Malgré quelques invariants fondamentaux, le capitalisme Capitalisme Système économique et sociétal fondé sur la possession des entreprises, des bureaux et des usines par des détenteurs de capitaux auxquels des salariés, ne possédant pas les moyens de subsistance, doivent vendre leur force de travail contre un salaire.
(en anglais : capitalism)
prend des formes différentes selon les périodes et les configurations sociohistoriques dans lesquelles il s’incarne concrètement. Aujourd’hui, c’est sa forme néolibérale qui continue de primer. Une forme dont on peut observer les caractéristiques et les pistes de résistance qu’elles imposent à travers le cas d’une entreprise comme Alibaba.

Ce texte est la synthèse d’une intervention réalisée dans le cadre d’un cycle de formation sur le capitalisme organisé par Ilo Citoyen, à Liège, en octobre 2020.

Depuis les années 1980, la forme de capitalisme Capitalisme Système économique et sociétal fondé sur la possession des entreprises, des bureaux et des usines par des détenteurs de capitaux auxquels des salariés, ne possédant pas les moyens de subsistance, doivent vendre leur force de travail contre un salaire.
(en anglais : capitalism)
qui domine à l’échelle internationale est celle du capitalisme néolibéral. Celle-ci fait suite au fordisme Fordisme Système de production fondé au début du XXe siècle dans les usines Ford. Il est basé sur plusieurs éléments : 1. la standardisation des composants ; 2. la mise séquentielle des hommes, des machines et des outils dans l’ordre chronologique où se réalise la production ; 3. la chaîne de montage. Par extension, l’école de la régulation a appelé fordisme tout le système consistant à augmenter la productivité et à développer la consommation de masse grâce à des hausses perpétuelles des salaires, qui s’est généralisée en Europe occidentale après la Seconde Guerre mondiale.
(en anglais : fordism)
qui a dominé le monde durant la période rétrospectivement qualifiée de « Trente Glorieuses Trente glorieuses Période des trente années suivant la dernière guerre, entre 1945 et 1975, au cours de laquelle la croissance économique a atteint dans les pays occidentaux des taux très élevés, beaucoup plus élevés que dans les périodes antérieures. Ce taux élevé de croissance est essentiellement dû à la conjonction de plusieurs catégories de facteurs comme le progrès de la productivité, la politique de hauts salaires, la régulation par les pouvoirs publics, etc.
(En anglais : The Glorious Thirty)
 » (1945-75). On peut distinguer quatre caractéristiques fondamentales du capitalisme néolibéral qui se renforcent mutuellement.

  • Transnationalisation

Le capitalisme néolibéral est un capitalisme transnationalisé. Cette transnationalisation comprend trois dimensions. Le commerce international, tout d’abord, a augmenté presque systématiquement plus vite que la croissance Croissance Augmentation du produit intérieur brut (PIB) et de la production.
(en anglais : growth)
mondiale ces quatre dernières décennies. Mais à la différence de la « première mondialisation » (fin 19e – début 20e siècle) durant laquelle cette intégration économique mondiale se faisait essentiellement entre États, depuis les années 1980, elle s’est surtout réalisée à travers eux, comme en témoignent le rôle et le nombre croissants des firmes multinationales. On estime ainsi qu’un tiers du commerce international relève en réalité d’échanges au sein même de ces groupes qui organisent leur production à l’échelle planétaire. Et si on tient compte des échanges entre firmes multinationales, on se rend compte qu’elles contrôlent plus des deux tiers du commerce international.

Ce contrôle des multinationales sur le commerce mondial s’est affermi grâce à la seconde dimension de la transnationalisation : la mobilité internationale des moyens de production. Ce ne sont plus seulement les marchandises qui circulent, mais également les capitaux qui permettent d’acheter ou de construire des usines. En effet, depuis quatre décennies, l’investissement Investissement Transaction consistant à acquérir des actifs fixes, des avoirs financiers ou des biens immatériels (une marque, un logo, des brevets…).
(en anglais : investment)
direct étranger (IDE IDE Investissement Direct à l’Étranger : Acquisition d’une entreprise ou création d’une filiale à l’étranger. Officiellement, lorsqu’une société achète 10% au moins d’une compagnie, on appelle cela un IDE (investissement direct à l’étranger). Lorsque c’est moins de 10%, c’est considéré comme un placement à l’étranger.
(en anglais : foreign direct investment)
) des firmes multinationales s’est accru de manière plus intense encore que le commerce mondial de marchandises et a favorisé la constitution de réseaux transnationaux de production et de commercialisation, appelés communément « multinationales ».

Enfin, ce capital Capital Ensemble d’actifs et de richesses pouvant être utilisés pour produire de nouveaux biens ou services.
(en anglais : capital, mais aussi fund ou wealth)
, devenu extrêmement mobile à l’échelle internationale, n’a pas pour seule vocation d’investir à long terme dans la production. Il est aussi extrêmement volatil et spéculatif. Le concept de financiarisation Financiarisation Terme utilisé pour caractériser et dénoncer l’emprise croissante de la sphère financière (marchés financiers, sociétés financières...) sur le reste de l’économie. Cela se caractérise surtout par un endettement croissant de tous les acteurs économiques, un développement démesuré de la Bourse et des impératifs exigés aux entreprises par les marchés financiers en termes de rentabilité.
(en anglais : securitization ou financialization)
est généralement utilisé pour désigner cette nouvelle domination mondiale du capital financier Capital financier Ensemble d’avoirs concernant des actifs financiers (titres, prêts...). On désigne aussi les formes juridiques capitalistes qui accumulent des avoirs financiers de capital financier par opposition à un capital industriel ou capital réel. Soit toutes les sociétés financières. Dans la théorie marxiste, on identifie le capital financier à la « fusion entre le capital industriel et bancaire », c’est-à-dire les firmes qui ont des participations ou des investissements à la fois dans le domaine bancaire (ou financier) et industriel.
(en anglais : financial capital).
dans le cadre du néolibéralisme Néolibéralisme Doctrine économique consistant à remettre au goût du jour les théories libérales « pures ». Elle consiste surtout à réduire le rôle de l’État dans l’économie, à diminuer la fiscalité surtout pour les plus riches, à ouvrir les secteurs à la « libre concurrence », à laisser le marché s’autoréguler, donc à déréglementer, à baisser les dépenses sociales. Elle a été impulsée par Friedrich von Hayek et Milton Friedman. Mais elle a pris de l’ampleur au moment des gouvernements de Thatcher en Grande-Bretagne et de Reagan aux États-Unis.
(en anglais : neoliberalism)
.

  • Financiarisation

Le terme de « financiarisation » renvoie au fait que les acteurs de la finance (banques, fonds Fonds (de placement, d’investissement, d’épargne…) : société financière qui récolte l’épargne de ménages pour l’investir ou le placer dans des produits financiers plus ou moins précis, parfois définis à l’avance. Il existe des fonds de pension, des fonds de placement, des fonds de fonds qui sont proposés à tout un chacun. En revanche, les hedge funds (fonds spéculatifs) et les private equity funds sont réservés à une riche clientèle.
(en anglais : fund)
financiers) [1] occupent aujourd’hui une place telle (à la fois quantitativement et qualitativement) qu’ils sont en mesure d’imposer leur logique et leurs contraintes à l’ensemble des autres acteurs de l’économie : travailleurs, entreprises et jusqu’aux États eux-mêmes. La valeur totale des actifs financiers aujourd’hui en circulation dépasse ainsi de cinq ou six fois la valeur du PIB PIB Produit intérieur brut : richesse marchande créée durant une période déterminée (souvent un an) sur un territoire précisé (généralement un pays ; mais, en additionnant le PIB de tous les pays, on obtient le PIB mondial).
(en anglais : Gross Domestic Product ou GDP)
mondial.

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Notes

[1Pour une description détaillée de ces acteurs que l’on regroupe parfois erronément sous le terme « marché financier », voir Houben, H., Le monde malade de la finance ? Charleroi, Couleur livres, 2016. https://gresea.be/Le-nouveau-capital-financier