Dans les pages qui suivent : le Chili de l’ami Raf.
C’est naturellement aussi le Chili de l’ami Pablo – le "citoyen profond, patriote des quincailleries" qui s’inquiétait de savoir "si les grenouilles se surveillent et éternuent, si elles murmurent dans les mares contre les grenouilles illégales", il s’émerveillait sans cesse, d’un pied d’enfant, par exemple, qui "ne sait pas encore qu’il est pied et veut encore être papillon ou pomme". Homme du peuple, comme Raf : "J’ai vu les voleurs fêtés par des gentilshommes impeccables et cela se passait en anglais. Et j’ai vu des gens honnêtes, affamés, cherchant du pain dans le fumier." [1]
Pablo, c’est bien entendu le poète chilien Neruda, prix Lénine (1953), prix Nobel (1971), ressuscité en 1995 sous les traits de Philippe Noiret dans le film extraterrestre de Michael Redford, Il Postino, qui demeure pour nous orphelins une manière de refaire connaissance avec le grand homme [2]. Car il est mort, Pablo, mort le 23 septembre 1973, quelques jours après l’assassinat de Salvador Allende, signé par Nixon et Kissinger, le 11 septembre, le "nine eleven" du Tiers-monde. Dans son tour d’horizon encyclopédique des heurs et malheurs des peuples asservis, Samir Amin évoque "la naïveté des dirigeants" de l’Unité populaire en 1971 lorsqu’ils nationalisent en juillet le cuivre chilien : "pour moi, il est évident que toucher aux surprofits des oligopoles nord-américains, c’est blesser la partie la plus sacrée – la seule sacrée – du corps américain. Lues comme une déclaration de guerre à Washington, ces réformes devaient être immédiatement l’occasion d’une intervention musclée des Américains." [3]
Neruda, lui-même, voyait la chose venir. Il avait vécu de près la mort de la République espagnole et, malgré les actions de solidarité des dockers français et hollandais refusant de se plier à l’embargo décrété par Washington sur les exportations chiliennes de cuivre, le climat, au Chili était, bis repetita, celui d’une "propagande hitlérienne", d’un "usage extravagant de mensonges" et d’une "campagne tous azimuts mêlant menace et effroi" contre le pouvoir démocratiquement élu [4]. Le Chili avait commis le crime de lèse-majesté pour lequel il n’y a pas de pardon.
Ni de sympathie là où on l’aurait attendue. Dans des pages signifiant son dégoût absolu du mensonge officiel, l’écrivain suédois Lars Gustafsson contraste les messages de solidarité du gouvernement social-démocrate (Olof Palme, Alva Myrdal, se proclamant "amis" d’Allende) avec la réalité crue devant ses yeux : ces tonnes de cuivre chilien bloquées au port de Västerås par injonction de Washington, mises sous séquestre jusqu’au remboursement par Santiago des multinationales étatsuniennes nationalisées : "Rien n’a autant marqué ma perception (…) de vivre dans un pays où ’socialisme’, ’justice’ et ’démocratie’ se pavanent dans tous les discours solennels alors qu’on s’en fiche avec une insouciance totale dans la réalité politique en Suède." [5]
Bon. Pablo, c’est Pablo. Et l’ami Raf, c’est Raf Custers, l’auteur du grand angle qui va suivre. Le Chili de Raf, c’est toujours le cuivre, c’est toujours un hold-up sur les ressources du pays. Seules les techniques ont changé. Elles sont devenues plus subtiles…
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