L’année 2009 a terminé en beauté pour la direction du groupe aéronautique EADS (Airbus). Après trois années d’enquête, l’Autorité française des marchés financiers (AMF) a blanchi tous les dirigeants et cadres du groupe, accusés de délit d’initiés. Trois années et 20.000 pièces de dossier balayées d’un revers de la main. Le procès du siècle ? C’est "pschitt". Les Forgeard, Lagardère et autres pontes de DaimlerChrysler et d’EADS qui, en avril 2006, se sont empressés de vendre avec une jolie plus-value
Plus-value
En langage marxiste, il s’agit du travail non payé aux salariés par rapport à la valeur que ceux-ci produisent ; cela forme l’exploitation capitaliste ; dans le langage comptable et boursier, c’est la différence obtenue entre l’achat et la vente d’un titre ou d’un immeuble ; si la différence est négative, on parlera de moins-value.
(en anglais : surplus value).
un titre
Titre
Morceau de papier qui représente un avoir, soit de propriété (actions), soit de créance à long terme (obligations) ; le titre est échangeable sur un marché financier, comme une Bourse, à un cours boursier déterminé par l’offre et la demande ; il donne droit à un revenu (dividende ou intérêt).
(en anglais : financial security)
dont ils savaient qu’il allait dégringoler, retards dans la production de l’Airbus A380 obligent, sont tous acquittés. C’est presque un conte de fées. D’abord parce que le "tribunal" qui leur a montré tant de mansuétude n’est en réalité, logée dans l’AMF, qu’une "commission de sanctions" siégeant à huis clos, composée pour l’essentiel de hauts fonctionnaires nommés par le gouvernement et dont les "jugements" ne sont pas susceptibles d’appel. Et ensuite parce qu’avec cette configuration, il ne peut y avoir de procédures que téléphonées. En deux, trois temps. Primo, on élague. Ne seront visés que dix-sept, puis sept accusés. Forgeard, ex-président d’EADS, par exemple, mais pas Lagardère (7,5% du capital
Capital
Ensemble d’actifs et de richesses pouvant être utilisés pour produire de nouveaux biens ou services.
(en anglais : capital, mais aussi fund ou wealth)
au moment des faits). C’est discriminatoire ? C’est exprès. Pour mieux blanchir tout le monde. Là-dessus, un petit rapport complaisant du cabinet McKinsey : aucun initié à l’horizon, donc pas de délit. Là-dessus, le coup de main allemand. Où l’autorité correspondante va conclure que DaimlerChrysler n’a rien à se reprocher. Alors, ne punir que l’un ou l’autre Français ? Là, c’est rêver. Mieux : on est invité, à suivre le raisonnement du journal Le Monde, à regretter que "les noms de dirigeants d’EADS ont été traînés dans la boue sans justification". C’est en effet un peu triste pour eux. Plus encore, peut-être, pour quiconque place quelques espérances dans la possibilité d’une régulation des marchés financiers. C’est à la mode, ces derniers temps.
Source : Le Monde du 22 décembre 2009 et le Canard Enchaîné du 23 décembre 2009.