMC n’a pas hésité, un an après une tentative de fusion
Fusion
Opération consistant à mettre ensemble deux firmes de sorte qu’elles n’en forment plus qu’une.
(en anglais : merger)
avortée avec HP, à se lancer dans le rapprochement avec Dell malgré le scepticisme de certains de ses actionnaires.
Pour arriver à ses fins, Dell aura eu recours à un montage financier particulier : sur les 33,15 dollars par action
Action
Part de capital d’une entreprise. Le revenu en est le dividende. Pour les sociétés cotées en Bourse, l’action a également un cours qui dépend de l’offre et de la demande de cette action à ce moment-là et qui peut être différent de la valeur nominale au moment où l’action a été émise.
(en anglais : share ou equity)
que recevront les actionnaires d’EMC, une bonne partie (24,05 dollars) sera versée en cash. Pour le reste de la transaction, les détenteurs de titres EMC recevront des titres VMware (dont EMC détient 78%). Enfin, VMware restera indépendamment cotée en Bourse suite à l’opération.
Au-delà du fait que cette fusion soit répertoriée comme la plus importante de l’histoire dans le secteur technologique [7], on peut se demander si Dell sera capable de financer un tel montant ? Déjà endetté à hauteur de plus de 10 milliards, Dell s’est tourné, une nouvelle fois, vers les banques [8] pour obtenir un prêt qui atteint les 40 milliards, auxquels vient s’ajouter le soutien d’entreprises privées telles que Silver Lake, Temasek …
Le chiffre d’affaires
Chiffre d’affaires
Montant total des ventes d’une firme sur les opérations concernant principalement les activités centrales de celle-ci (donc hors vente immobilière et financière pour des entreprises qui n’opèrent pas traditionnellement sur ces marchés).
(en anglais : revenues ou net sales)
cumulé de Dell et EMC atteignant 81,6 milliards de dollars [9] (71,8 milliards d’euros), cette fusion permettra de se rapprocher de HP, le leader du secteur avec 111,5 milliards de dollars (98,6 milliards d’euros), tout en mettant à distance respectable Lenovo qui jouit d’un chiffre d’affaires de 38,7 milliards de dollars (34,2 milliards d’euros). La fusion apparait risquée tant du point de vue du financement que du point de vue du changement d’activité que Dell est en train d’opérer.
Enfin, impossible de ne pas relever les dires d’EMC et de Dell qui affirment que les bénéfices du rapprochement émaneront pour les trois quarts de la vente d’équipements EMC via Dell, mais également de coupes dans les coûts et dans les effectifs. Il est encore trop tôt pour quantifier l’impact de cette fusion, mais en cumulant ensemble 180.000 emplois, Dell-EMC risque de couper dans ses effectifs ou de se séparer de certaines activités. On peut s’attendre à ce que Dell se concentre désormais plus sur les services aux entreprises (le cœur d’activité d’EMC) que sur la fabrication de PC. Cela aura, à coup sûr, des conséquences.
Cette fusion remettra-t-elle Dell définitivement en selle ? On peut en douter …
Source : Financial Times (13/10/2015)