De riches voisins fortunés ont, depuis des années déjà, élu domicile en Belgique. Notre pays est l’objet d’une double immigration fiscale des Pays-bas et de France. Début des années 2000, on dénombrait quelque 84 000 Néerlandais fortunés venus s’installer en Belgique [1]. Il en était de même pour une centaine de milliers de Français, dont bon nombre de familles aisées [2] On estime qu’un Français, détenteur d’une fortune de 450 millions d’euros, fait ainsi une économie annuelle de 750 000 euros. Un de ces exilés, Lotfi Belhassine, ancien patron d’Air Liberté, a affirmé que les banques belges estimaient à 2,5 milliards d’euros le patrimoine
Patrimoine
Ensemble des avoirs d’un acteur économique. Il peut être brut (ensemble des actifs) ou net (total des actifs moins les dettes).
(en anglais : wealth)
français expatrié [3].
Paradis fiscal !
C’est que notre pays ne taxe ni la fortune, ni les gains boursiers. Chez nos voisins des Pays-Bas, l’impôt sur la fortune a été formellement supprimé à partir du 1er janvier 2001, pour être toutefois remplacé par un impôt sur le rendement du capital, évalué forfaitairement à 4% de la fortune. Ce qui présente toutes les caractéristiques d’un impôt sur la fortune (c’est-à-dire les patrimoines qui ne doivent pas être confondus avec les revenus de ceux-ci).
En France, l’impôt sur la fortune comporte six tranches de 0,55% à 1,80%. Il touche le 1% le plus riche de la population et rapporte à peine 1% des recettes fiscales. Qu’à cela ne tienne ! « Aujourd’hui, le nirvana des riches, c’est la Belgique, et dans le plus scrupuleux respect des lois. A son arrivée à Bruxelles, un émigré français ne doit même pas négocier ses impôts comme à Genève » C’est ce que soulignent les auteurs français d’un ouvrage récent, « Trop d’impôt tue l’emploi » [4].
« La Belgique est aujourd’hui un paradis fiscal pour les rentiers », reconnaît à son tour le président de la direction belge de la Deutsche Bank [5].
L’impôt sur la fortune n’existe donc pas en Belgique. Il n’en est pas de même dans d’autres pays européens : la France, l’Espagne, la Suède, la Finlande, la Grèce, l’Islande…Cet impôt existe même au Luxembourg et en Suisse pour les ressortissants de ces pays. Et il est question de le rétablir en Allemagne.
En Belgique, il n’existe pas non plus d’impôt sur les plus-values boursières (les actions). Cadeau appréciable, quand on sait que le Bel 20 (l’indice de cotation à la Bourse de Bruxelles des 20 premières sociétés) a progressé de 30% en 2004, par rapport à 2003, et a enregistré une nouvelle progression de plus de 15% en 2005. Cet impôt sur les plus-values existe cependant dans d’autres pays plus ou moins limitrophes : la France, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, le Royaume-Uni…
Cerise sur la gâteau : la Belgique reste un des derniers pays de l’UE des Quinze à maintenir le secret bancaire fiscal. Notre pays est un des plus restrictifs en matière de contrôle de la comptabilité des banques. Les organismes financiers ne sont tenus à aucune obligation de communiquer à l’administration des impôts l’ouverture et la fermeture de comptes bancaires de toute sorte. Pas d’obligation à fournir au fisc une liste des bénéficiaires des revenus d’intérêts, ni les montants de ces revenus !
Nos gouvernants y tiennent à ce secret ! A partir de juillet 2005, une directive européenne sur « l’harmonisation de la fiscalité des revenus de l’épargne des non résidents » prévoit l’échange généralisé et automatique de l’information sur le revenu tiré de l’épargne des non résidents. Toutefois, axée sur la transparence, cette mesure ne vise pas les revenus les plus rentables (les actions, les plus-values générées par la spéculation boursière).Elle touche les revenus (intérêts) des titres à revenus fixes (obligations) et les comptes bancaires. Le Luxembourg, la Belgique et l’Autriche ont refusé cet échange d’information, préférant une retenue à la source de 15%, dans un premier temps. Histoire de préserver l’anonymat des bénéficiaires !
« Les belges sont égaux devant la loi (…) ; il ne peut être établi de privilèges en matière d’impôts », souligne la Constitution belge.
Or, dans la réalité, avec le maintien du secret bancaire et, de ce fait, l’absence de cadastre des patrimoines financiers, ce sont bien les plus riches qui paient le moins d’impôts, proportionnellement à leurs capacités contributives. Certes, il existe bien un précompte mobilier de 15% sur les intérêts de comptes bancaires et sur les obligations, de même qu’un précompte de 25% sur les revenus d’actions. Mais, depuis 1983, ce précompte mobilier est libératoire : une fois le précompte acquitté, ces revenus financiers ne sont plus ajoutés aux autres revenus dans la déclaration d’impôts. Il n’y a donc plus de globalisation des revenus, ni progressivité de l’impôt. Notons également que ces taux d’imposition sur les revenus financiers sont particulièrement faibles (15% et 25%) en comparaison de l’impôt sur les personnes physiques (IPP), qui est tourne autour de 35% à 40%.
Le constat est éloquent : ce sont surtout les petits et moyens revenus professionnels et ceux des allocataires sociaux (connus de A à Z par le fisc) qui alimentent le plus, par l’impôt direct, le budget de l’Etat fédéral. Constat chiffré ! En 2005, les recettes collectives belges (impôts, taxes, cotisations à la sécurité sociale…) ont atteint 130 milliards d’euros. Cette sommes était ventilée comme suit : 36,1milliards d’euros de cotisations à la sécurité sociale ; 33,6 milliards en impôt sur les personnes physiques ; 22,3 milliards de TVA ; 2,6 milliards en précompte mobilier ; 4,9 milliards en droits de succession et d’enregistrement ; 2,6 milliards en précompte mobilier ; 3 milliards en précompte immobilier ; 8 milliards en impôt des sociétés, etc… [6].
Fin 2005, pour faire passer la pilule du « Pacte de solidarité entre générations », le gouvernement s’est fait fort de mettre à contribution le capital dans le financement « alternatif » de la sécurité sociale, en soumettant les sicav au précompte mobilier de 15%. Les sicav de capitalisation, visées par cette mesure, sont les sicav dont la part d’obligations est de 40% minimum. Ne sont pas visées les sicav d’actions (capital à risque). Ce sont en fait les petits et moyens épargnants qui seront les plus touchés : ils souscrivent surtout à des sicav d’obligations, au rendement garanti !
Ainsi donc, la Belgique est un havre pour le capital financier.
« En ce qui concerne le patrimoine financier net (actifs moins passifs), la Belgique était, en 2002, le pays le plus fortuné de la zone euro ». Ce constat est établi par le Bulletin financier de la banque ING Belgium SA, daté de décembre 2005. En 2002, les patrimoines financiers nets des ménages belges s’élevaient à 635 milliards d’euros, soit deux fois et demi le PIB, la richesse produite sur une année en Belgique.
A son tour, la Banque nationale livrait, au deuxième trimestre 2005, un tableau réactualisé des avoirs financiers des particuliers belges : ceux-ci atteignaient 751 milliards d’euros, ce qui correspond à 75 000 euros par personne. Ces avoirs, on s’en doute, sont concentrés dans un petit pourcentage de ménages : 10% des ménages détiennent plus de 50% des patrimoines ; et le 1% le plus riche de la population en possède 25%.
Notre pays reste également un paradis fiscal pour les entreprises, et d’abord pour les firmes multinationales. En 2006, la Belgique dispose d’un des taux d’impôt des sociétés (ISOC) les plus bas de la zone euro : l’ISOC est passé de 40,17%, avant 2002, à 26% en 2006.
De plus, afin de conserver l’attractivité fiscale de la Belgique pour les firmes multinationales, et cela , en guise de remplacement à terme de leurs centres de coordination, le gouvernement libéral-socialiste a trouvé la parade : les Intérêts notionnels. Les entreprises qui investissent sur fonds propres peuvent, à partir de cette année, déduire fiscalement un intérêt fictif qu’elles auraient payé, si elles avaient eu recours à l’emprunt. Il s’agit donc de créer un intérêt fictif (notionnel) pour immuniser une partie des bénéfices des sociétés. La déduction pour capital à risque ne pourra être supérieure à 6,50% des capitaux propres. La loi du 22 juin 2005 prévoyait l’obligation de garder cette somme déduite fiscalement dans l’entreprise pendant trois ans : cette obligation a été supprimée sous la pression d’investisseurs potentiels. Pas question d’aller à l’encontre de la libre circulation des capitaux ou encore de léser des actionnaires impatients de toucher leurs dividendes !
Une redistribution inversée des richesses
Le produit intérieur brut de la Belgique est passé de 89 milliards d’euros à 270 milliards d’euros de 1980 à 2003. Il a donc triplé de volume en vingt ans, grâce à la productivité croissante et à la bonne santé financière des entreprises. En 2004, des chiffres record ont été enregistrés par les sociétés du Bel 20. Leurs bénéfices 2004 (12 milliards d’euros) dépassent de 40% ceux de 2003 (8,3 milliards d’euros). Et quasi la moitié de ceux-ci a été redistribuée aux actionnaires [7]. A titre d’exemple, le groupe bancaire Fortis, largement en tête du classement des entreprises en Belgique avec un bénéfice net de 3 ,358 milliards d’euros en 2004 (+ 53% par rapport à 2003), a redistribué aux actionnaires 2 milliards d’euros. Et pour 2005, Fortis a dégagé la coquette somme de 3,9 milliards de bénéfices nets. Pour 2004, Belgacom réalisait à son tour 922 millions d’euros de bénéfice net (+ 636% par rapport à 2003) et redistribuait aux actionnaires 698 millions d’euros. Toujours en 2004, les actionnaires de Suez, qui a absorbé Electrabel, se sont partagés la coquette somme de 816 millions d’euros de dividendes sur base des 1,804 milliard d’euros de bénéfices : presque la moitié des bénéfices dévolus aux dividendes ! Pour l’année 2005, les bénéficies de cette même entreprise se chiffrent à 2,5 milliards d’euros, avec un résultat net par action de 2,39 euros contre 1,70 euro en 2004.
Le géant de l’acier européen, Arcelor, a dégagé en 2005 un bénéfice net record de 3,846 milliards d’euros et propose à ses actionnaires un dividende brut en hausse de 85%. De son côté, l’entreprise pétrolière Total a engrangé 12 milliards d’euros de résultat net et un tiers de cette montagne d’argent ira gonfler les comptes en banque des actionnaires.
Cette année, les profits distribués aux actionnaires par les plus grosses entreprises françaises, en augmentation de 33% (contre 2,3% pour les salaires) représenteront 31 milliards d’euros, soit près de deux millions d’années de travail d’un salarié médian français.
Le transfert des richesses s’est bien opéré au profit des actionnaires et au détriment des salariés.
Précarité sociale !
En Belgique, une personne seule bénéficiant du revenu d’intégration (anciennement minimex) doit se contenter de 626 euros par mois. L’allocation minimale d’un chômeur « chef de ménage » (au moins deux personnes dans le ménage) est de 895 euros par mois. La pension minimale pour un(e) isolé(e), qui a une carrière complète, s’élève à 833 euros par mois. La pension moyenne d’un(e) salarié(e), qui a travaillé dans le privé, est de 844 euros par mois.
Constat glacial : la plupart des minima sociaux sont sous le seuil de pauvreté. Ce seuil de pauvreté se situe en Belgique à 773 euros par mois pour un isolé et à 1.623 euros par mois pour un couple avec deux jeunes enfants. Une personne sur sept, un chômeur sur trois (soit au total quelque 1,5 million de personnes) se trouveraient sous ce seuil de pauvreté. Selon le Comité consultatif pour le secteur des pensions, 26% des personnes de plus de 65 ans vivent aujourd’hui sous le seuil de pauvreté. Et, dans son avis du 29 septembre 2005, il précisait : « Si une adaptation sérieuse et automatique de l’ensemble des pensions n’est pas rapidement mise en place, le chiffre de 26% ne fera que croître ».
Depuis une trentaine d’années, les revenus de remplacement des chômeurs, des pensionnés, des malades n’ont pas suivi l’évolution des salaires des travailleurs actifs : c’est ce qu’on appelle la liaison des allocations sociales au bien-être. Ainsi, entre 1980 et 2004, l’allocation moyenne pour le chômage est tombée de 41,6% à 27,7% du salaire brut moyen ; pour les pensions, elle est passée de 33,8% à 32,1% ; pour les invalides, de 43,9% à 32,5% [8].
Ces vingt dernières années, les allocataires ont perdu 25% de leur pouvoir d’achat.
Dès 2008, il est prévu une enveloppe annuelle de liaison au bien-être des revenus de remplacement (quelque 200 millions d’euros), juste suffisante pour relever les minima de 1%, les allocations de chômage de 0,5% !
En même temps qu’il déclarait sa ferme intention de relever le montant des pensions, le gouvernement a décidé, qu’à partir de 2006, les périodes assimilées pour la pension (notamment le chômage et la pré- pension) seraient moins valorisés pour le calcul du montant de la pension. Ainsi, à terme, les travailleurs, qui auront connu au cours de leur carrière dix années de pré- pension ou de chômage, verront leur pension diminuée de 40 euros par mois [9]. Par contre, les réductions des cotisations patronales à la sécurité sociale, qui mettent en péril son financement, atteignent des chiffres mirobolants ! Ces réductions sont passées d’un milliard d’euros, en 1995, à plus de 5 milliards en 2005. Toutes les entreprises en bénéficient, quelle que soient leur taille ou leur marge bénéficiaire. De plus, elles ne sont soumises à aucun contrôle, ni à aucune contrepartie en termes d’emplois.
L’emploi ! Le Bureau fédéral du Plan signale la création de 79 000 emplois sur la période 2003-2006. Il dénombre cependant pour la même période 89 000 chômeurs supplémentaires.
Fin décembre 2005, la Belgique comptait près de 452 000 chômeurs complets indemnisés, soit quelque 14% de la population active. Pour les jeunes de 15 à 25 ans, le taux de chômage s’élève à quelque 33% en Wallonie. En totalisant toutes les catégories de personnes subissant une situation de sous-emploi (chômeurs, prépensionnés, travailleurs à temps partiel…), on approche le chiffre de 900 000 personnes sur une population active officielle de 4 800 000 unités (Banque nationale de Belgique, 2005). En 2004, le rapport entre les volumes de l’offre d’emploi et de la demande était de 1 pour 32 en Belgique et de 1 pour 45 en région liégeoise.
C’est pourtant cette année-là que la coalition « violette » au gouvernement libéral-socialiste mettait en place sa loi « d’activation du comportement de recherche d’emploi », qui vise tous les chômeurs âgés de moins de 50 ans, cohabitants, isolés ou chefs de ménage. Contrôles renforcés, preuves de recherche active d’emploi, multiplication des sanctions et exclusions du droit aux allocations de chômage…, le mécanisme est en place pour culpabiliser les chômeurs, les forcer à accepter des contrats intérimaires, des emplois au rabais, à temps partiel, à durée déterminée, des petits boulots sans avenir et mal payés.
Coûts salariaux et compétitivité : de quoi parle-t-on ?
Selon les résultats d’une étude récente réalisée par le CRIOC (centre de recherche et d’information des organisations de consommateurs) et de l’Observatoire du crédit et de l’endettement, ces dix dernières années, le pouvoir d’achat des fonctionnaires a diminué de 2,28%, celui des salariés de 2,08% et celui des ménages défavorisés (deux adultes, deux enfants), de 3,2%. Pendant ce temps, les prix ont progressé de 19%. « La plupart des biens alimentaires et de consommation courante ont connu une augmentation de prix supérieure à la moyenne », indiquent le CRIOC et l’Observatoire. Par exemple, le prix des pommes de terre a augmenté de 76%, celui du poisson de 29%, les fruits frais de 26%, le pain de 24% et la viande de 19%. Entre 1995 et 2005, pour un chef de ménage bénéficiant d’une allocation de chômage, le prix du mazout a augmenté huit fois plus vite que son revenu. Depuis le 1er janvier 1994 déjà, la liaison des salaires à l’index (l’indice des prix à la consommation) n’est plus un rempart contre la flambée des prix. Les salaires et les allocations sociales ne sont plus adaptés à l’index mais à « l’indice santé ». Le gouvernement a retiré de l’index les prix des cigarettes, du tabac, de l’alcool, de l’essence et du diesel. De plus, dans une série de secteurs industriels aussi importants que la métallurgie, l’alimentation, la construction, les augmentations salariales prévues (hors indexation des salaires) peuvent être, dorénavant, partiellement ou totalement supprimées, si l’index dépasse le seuil de 3,3% (en 2005-2006). C’est ce qu’on appelle les accords salariaux « all-in » (« tout compris ») : si l’inflation prévue est dépassée, on rogne les augmentations ! Un travailleur belge sur cinq connaît déjà ce régime. Le gouverneur de la Banque Nationale, Guy Quaden, a suggéré de généraliser cette formule à l’ensemble des secteurs.
Sur les 25 dernières années, le produit intérieur brut de la Belgique a triplé de volume, mais la part des salaires dans le PIB est passée, elle, de quelque 67%, en 1980, à 56,5% en 2004.
Les politiques néolibérales ont favorisé une énorme redistribution inversée des richesses, aux profits des entreprises, de l’actionnariat, de l’enrichissement continu d’une couche restreinte des ménages, au détriment de l’investissement productif, de l’emploi, des minima sociaux, des salaires. Des salaires qui, dans le cadre de l’accord interprofessionnel 2003-2004, entre patronat et syndicats, étaient plafonnés à 5,4 d’augmentation. Et, pour 2005-2006, la norme imposée par le gouvernement libéral-socialiste ne prévoit plus qu’une hausse indicative de 4,5%. Inflation déduite, il reste au maximum entre 0,5% à 1% d’augmentation salariale réelle !
Cette modération salariale n’a de toute évidence pas cours pour les chefs d’entreprise. Les discours sur les « nécessaires sacrifices » que « tous » doivent réaliser dans « l’intérêt général » trouvent ici leur expression la plus hypocrite et cynique. En 2003, les patrons belges s’octroyaient une augmentation salariale moyenne de 10,5%. Les neuf membres du conseil d’administration d’Interbrew se partageaient la somme de 18,4 millions d’euros et un gros paquet de stocks-options. Le 23 février 2006, Inbev, entreprise de droit belge issue notamment d’Interbrew, annonçait la délocalisation d’une partie de ses activités vers la Hongrie et la République tchèque. Objectif : diminuer les coûts de production, avec une main d’œuvre locale meilleur marché ! Coût de l’opération : plus de 450 emplois administratifs supprimés, dont près de 180 à Jupille dans la région liégeoise. Le lendemain de cette décision, le groupe annonçait un résultat d’exploitation en augmentation de 30% pour 2005. Et c’est plus d’un milliard d’euros de bénéfices que vont se partager les actionnaires de l’entreprise.
Malgré cela, le patronat répète à l’envi que les charges salariales sont beaucoup trop élevées, en comparaison avec nos principaux partenaires commerciaux qui sont d’ailleurs nos voisins (France, Allemagne, Pays-Bas). La loi du 26 juillet 1996 « relative à la promotion de l’emploi et à la sauvegarde de la compétitivité » a donné pour mission au Conseil Central de l’Economie d’établir, à intervalles réguliers, un rapport sur la compétitivité et les salaires en Belgique, en référence avec ces trois pays limitrophes.
Fin 2005, le CCE, organe paritaire –gouvernement-patronat-syndicats- accréditait le leitmotiv patronal, en signalant que les coûts salariaux en Belgique, portant sur la période 2005-2006, sont de 2,1 points de pourcentage plus élevés que ceux des pays de référence : France, Allemagne, pays-Bas. Et, en fonction de la norme salariale introduite en 1996, les coûts salariaux ne peuvent, en aucun cas, croître plus rapidement que ceux pratiqués dans ces pays voisins de référence. Le gouvernement entend obtenir une déclaration commune des partenaires sociaux, patronat et syndicats, sur la compétitivité et les salaires…en vue d’une nouvelle modération salariale !
Mais, de quoi ne parle-t-on pas ? Pour examiner la compétitivité, il ne faut pas seulement s’en tenir au coût salarial horaire, mais également et surtout au coût salarial par unité produite, et donc à la productivité. Entre 1990 et 1999, la productivité en Belgique a augmenté de 33%, bien plus qu’aux Etats-Unis (plus 22%). Selon Eurostat, des quatre partenaires commerciaux – France, Allemagne, Pays-Bas, Belgique- notre pays affiche de loin la meilleure productivité tout en se situant au-dessus de la moyenne européenne des 15 et à fortiori des 25 pays de l’UE ( en 2005, UE 25=100 ; Belgique = 128).
Dans son rapport sur la compétitivité en Belgique (2004), la Commission européenne indique que le coût salarial par unité produite est, dans notre pays, 16% plus bas que la moyenne de nos trois pays voisins. Se penchant à son tour sur les coûts salariaux en Belgique, la Banque nationale (BNB) indiquait récemment que ceux-ci représentaient 27% du total des coûts de production. En France, c’est au moins 42% et même 47% en Allemagne.
« Les profits d’aujourd’hui sont l’investissement de demain et l’emploi d’après-demain » ! Psalmodié depuis plus de 20 ans, ce leitmotiv dévoile aujourd’hui l’envers du décor : une proportion de plus en plus grande des superbénéfices va dans les poches des actionnaires et autres acteurs de la sphère financière et cela, au détriment de l’investissement productif, de l’emploi, des salaires, du bien-être du plus grand nombre.
Pour citer cet article :
Denis Horman, "Belgique : précarité sociale dans un paradis fiscal", Gresea, mars 2006. Texte disponible à l’adresse :
http://www.gresea.be/spip.php?article1648