GRESEA, Cotonou et moi
Et de deux ! Le voici enfin, notre deuxième numéro du GRESEA Echos, confirmation des échos précédents que la roue tourne bel et bien à nouveau, et à plein régime. La tâche a été ardue, certes, mais le résultat est là, et il revêt - pour moi - une signification particulière.
Petit nouveau de la bande, j’ai rejoint l’équipe du GRESEA en décembre 2005, avec pour mission de mettre en œuvre un programme de recherche et de sensibilisation sur le volet commercial de l’accord de Cotonou. Le défi était de taille, mais travailler dans une ONG sur des questions de développement Nord-Sud avait toujours été un vieux rêve, dès le début de mon parcours universitaire. Intérêt intellectuel, besoin de me démarquer des sentiers battus auxquels mes études commerciales me prédestinaient, envie de comprendre le monde, son fonctionnement et ses inégalités, et de lutter pour plus de solidarité, bref toute une série de raisons, peut-être parfois un peu naïves, qui m’ont conduit là où je suis maintenant.
Mon entrée au GRESEA est donc quelque part la concrétisation de ce rêve. C’est seulement le début, mais le bilan que je peux en faire, après une demi-année d’écoulée, est déjà bien à la hauteur de me espérances. A travers un travail rigoureux d’analyse scientifique et de vulgarisation, le GRESEA fait de l’éducation au développement pour ses publics. Mais il éduque tout autant ses propres forces de travail. Il leur ouvre l’esprit et les amène à développer une attitude critique par rapport au monde qui les entoure. C’est là sans doute sa principale force, et c’est le plus bel enrichissement que j’en retire jusqu’à présent. Que l’aventure continue !
Ce numéro, c’est donc ma première contribution concrète au travail de conscientisation et d’analyse critique que le GRESEA mène depuis de nombreuses années sur des questions d’ordre économique. Il a pour thème de fond le commerce Nord-Sud, et plus spécifiquement les relations commerciales entre l’Union européenne (UE) et les pays ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique), actuellement en pleine redéfinition en vue de l’établissement progressif de zones de libre échange entre les deux blocs à partir de 2008.
Après plus de 25 années d’un régime commercial préférentiel non réciproque en faveur des pays ACP, le libre échange, cette notion clé du système économique libéral actuel, est donc également devenu un élément central de la politique de coopération de l’Union européenne à l’égard de ses anciennes colonies d’Afrique et des îles des Caraïbes et du Pacifique. Les raisons avancées par l’Europe pour justifier ce changement majeur sont à la fois développementalistes et pragmatiques : le régime préférentiel dit de « Lomé » non seulement n’a pas favorisé la diversification et le développement économique des pays ACP, mais en outre s’est avéré incompatible avec les règles du commerce international. D’où nécessité de changement. Mais il y a plus ! Derrière ces négociations se profile également en toile de fond toute une conception presque idéologique du développement par le commerce et le marché, ainsi qu’un contexte de concurrence accrue entre les super-puissances économiques pour l’obtention de nouveaux marchés. Tout cela mérite réflexion.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que les négociations de ces futurs accords commerciaux, connus sous le vocable d’ « Accords de Partenariat Economique » (APE), suscitent inquiétudes et controverse. Une multitude d’acteurs – politiques, experts, société civile, syndicats – se sont penchés sur la question et les arguments foisonnent, dans un sens comme dans un autre, sans que personne ne puisse finalement prédire avec exactitude quels seront les effets réels, positifs ou négatifs, à court, moyen et long terme, de ces futurs accords sur les diverses économies ACP.
C’est dans ce contexte que ce GRESEA Echos a été conçu. A moins d’un an et demi de l’échéance 2008, et compte tenu du processus de révision dont les négociations APE vont faire l’objet au deuxième semestre 2006, ce numéro spécial n’a d’autres buts que de susciter le débat, la réflexion critique sur cette problématique en proposant une confrontation entre divers points de vues et analyses émanant d’un large panel d’acteurs concernés. Ce numéro n’est pas parfait. Certains thèmes, tels que notamment l’intégration régionale en Afrique ou encore le lien complexe entre commerce et développement, auraient pu être abordés de manière plus approfondie. Certains acteurs, tels que le secteur privé et les institutions européennes, manquent également à l’appel. Mais il a en tous les cas le mérite de donner la part belle aux analyses et critiques que les Africains font de la situation. Ce n’est déjà pas si mal.
La question de l’accord de Cotonou, et plus spécifiquement sa dimension commerciale, n’est pas un thème nouveau pour le GRESEA. Que ce soit seul ou au sein de plateformes d’ONG, il prend depuis plusieurs années déjà une part active dans la réflexion et la prise de conscience des enjeux inhérents aux relations économiques entre l’Union européenne et les pays ACP. Ce numéro thématique du GRESEA Echos n’est en outre que le premier volet du travail que nous avons prévu de mener cette année sur le thème « Cotonou ». La suite ? Le GRESEA se penchera sur la question des obstacles et attentes réels des petites et moyennes entreprises (PME) qui cherchent à se développer ou à investir en Afrique, en partant de l’idée qu’une sensibilisation et une prise en compte accrue des acteurs « non globalisés » du secteur privé et de leurs attentes, notamment dans le cadre des négociations APE, pourraient constituer un tremplin favorable à la création d’alliances fructueuses entre le Nord et le Sud, source de développement économique local. Une deuxième publication verra ainsi le jour, ainsi que plusieurs actions de formation dont un cycle des Universités des Alternatives sur le thème des APE et de l’investissement en Afrique. Affaire à suivre donc…
Bonne lecture.
Sommaire
- I – Cadrage critique des enjeux
- Réduire les coûts et maximiser les bénéfices de l’impérialisme/Bernard Conte
- L’agriculture familiale est un problème mondial/Ibrahim Coulibaly
- Vous avez dit « coopération industrielle » ?/Walter Coscia
- II – Autour d’une négociation commerciale
- Perspective historique/Kathleen Van Hove
- Dimension sociale, svp !/Gérard Fonteneau
- Paroles de négociateur.../Guy Zsokambi
- III – Heurs et malheurs de la participation
- Les APE ? A redéfinir complètement !/Aurélien Atidegla
- Le Sud se mobilise/Laoual Sayabouti
- La Déclaration de Niamey, 8 juin 2006
- Pour en savoir plus
Pour consulter la revue en ligne : https://issuu.com/gresea/docs/ge46reduit
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