En tant que membre de la plateforme "Belfius est à nous", nous partageons cette carte blanche parue dans Le Soir du 4 octobre 2019.

En annonçant il y a quelques temps que Belfius lançait la carte de crédit pour les très riches qui dépensent jusqu’à 100.000€ par mois, Marc Raisière, président du comité de direction de Belfius et partisan de sa privatisation, clarifiait ses intentions : faire de Belfius une banque attractive pour des investisseurs en se tournant vers une clientèle aisée, mobile et connectée.

Le privé a déjà amplement démontré son incapacité à gérer une banque 1, et ceux qui ont construit la crise financière continuent sur leur lancée : les fermetures d’agences bancaires 2 se multiplient, réduisant l’accès aux services de base notamment en zones rurales et dans les quartiers les moins favorisés, compliquant l’accès aux moins mobiles et connecté.e.s 3, licenciant du personnel. L’accès à un compte bancaire est rendu de plus en plus difficile pour les moins favorisé.e.s. C’est qu’il s’agit de maximiser les profits à court terme des actionnaires, pas de fournir un service Service Fourniture d’un bien immatériel, avantage ou satisfaction d’un besoin, fourni par un prestataire (entreprise ou l’État) au public. Il s’oppose au terme de bien, qui désigne un produit matériel échangeable.
(en anglais : service)
au public.

Pourtant, les besoins sont multiples : outre l’accès aux services bancaires de base pour tou.te.s, le logement, la transition énergétique, l’entretien et l’adaptation des infrastructures publiques sont autant de chantiers dans lesquels une banque résolument dédiée à servir la population pourrait faire la différence. Il faut donc en revenir aux sources : à quoi peut servir une banque aujourd’hui ?

Une véritable politique bancaire au service de la population

On aime nous faire croire qu’une banque ne fait pas de politique. Face aux énormes défis sociaux et environnementaux que nous connaissons, le service public Service public Entreprise dont le propriétaire, en général unique, est les pouvoirs publics. Dans un sens plus étroit, cela peut vouloir dire aussi que cette firme publique poursuit des objectifs autres que la rentabilité, de sorte à rendre le service fourni accessible à un plus grand nombre.
(en anglais : public service)
qu’est la banque a un rôle déterminant à jouer – un rôle éminemment politique.

Belfius est l’une des quatre grandes banques de Belgique, et elle nous appartient à 100%. C’est une énorme opportunité. Les objectifs qu’une banque publique devrait poursuivre dans l’intérêt de la population sont nombreux, et la société civile dans sa diversité peut jouer un rôle crucial dans la définition de ces objectifs.

Le 29 mars dernier, le collectif “Belfius est à nous” rassemblait 90 personnes issues d’associations diverses ou “simples” citoyen.ne.s. L’objectif était d’esquisser les missions qui devraient être données à Belfius à travers quatre enjeux de société :

l’accessibilité des services bancaires pour toutes et tous : en 3 ans, 1 agence bancaire sur 5 a été fermée en Belgique, les agences étant de préférence maintenues là où la population est aisée. Or, sans agence de proximité, sans service de base accessible à des conditions praticables, c’est l’exclusion et la dépendancequi pointent – une situation qui touche de plus en plus de personnes à travers le pays – sans parler des milliers de pertes d’emploi. 4

le droit au logement pour toutes et tous : la crise du logement abordable est une réalité profonde en Belgique. A Bruxelles elle touche plus d’un tiers de la population, faute de logements sociaux disponibles. Un achat étant souvent inaccessible, ces ménages sont condamnées à louer, souvent trop cher, trop petit, mal isolé, mal localisé, humide, insalubre.

la transition énergétique : nous savons l’immense défi que constitue le réchauffement climatique et la destruction de la biosphère. La Belgique a pris une série d’engagements en terme d’efficacité énergétique et de réduction des émissions de gaz à effet de serre. La mise en œuvre de ces mesures nécessite des investissements importants.

le financement des infrastructures à l’échelle communale : les règles européennes en matière de budget public, et la charge des intérêts qui pèsent sur les communes sont devenues intenables. Celles-ci ne peuvent plus réaliser les investissements qui sont pourtant nécessaires que ce soit en matière de logement, d’accueil et de soin des personnes âgées, de transport public, d’équipement scolaire ou de santé.

Cette journée de réflexion a montré que Belfius pourra être un contributeur central du financement de la transition écologique, en accordant des prêts à taux plancher pour l’isolation des bâtiments ou en investissant dans les transports publics. Elle pourra contribuer à améliorer l’accès au logement en mettant en place une garantie locative universelle et en se mettant résolument au côté des autorités publiques pour financer du logement social à grande échelle. Elle pourra re-déployer une offre de services de base et de proximité, accessibles à toutes et tous.
Cela suppose de changer de cap – et de s’emparer du sujet : Belfius ne doit plus être considérée comme un centre de profit, mais comme un outil, viable, au service d’enjeux de société devenus vitaux.
A l’heure où les négociateurs mettent en place et négocient coalitions et programmes politiques, il nous parait essentiel de leur rappeler que la banque est un service public. Les électeurs et électrices ont clairement rejeté la coalition qui voulait privatiser Belfius. Ils ont aussi clairement montré que les objectifs de transition écologique, d’accès au logement, d’accessibilité et de qualité des services sont au centre de leurs préoccupations.
Nous invitons le monde associatif et syndical à soutenir et exiger le maintien de Belfius comme banque à 100% publique pour la mettre au service de la population. Nous en appelons aussi à une implication citoyenne et populaire pour que Belfius devienne un outil au service de la justice sociale et environnementale.

1 https://plus.lesoir.be/219393/article/2019-04-19/banques-le-prive-na-pas-vocation-gerer-un-service-public
2 Cf Jérémie Cravatte et Frank Vanaershot, “ING montre une voie sans issue”, La Libre, octobre 2016 : https://www.lalibre.be/debats/opinions/ing-montre-une-voie-sans-issue-57f7b836cd70e9985feb42a7
3 Cf Financité Magazine, “Quand la banque abandonne ses clients”, décembre 2018 : https://www.financite.be/fr/reference/financite-magazine-ndeg52-quand-la-banque-abandonne-ses-clients
4 Voir le dernier rapport de Financité sur l’inclusion financière en Belgique : https://www.financite.be/fr/reference/rapport-annuel-sur-linclusion-financiere-en-belgique-2018

 


https://plus.lesoir.be/251622/article/2019-10-04/belfius-vers-une-vraie-banque-au-service-du-public?fbclid=IwAR1ZdgteQiFdqRiQQus7c0Ekf6QT1SPxr_Lm4rWQ4byTVVnDjWBg0JEOO8M Cette carte blanche a été reproduite à partir du site http://www.belfiusestanous.be/2019/10/04/belfius-vers-une-vraie-banque-au-service-du-public/