Kongo : Koherent Kaos ?
Une fois n’est pas coutume. Pour introduire ce dossier, il a été opté, en couverture, pour une "imagerie" provocante. Elle ne doit pas induire en erreur.
L’association des termes "Kabila", "Kaos" et, avec Malaparte en ombre tutélaire, "Kaputt" est là pour condenser un message devenu banal, il est dans la presse, même sérieuse, et il est dans les discours véhiculés, privilège des élites faisant corps avec les grandes puissances. Du gouvernement Kabila, on ne retiendra ainsi que l’aspect "chaos" (État "failli" oblige) et le pas suivant sera vite franchi : le mieux serait sans doute qu’on en soit au plus vite débarrassé, kaputt pour kaputt...
C’est naturellement colorer les choses de manière tout à fait unilatérale. Et masquer tout ce qui se développe dans la bonne direction au Congo (par lui, pour lui). Sur ce point, riche de plusieurs missions au Congo, le Gresea peut témoigner - comme on le verra dans les pages qui suivent. Le Congo n’est pas kaputt, il se répare. Plus même, il tend à l’émancipation du pays, selon une vision élaborée au sommet. Il ne le fait pas seul, les bailleurs l’assistent. Ils seront au bout de la rédaction d’un nouveau cadre d’accompagnement, appelé le "Country Assistance Framework".
Cette relation est souvent frictionnelle. Prenons le cas du Code Minier de 2002, qui à ce moment est en réécriture. Le rôle de l’État dans le secteur minier en fait évidemment partie. Au printemps 2012, le Fonds monétaire international écrivait que le Congo devait "éliminer la part de 5% de l’État" dans les entreprises mixtes. Mais le gouvernement veut augmenter cette part à 35%, dans le but d’enregistrer plus de bénéfices de la conjoncture des ressources minérales. Cette intention est dénoncée par le patronat congolais. Sera-t-elle ensuite sanctionnée par le FMI ? En fin d’année le Fonds décide de ne pas verser les restants d’un prêt (d’une valeur de 225 millions de dollars). Est-ce un hasard ? La lecture officielle dit que le FMI ne serait pas dé-motivé par l’affaire des "35%". Mais, entre nous, est-ce que cela ne sent pas la politique de pied-de-biche ?
Et comme si ce n’était pas assez, ce pays se voit une fois de plus agressé par le Rwanda. Les indices convergent et permettent de conclure que le noyau dirigeant à Kigali cherche l’expansion territoriale. Il semble aussi aspirer au rôle de bourreau qui exécute le président Kabila. Mais, autre indice qui donne de l’espoir, Kigali perd du crédit. Le président Kagame n’aura bientôt plus de pions qu’il peut téléguider pour déclencher des rébellions au Congo. A Washington, traditionnel parrain du Rwanda, le sous-secrétaire d’État, Johnnie Carson, et d’autres hommes politiques prudents prennent leur distance de Paul Kagame et dénoncent le fait qu’il agresse un pays voisin.
Les puissances doivent aller plus loin. Ceux qui déplorent les souffrances des populations congolaises – qu’ils soient honnêtes ou pas – doivent saisir le "momentum". Ils doivent mettre fin au projet du Grand Rwanda une fois pour toutes. Ne pas le faire serait impardonnable et à considérer comme un acte délibéré de non assistance à un pays en péril. Pire. Si on laisse faire Kagame, qu’on n’aie plus aucun doute : il mettra le feu à toute l’étendue de l’Afrique centrale.
Sommaire
Numéro coordonné par Raf Custers
- Edito/Kongo : Koherent Kaos ?/Raf Custers et Erik Rydberg
- Désintégrer le Congo ? Rwanda + M23/Raf Custers
- Le Congo : progrès sabotés/Raf Custers
- Françafrique entre passé et ... passé/Lila Bourcy
- Dérapage de la diligence/Raf Custers
- La transparence ce n’est pas vraiment transparent/Erik Rydberg et Romain Gelin
- Or, mercure et sang au Pérou/Vladimir Caller
- Afrique et fuite de capitaux/Romain Gelin
- A lire
Numéro consultable en ligne : https://issuu.com/gresea/docs/ge72_complet
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