Introduction

Pendant que la date du pic pétrolier global divise les analystes, que les gouvernements du Nord s’inquiètent de la sécurité de leurs approvisionnements énergétiques et que les questions environnementales imprègnent les discours politiques de droite comme de gauche, il semble que le débat au Nord fasse peu de cas de l’avenir des pays du Sud, producteurs d’énergie fossile.
Dans ce cadre, l’évènement Cap Sud 2007 (http://idm.epfl.ch/capsud/2007/) avait pour objectif, par des rencontres, des conférences ou des expositions, de mettre le Sud au centre de cette question : quel futur énergétique pour quelle planète ?

En ce mois d’avril, le Gresea a donc, par le biais d’une conférence, apporté un point de vue économique sur les relations énergétiques entre le Nord et le Sud. Cette intervention s’est, en grande partie, construite sur les travaux passés du Gresea (B. Carton : Le pétrole en Afrique, la violence faite aux peuples) et sur ses travaux en cours portant sur les biocarburants. Deux sources énergétiques différentes, celle du présent, celle du futur, mais un seul système à l’interface des flux Flux Notion économique qui consiste à comptabiliser tout ce qui entre et ce qui sort durant une période donnée (un an par exemple) pour une catégorie économique. Pour une personne, c’est par exemple ses revenus moins ses dépenses et éventuellement ce qu’il a vendu comme avoir et ce qu’il a acquis. Le flux s’oppose au stock.
(en anglais : flow)
énergétiques mondiaux : l’économie de marché Marché Lieu parfois fictif où se rencontrent une offre (pour vendre) et une demande (pour acheter) pour un bien, un service, un actif, un titre, une monnaie, etc. ; un marché financier porte sur l’achat et la vente de titres ou d’actifs financiers.
(en anglais : market)
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Partons tout d’abord des caractéristiques de ce marché. Que ce soit pour le pétrole ou pour les terres agricoles, source première de la production des biocarburants, les ressources sont limitées et non renouvelables. L’ère pétrolière touche à sa fin et une terre surexploitée favorise la désertification. Seconde caractéristique, ces ressources sont produites majoritairement dans le Sud et consommées dans les pays du Nord. Tertio, le marché qui règle les échanges de ces carburants est extrêmement concentré entre les mains de quelques transnationales des secteurs pétrochimique ou agroalimentaire. Enfin, les échanges énergétiques mondiaux sont peu régulés par les instances économiques internationales. D’ailleurs, le récent accord signé entre le Brésil et les Etats-Unis concernant la production d’éthanol montre que, dans le secteur de l’énergie, c’est souvent du chacun-pour-soi.

A partir de ce cadre analytique, il nous faut faire un petit retour en arrière pour mieux comprendre pourquoi le boom pétrolier s’est rapidement transformé en cauchemar pour les pays producteurs du Sud. Investissements coûteux, appréciation des monnaies nationales, destruction des autres secteurs de l’économie, souveraineté limitée aux enjeux géostratégiques, corruption, clientélisme et guerre, le pétrole n’est ni synonyme d’enrichissement collectif, ni de développement équilibré et durable.

Et l’avenir ? Le pétrole n’a pas permis d’augmenter significativement le niveau de développement des pays producteurs africains, asiatiques ou du Moyen-Orient. Les biocarburants le pourront-ils ? La FAO et les Etats occidentaux le pensent. Ainsi, poussé par une demande croissante au Nord, le Tiers-monde se met à l’heure de la bioénergie. La Turquie, l’Indonésie, le Mexique, le Brésil, l’Uruguay, le Sénégal ou encore l’Afrique du Sud développent des projets de production à grande échelle. Cependant, cette alternative technologique se voit, comme le pétrole, intégrée dans le même système économique libéral. Il faut donc tirer les leçons du passé pour éviter une nouvelle malédiction.

En effet, sans régulation, une surexploitation des sols et l’usage d’OGM ou de pesticides peuvent avoir des effets pervers sur les avantages dits "environnementaux" de ces nouveaux carburants. Ensuite, la concurrence entre terres alimentaires et terres à vocation énergétique poussera le prix des aliments de base vers le haut. "L’exemple tortilla" au Mexique est dans ce cadre révélateur du danger qui guette la sécurité alimentaire de la population déjà durement touchée par des famines à répétition.

En outre, la pression sur les prix déjà exercée en Amérique latine par les transnationales pour s’approprier les terres va priver l’agriculture traditionnelle de sa ressource première.

Enfin, et le Brésil servira peut-être d’exemple malheureux, la spécialisation de pays dans l’exportation de biocarburants posera les mêmes problèmes que ceux posés par la rente pétrolière.

Comme pour l’énergie fossile, c’est donc sous le prisme Nord-Sud, qu’il faut considérer la durabilité économique, sociale, politique et surtout humaine de ces "carburants verts". Que ce soit pour le pétrole ou pour les biocarburants, le système énergétique international a un grand besoin de régulation et de rééquilibrage géographique.

C’est un débat central pour les peuples du monde entier si l’on veut éviter une nouvelle malédiction... organique, cette fois.

 


Pour citer cet article :

Bruno Bauraind, "Relations énergétiques Nord-Sud – Cap Sud 2007 : Energie et biocarburants : "le Sud produit, le Nord consomme."", Gresea, avril 2007. Texte disponible à l’adresse :
http://www.gresea.be/spip.php?article1666