Dès le premier trimestre de l’année 2020, le monde est pris de cours par l’arrivée du coronavirus qui provoque une situation inédite. Économie à l’arrêt, crise sanitaire, populations confinées : la pandémie met rapidement en lumière les failles et contradictions de notre économie néolibérale.

Au travers de cas parfois très concrets, les articles de ce numéro collectif analysent l’impact de la pandémie sur les dynamiques profondes du capitalisme Capitalisme Système économique et sociétal fondé sur la possession des entreprises, des bureaux et des usines par des détenteurs de capitaux auxquels des salariés, ne possédant pas les moyens de subsistance, doivent vendre leur force de travail contre un salaire.
(en anglais : capitalism)
et de ses institutions, et l’emballement qui semble caractériser le moment présent.

Ainsi, le premier article revient sur la crise sanitaire vue au travers des fondements de l’analyse économique féministe et sur la contradiction toujours plus aigüe entre le capital Capital Ensemble d’actifs et de richesses pouvant être utilisés pour produire de nouveaux biens ou services.
(en anglais : capital, mais aussi fund ou wealth)
et la vie sur Terre. Le deuxième relate comment certains secteurs économiques tirent malgré tout leur épingle du jeu en profitant des mesures spéciales pour accélérer la restructuration de leur activité sans passer par la case « procédure Renault ». C’est outre-Atlantique, en Colombie, que le troisième article nous emmène, où les mesures fiscales décidées en temps de pandémie ont provoqué un soulèvement inédit. Le quatrième article se penche sur un des grands gagnants de la pandémie − le secteur numérique – dont le modèle semble s’imposer, mais qui fait pourtant face à des obstacles et remises en question qui entraveront peut-être son développement. Enfin, parce que la numérisation transforme en profondeur le monde salarial, le dernier article est dédié au travail de plateforme où l’algorithme met en péril les droits des travailleurs et travailleuses.

  Sommaire  

 Édito

Comme un goût du « monde d’après »

Les crises présentent l’avantage de faire voir et d’amplifier les contradictions à l’œuvre dans la sphère économique, lieu de l’accumulation Accumulation Processus consistant à réinvestir les profits réalisés dans l’année dans l’agrandissement des capacités de production, de sorte à engendrer des bénéfices plus importants à l’avenir.
(en anglais : accumulation)
du capital Capital Ensemble d’actifs et de richesses pouvant être utilisés pour produire de nouveaux biens ou services.
(en anglais : capital, mais aussi fund ou wealth)
et du rapport salarial. C’est d’autant plus vrai aujourd’hui, tant la crise que nous vivons est profonde. Dans sa dimension sanitaire tout d’abord, le confinement est venu achever une économie mondiale qui montrait déjà des signes d’essoufflement et dont les déséquilibres se faisaient chaque jour plus aigus. Dans sa dimension écologique ensuite, les désastres environnementaux touchent les populations les plus précaires au Sud, mais désormais aussi au Nord. À cela s’ajoute une dimension autoritaire, particulièrement en Occident, conséquence de décennies de néolibéralisme Néolibéralisme Doctrine économique consistant à remettre au goût du jour les théories libérales « pures ». Elle consiste surtout à réduire le rôle de l’État dans l’économie, à diminuer la fiscalité surtout pour les plus riches, à ouvrir les secteurs à la « libre concurrence », à laisser le marché s’autoréguler, donc à déréglementer, à baisser les dépenses sociales. Elle a été impulsée par Friedrich von Hayek et Milton Friedman. Mais elle a pris de l’ampleur au moment des gouvernements de Thatcher en Grande-Bretagne et de Reagan aux États-Unis.
(en anglais : neoliberalism)
effréné et de destruction de l’État social.

Pour construire ce numéro collectif, nous avons tenté de cerner ce qui relève d’un continuum historique ou ce qui fait rupture dans la crise du capitalisme Capitalisme Système économique et sociétal fondé sur la possession des entreprises, des bureaux et des usines par des détenteurs de capitaux auxquels des salariés, ne possédant pas les moyens de subsistance, doivent vendre leur force de travail contre un salaire.
(en anglais : capitalism)
que nous traversons. Au travers de cas parfois très concrets, chaque article met en lumière des dynamiques profondes qui animent le développement du capitalisme et de ses institutions, mais aussi l’emballement qui semble caractériser le moment présent.

Dès le début de la crise sanitaire, les femmes ont pris sur leurs épaules une grande part de l’effort collectif : soignantes, caissières, vendeuses et, femmes au foyer. Souvent cantonnées aux emplois peu rémunérés et précaires, les femmes ont tenu le rôle que leur assigne la division sexuelle du travail, à savoir être les garantes, à moindres frais, de la reproduction de la société.

Cette division sexuelle du travail n’a rien de nouveau. Mais l’ampleur de la crise a montré que, loin des discours égalitaristes qui fleurissent dans les motions parlementaires et les reportages médiatiques, la situation n’évolue pas. Au contraire, la marchandisation croissante des métiers du care (soins de santé, éducation, accompagnement des enfants et des seniors, etc.) et les tendances politiques autoritaires font peser de lourdes menaces sur les droits conquis par les femmes.

C’est donc bien, comme l’explique Natalia Hirtz, un nouvel espace qui s’ouvre pour les luttes féministes à travers le monde.

La crise sanitaire a rapidement montré les dysfonctionnements de l’État néolibéral, en particulier dans les soins de santé. Au lieu de les résoudre, les autorités ont préféré soutenir certains secteurs économiques et les grandes entreprises qui les dominent, en transférant encore un peu plus les richesses créées par le travail vers ces oligopoles.

Dans son article, Romain Gelin détaille l’impact de la covid-19 sur l’emploi en Belgique ainsi que les politiques de " sauvegarde " adoptées par le gouvernement, mais aussi l’opportunité qu’a représenté la crise sanitaire pour certaines grandes entreprises, qui ont ainsi pu accélérer la restructuration de leurs activités.

En contrepoint géographique, Sebastian Franco analyse quant à lui la situation en Colombie où les mesures décidées en temps de pandémie ont mené à l’explosion sociale. Ce soulèvement inédit montre à quel point la situation peut échapper au contrôle des autorités, qui plus est dans un pays aux énormes déséquilibres sociaux. La crise politique en Colombie dépasse la situation conjoncturelle ; elle naît des contradictions du modèle de développement du pays et en particulier de son insertion dans la division internationale du travail Division Internationale du Travail ou DIT : Répartition globale de la production mondiale entre les différents pays en fonction de leurs avantages comparatifs. Ainsi, jusque dans les années 70, le Tiers-monde fournissait essentiellement des matières premières qui étaient transformées dans les anciennes métropoles coloniales. Par la suite, une partie des nations en développement se sont industrialisées à leur tour dans des biens manufacturés de consommation courante. Les pays avancés se sont tournés vers les produits et les services de plus haute technologie.
(En anglais : division of labor)
.
En miroir à la faiblesse des institutions publiques, la puissance des grandes entreprises ne cesse de grandir. De la production de vaccins aux solutions de travail en ligne, en passant par le greenwashing des plateformes, ce sont elles qui structurent le « monde d’après ».

Secteur des plus en vue, le numérique affiche sa puissance. Mais cette superbe retrouvée, comme le montre Cédric Leterme, masque mal les obstacles et les remises en question que crée leur développement effréné.

Enfin, Anne Dufresne nous emmène dans les entrailles du travail de plateforme, où l’algorithme soumet le travail à la logique froide de l’intelligence artificielle. Car si le numérique transforme nos modes de consommation, il modifie aussi notre façon de produire et fait porter un risque énorme sur les droits des travailleuses et des travailleurs.

Loin de mener systématiquement à la révolte et à la résistance, cette fuite en avant est surtout propice à la montée de différentes formes d’autoritarisme partout sur la planète. D’autant que les forces néolibérales peuvent aujourd’hui s’appuyer sur un état d’exception permanent.

 Sommaire

Éditorial : Comme un goût du « monde d’après »
Sebastian Franco

Le capitalisme patriarcal, au centre de la « syndémie »
Natalia Hirtz

Covid et restructurations opportunistes
Romain Gelin

La crise sociale en Colombie à l’aune de son modèle de développement
Sebastian Franco

Le numérique, grand gagnant de la pandémie ?
Cédric Leterme

Covid19-, les plateformes contre le droit du travail
Anne Dufresne

 

Télécharger ce n° sous format PDF :

 

 

Commander ce numéro
Veillez à préciser le n°.
Prix unitaire : 6 € hors frais de port
Pour les commandes multiples, merci de nous contacter à l’adresse info gresea.be afin que nous déterminions le montant des frais de port.

Frais de port pour la Belgique : 4,08€
Frais de port UE : 12,65€

Mode de payement (obligatoire)
Désirez-vous une facture?

Votre commande sera expédiée dès réception de votre virement. Merci de mentionner le titre de la publication en communication.

Indiquez toute information utile à la gestion et à l'envoi de votre commande.

Pour les payements Paypal, il est important compléter ce formulaire avant de procéder à la transaction.


 

Abonnez-vous à notre revue "Gresea Echos"

Abonnement annuel : 18 €

18 euros - 4 numéros/an
8€ tarif étudiant ou allocataire social
Payez par virement (nous refusons les chèques car les frais d’encaissement sont trop élevés ) sur notre compte bancaire :
IBAN : BE08-0682-4646-5913
BIC (SWIFT) : GKCCBEBB

 


Vous pouvez également retrouver ce numéro (et d’autres) dans certaines librairies de Bruxelles et Wallonie. Consultez la liste ici.