Banque centrale européenne : gardien d’une Europe politique monétariste
La Banque centrale européenne (BCE), pas le genre de sujet qui soulève les passions en dehors du cercle étroit des économistes. Et pourtant, le cas de la BCE est intéressant. Car il montre comment fonctionne le piège libéral. Lorsqu’en juillet 2008, la BCE annonçait qu’elle relevait son taux de refinancement de 0,25%, son président, Jean-Claude Trichet, justifiait ce choix en renvoyant à l’unique mandat dévolu, selon lui, à "sa" banque : la lutte contre l’inflation. S’il est vrai que l’article 105 du traité de Maastricht stipule que "l’objectif principal du système européen de banques centrales (SEBC) est de maintenir la stabilité des prix", il établit également que "sans préjudice à l’objectif de stabilité des prix, le SEBC apporte son soutien aux politiques économiques (…) en vue de contribuer à la réalisation des objectifs (…) définis à l’article 2". Or, cet article 2 précise que "la Communauté a pour mission (…) de promouvoir (…) une croissance durable (…) [ainsi qu’un] niveau d’emploi et de protection sociale élevé."
Citation instructive. Elle nous permet, en effet, d’établir que la BCE est mandatée pour atteindre deux objectifs hiérarchisés. Car s’il y a un "objectif principal", il y a forcément un objectif … secondaire (la promotion de l’emploi et de la croissance). Donc, la BCE ne bénéficie pas d’un mandat unique comme le prétend son président. Cette contradiction entre la lettre et l’interprétation du traité est caractéristique de la manière dont se pose, de nos jours, le débat en matière de politique économique. Au diable la nuance, c’est l’unilatéralisme qui doit prévaloir. On nage dans "le dogmatisme (…) que certains utilisent pour maintenir leur pouvoir, leurs prérogatives et leur dominance" (Henri Laborit).
Dominance qui, dans le cas de la BCE, exerce sa pression sur des travailleurs à la fois du Nord et du Sud. Au Nord, l’euro fort, résultat de la politique antiinflatoire de la BCE, justifie le carcan salarial imposé aux salariés européens au nom de la compétitivité. Et ce n’est pas un hasard si de tous les pays d’Europe, c’est en Allemagne que l’euro fort fait le moins débat. Car outre-Rhin, les salaires réels ont diminué de 3% depuis 2000. Au Sud, au moment du passage à l’euro en 2001, la valeur du franc CFA, jusque-là lié au franc français, a été assortie d’une parité fixe par rapport à l’euro. Or, un euro fort n’œuvre pas en faveur des pays de la zone CFA car il en pénalise les exportations.
Rien d’étonnant d’ailleurs à ce que la parité "franc CFA-euro" y soit fortement critiquée. En outre, tant la paupérisation des travailleurs européens que le sabordage des économies de la zone CFA ont été décidés en toute indépendance. Privilège exorbitant que cette autonomie de la BCE car elle lui permet de brader les intérêts des peuples sans rendre de comptes à personne. Cette déconnexion de l’économique vis-à-vis du politique constitue l’aboutissement d’un choix, celui du marché contre les peuples.
En 2005, le non des peuples néerlandais et français au traité “constitutionnel” européen ainsi que la rebuffade irlandaise à l’occasion du référendum sur le traité de Lisbonne ont fait office de grains de sables dans cette terrible mécanique.
Depuis, la construction européenne est entrée en crise. Il serait bon que la BCE ne sorte pas indemne de ce processus !
Ce numéro du Gresea Echos, réalisé par Xavier DUPRET, constitue l’amplification d’un article rédigé pour les Cahiers Marxistes (n°237, mai-juin 2008) intitulé "l’Europe, trop bon élève du monétarisme".
Sommaire
- Edito:Banque centrale européenne:gardien d’une Europe politique monétariste
- Premier volet : L’Europe de la BCE, trop bon élève du monétarisme...
- Deuxième volet : L’inflation, voilà l’ennemi !
- Troisième volet : L’euro fort contre l’emploi et l’industrie
- Quatrième volet : Ca finira bien par coincer quelque part...
- Euros et CFA : l’inéluctable réaménagement / Joachim Vokouma
- Pour en savoir plus
- A lire
Numéro consultable en ligne : https://issuu.com/gresea/docs/ge55reduit
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