L’offre d’achat publique hostile de l’américain Kraft, numéro 5 mondial de la confiserie et du chocolat, sur le numéro 2, le Britannique Cadbury aura duré plus de cinq mois. Duel au sommet. Avec, au final, le 19 janvier 2010, fumée blanche, les actionnaires de Cadbury acceptant l’offre de 13,6 milliards d’euros, 60% en cash, 30% en titres, c’est environ 14% de plus que l’offre initiale, assez pour faire fléchir les hésitants. En termes de concentration monopolistique, la nouvelle entité contrôlera près de 15% du marché Marché Lieu parfois fictif où se rencontrent une offre (pour vendre) et une demande (pour acheter) pour un bien, un service, un actif, un titre, une monnaie, etc. ; un marché financier porte sur l’achat et la vente de titres ou d’actifs financiers.
(en anglais : market)
mondial, juste derrière Mars (14,6%) et Nestlé (7,8%) : à eux trois, c’est pas loin de 50%, un chocolat sur deux. Mais l’affaire est révélatrice pour bien d’autres raisons. Ne parlons pas de la crise, absente de ce petit Monopoly au sommet (les affaires vont bien, merci), ni des politiques de déficit inorthodoxes qui l’ont permis (la dette de Kraft grimpe de onze milliards de dollars, 2006, à plus de trente), mais son "retour sur investissement Investissement Transaction consistant à acquérir des actifs fixes, des avoirs financiers ou des biens immatériels (une marque, un logo, des brevets…).
(en anglais : investment)
" n’est-il pas estimé à 15%, "après expression des synergies" (lire, là, les économies d’échelle, les licenciements – les syndicats en craignent 30.000...) ? N’accordons enfin qu’une attention distraite à la vente par Kraft de ses opérations très lucratives de pizzas surgelées en Amérique du Nord à Nestlé pour 3,7 milliards de dollars, histoire de renflouer l’offre cash sur Cadbury, ou la vente par Nestlé de son département d’ophtalmologie à Novartis (40 milliards de dollars) : un jeu de Monopoly en cache souvent un autre. Restons sur l’OPA OPA Offre publique d’achat : proposition publique faite par un investisseur d’acquérir une société ou une partie de celle-ci à un prix annoncé. Elle peut être amicale ou hostile, si le management de la firme ciblée est d’accord de se faire reprendre ou non.
(en anglais : tender offer).
. Hostile ? Pas tant que cela. La seule chose qui inquiétait les actionnaires de Cadbury était de retirer de l’opération un magot d’une épaisseur correcte. Chacun de leur refus était ainsi motivé : Kraft n’évalue pas Cadbury à sa juste valeur et voilà qui est scandaleux. Pour le reste, l’entreprise elle-même, ses travailleurs des notions abstraites dépourvues de signification. Et que Kraft, un machin sans âme dont l’actionnaire Actionnaire Détenteur d’une action ou d’une part de capital au minimum. En fait, c’est un titre de propriété. L’actionnaire qui possède une majorité ou une quantité suffisante de parts de capital est en fait le véritable propriétaire de l’entreprise qui les émet.
(en anglais : shareholder)
numéro un est spéculateur de première, le millionnaire Warren Buffet, gobe une icône britannique de la friandise, peu leur chaut. C’est un des paradoxes (apparent) de l’économie, comme l’économiste très écouté Martin Wolf l’a souligné dans cette affaire : bien que les actionnaires ne doivent supporter qu’une responsabilité (très) limitée en cas "d’incompétence ou de malfaisance" de l’entreprise sur les revenus desquelles ils n’ont par ailleurs qu’un "droit résiduaire" (dividendes), ils n’en revendiquent pas moins la pleine et entière propriété – tout en étant naturellement "bien moins exposés [aux risques de leurs décisions] que les travailleurs disposant des talents et savoir-faire nécessaires à l’entreprise". A méditer.

Source : The Guardian du 16 janvier 2010, Les Echos du 20 janvier 2010, le Financial Times des 21 et 29 janvier 2010 et archives Gresea.

* Les premiers effets de l’OPA de Kraft sur Cadbury n’auront attendu que quelques jours. Le mardi 9 février 2010, les 400 travailleurs de l’usine britannique de Somerdale (Keynsham, près de Bristol) ont appris qu’elle sera fermée en 2011. Le ver était dans le fruit. Voici peu, Cadbury a investi 113 millions d’euros dans la construction d’une nouvelle usine en Pologne, où cette production sera donc transférée. (Les Echos, 10 février 2010).