Poser la question du travail décent en Afrique impose un recadrage adapté aux caractéristiques du continent. Terre de rapines, grenier colonial dont les cartes d’état-major signalent utilement la localisation des richesses – agriculture, pétrole, cuivre, coltan et autres métaux précieux. N’y figure guère mais il convient d’ajouter, à la manière du grain de sable : la région est peuplée d’Africains, quantité négligeable, dépossédés desdites richesses, certes, mais tout de même, ils sont là.
Ils n’ont pas intérêt à se pousser du col. Des plans de management imposés à leurs gouvernements par les capitales occidentales y veillent. Les pressions exercées récemment sur la République démocratique du Congo afin qu’elle renonce à signer des contrats commerciaux avec la Chine sont là pour le rappeler.
Susciter en Afrique une revendication pour rendre décente la condition humaine dans cet océan d’indécence tient dès lors du défi – fait aux puissances qui de loin la gouvernent.
Dit autrement, pas de travail décent sans des appareils d’Etat assez forts pour imposer la volonté des populations, et inverser le rapport des forces. En Afrique, il faut partir de là. Poser la question de l’Etat, ses capacités d’aménager à la vie publique un cadre, un espace de démocratie, des bases sur lesquelles construire. Sans Etat, en Afrique, le travail décent restera un vain mot.
C’est le survol auquel ce numéro thématique du Gresea Echos invite. Mettre en exergue, du point de vue africain, la possibilité de l’Etat. Un bref tour d’horizon, invitant à la réflexion. En Afrique du Sud : la revendication de la ligue de la jeunesse de l’ANC pour une nationalisation du secteur minier car une politique de développement industrielle passe idéalement – on sait cela, à gauche – par la propriété collective des moyens de production. Chez le togolais Yves Ekoué Amaïzo, c’est la nécessaire refondation d’un Etat social autorégulé qui est examinée. Pour le grand angle, ensuite, on se reportera au sénégalais Sanou Mbaye, pour qui, fort de son expérience comme haut fonctionnaire de la Banque africaine de développement, seuls les Africains pourront sauver l’Afrique – des rets néocoloniaux, ils sont multiples. Stagiaire au Gresea, Sidi Camara invite quant à lui à examiner les causes, privatisation oblige, de la descente aux enfers de son pays, le Mali. De son côté, chercheur au Gresea, Tiago Stichelmans, propose un bilan critique du régionalisme en Afrique – un thème qui, last but not least, sera lu avec intérêt au regard de l’analyse, jusqu’ici inédite en français, que le juriste tanzanien Issa G. Shivji a publiée dans Third World Resurgence sur l’apport, plus que jamais actuel, des deux grands théoriciens du panafricanisme, Julius Nyerere et Kwame Nkrumah. Bonne et fructueuse lecture !
Ceci est le 60e numéro de notre périodique (dans sa version "nouvelle"). A raison de quatre numéros l’an, cela fait quinze années d’histoire, quinze années d’éducation à un autre développement. Celui des peuples. Nous vous donnons rendez-vous en 2024 pour le 120e numéro. Nous fêterons cela – en Afrique ?
Sommaire
- Edito : 60/Erik Rydberg
- L’Afrique au secours du développement/Sanou Mbaye
- L’amélioration de l’économie africaine passe par l’Etat/Amin Moilim
- Crise économique en Afrique : vers un Etat social régulé/Yves Ekoué Amaïzo
- Un fonds monétaire africain : une option viable ?/Njonjo Kihuria
- Afrique du Sud : nationaliser les mines ?
- Le panafricanisme dans la pensée de Mwalimu Nyerere/ Issa G. Shivji
- La privatisation du Mali : les débats actuels et la crainte de la jeunesse désespérée/Sidi Camara
- Le régionalisme : un outil pour le développement/Tiago Stichelmans
- Pour en savoir plus/Marc François
- A lire
Numéro consultable en ligne : https://issuu.com/gresea/docs/ge60compresse
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