« 40 ans d’histoire tenace, contre vents et marées, d’une association de service aux autres, avec des équipages successifs multiples qui ont fait sa richesse et sa durée. Une association dont la tâche a été et est de construire et donner une intelligence collective sur les changements et bouleversements que traverse le monde. »
Bruno Carton, ex secrétaire général du Gresea, 1988-1991
Édito Gresea Échos 96, déc. 2018
Le Gresea, un espace de critique libérée
1978. Alors qu’Israël envahit le Liban Sud, que naît Lucie Brown, le premier bébé éprouvette, et que la Chine s’ouvre à l’économie de marché, quelques militants belges se réunissent, un peu à la marge des organisations traditionnelles du mouvement social. C’est dans ce contexte que le Gresea voit le jour. Quelque part entre le formel et l’informel. Quelque part entre réalisme –les faits parlent d’eux-mêmes– et surréalisme –il pleut dans les locaux.
2018. Alors que la « démocratie » belge teste le gouvernement minoritaire, non légitime, non souverain, non élu (j’arrête là…), au Gresea, les toilettes hommes se sont fendues, mais il ne pleut plus dans les locaux.
Entre les fins de mois parfois difficiles, les locaux un peu exigus, les débats politiques sans fin (et les files aux toilettes donc…), travailler au Gresea n’est pas toujours une sinécure. Cela ne l’a jamais été. Pourtant, lorsqu’on parcourt le monde sur sa face progressiste, on prend conscience que rares sont les « espaces de la critique libérée ». Des endroits de réflexion sur le monde où l’analyse n’est pas démesurément (restons lucides) influencée par le dogme dominant de l’efficacité, les préjugés et lieux communs, le poids des organisations, la comptabilité des « clics facebookiens » ou le reporting incessant des activités qui n’a finalement pour autre but que d’entraver la réalisation « desdites » activités.
Le Gresea est un centre de recherche et de formation au service des organisations du mouvement social et, plus simplement, des gens en lutte contre les inégalités économiques et sociales. Le Gresea, c’est aussi une tentative constante de lier l’analyse, la compréhension du monde et la pratique de la transformation sociale. C’est un exercice compliqué : comment prendre du recul sur le réel tout en s’efforçant de le transformer ? En d’autres termes, comment être un.e chercheur.euse engagé.e ?
C’est pourtant avec une équipe de « chercheur.s.euses engagé.s.es » que le Gresea travaille aujourd’hui à l’alphabétisation économique (www.gresea.be) ; à la construction d’un observatoire critique des multinationales (www.mirador-multinationales.be) ; qu’il coordonne un réseau de chercheurs.euses hétérodoxes (www.econosphères.be) et un réseau militant européen (www.altersummit.org).
Reste à dire « merci » à toutes celles et ceux – secrétaires, chercheuses, chercheurs, comptables, graphistes, informaticiens, documentalistes, administrateurs, administratrices, ou simples compagnons de route – qui, depuis 40 ans, ont rendu cette liberté possible. Et ce, malgré l’inadaptation du Gresea à la norme actuelle qui voudrait que chaque association rentre dans un tiroir avec en front de bannière une identité clairement définie.
Quarante ans plus tard, nous n’avons toujours pas une réponse très précise à la question « qui sommes-nous ? ». Et c’est sans doute la raison pour laquelle le Gresea est toujours là. Un « espace de la critique libérée » s’accorde mal avec des frontières disciplinaires, un type d’organisation, une stratégie prédéfinie. Quarante ans après sa fondation, l’identité du Gresea se situe toujours quelque part entre la plume des chercheurs.euses et le cambouis des luttes sociales teintées de jaune depuis quelques semaines [1]. Et, finalement, pourquoi pas ?
***
Quarante ans obligent, ce Gresea Échos est spécial. Chaque article qui le compose repose sur des sources « maisons ». C’est un exercice de synthèse historique, fatalement non exhaustif. Il y sera tout d’abord question des filières de production et des firmes multinationales qui, depuis 40 ans et une feuille de cigarette, sont au cœur des travaux du Gresea. Le concept de « développement » est ensuite questionné comme il l’a été durant toute l’histoire du Gresea. Le troisième article aborde la prédation financière, caractéristique dominante du dernier cycle de mondialisation. Enfin, le dernier article questionne le fondement de nos économies : le travail.
Sommaire GE96 ; décembre 2018 ; 28 pages
Édito : Le Gresea, un espace de la critique libérée
Bruno Bauraind
La filière de production comme méthode de compréhension du monde
Bruno Bauraind
Le Sud n’existe pas ?
Bruno Bauraind
Du condottiere à Blackrock : la prédation financière
René De Schutter et Henri Houben
L’emploi est-il toujours vecteur de droits ?
Bruno Bauraind
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